Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55%: tel est l'objectif très ambitieux de l'Union européenne. Ce ne sera pas sans conséquences spectaculaires sur certains secteurs et de nombreuses entreprises. Tout bénéfice pour un investisseur... bien positionné.
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La publication des propositions relatives à l'objectif Fit for 55 (lire encadré) n'est évidemment qu'une première étape. On estime qu'il faudra deux ans de discussions avant d'arriver à un plan de bataille concret. La philosophie et le but à atteindre étant connus, il est néanmoins possible dès à présent de dresser une liste des secteurs et entreprises qui devraient bénéficier à plein de cette véritable refonte de l'économie européenne. Au niveau des secteurs comme des entreprises, les grands vainqueurs de la stratégie Fit for 55 sont dès à présent bien identifiés. Ou du moins le pense-t-on généralement. Or, il en est non seulement de moins connus, mais il est également possible que les véritables gagnants ne soient pas les fabricants d'équipements, par exemple, mais leurs fournisseurs. C'est l'avertissement lancé par le gestionnaire de fonds britannique Schroders, dans une fort intéressante et très concrète étude sur le sujet, que l'on complétera ci-après. Cette étude prend d'abord à témoin l'éolien. "Étant donné l'objectif d'augmenter la part des énergies renouvelables à 40%, vous pourriez penser que des entreprises comme les fabricants d'éoliennes seraient les grands gagnants", déclare Martin Skanberg, gestionnaire de fonds d'actions européennes. "En fait, ils pourraient peiner à prospérer financièrement en raison des pressions doubles sur la rentabilité. Premièrement, les baisses de prix nécessaires à l'adoption des énergies renouvelables. Deuxièmement, la montée des pressions sur les prix des matières premières, qui poussent les coûts à la hausse." Le gestionnaire avance ici "principalement l'acier", ce qui peut étonner avouons-le. Rappelons que le leader mondial de la fabrication d'éoliennes est l'entreprise danoise Vestas, dont l'action figure dans la plupart des fonds misant sur la transition énergétique. Elle a réalisé une excellente année 2020, avec des ventes doublées aux États-Unis (son premier marché) et en Asie. L'action, qui avait brutalement perdu un tiers de sa valeur en début d'année, n'a regagné qu'une partie du terrain depuis. Elle est coutumière de gros écarts: elle s'était effondrée à moins de six couronnes danoises (DKK) en automne 2012, venant d'un sommet à plus de 130 DKK en juin 2008! À retenir pour l'investisseur particulier: une action "verte", même reconnue mondialement, peut s'avérer très volatile. C'est globalement vrai pour les actions chères. Et tel est le cas de Vestas, qui se négocie actuellement à près de 40 fois le bénéfice attendu. Parmi les fournisseurs du secteur éolien, Martin Skanberg évoque la société suédoise SKF, le roi du roulement à billes. Il fabrique en particulier les modèles ultra-robustes nécessaires dans les éoliennes. En association avec l'entreprise américaine Lincoln, rachetée en 2010, il propose également des systèmes de lubrification automatique. Y compris donc pour les éoliennes. Un partenaire méconnu mais non négligeable du secteur. Le cours de l'action a retrouvé son niveau de début 2020 dès l'automne et se situe très au-delà, en dépit d'un repli récent. Son rapport cours/bénéfice (C/B) est assez raisonnable: de l'ordre de 15. Le gestionnaire évoque plus globalement les entreprises chimiques comme contributeurs aux énergies vertes. Et de citer en exemple Wacker Chemie. Cette société familiale allemande basée à Munich est un gros producteur de silicium, la matière première des cellules solaires. En particulier du polysilicium, dont les ventes furent très soutenues au premier semestre de cette année. En Bourse de Francfort, le titre Wacker a triplé depuis son plancher de l'an dernier, mais sans retrouver son sommet de la fin 2017. C'est aussi dans le secteur chimique que Paul Griffin, collègue du précédent, pointe un fournisseur de la construction. Aussi vrai que les bâtiments représentent 40% environ de l'énergie consommée dans l'Union (et 36% des gaz à effet de serre), celle-ci occupera une place de choix dans l'amélioration de l'efficacité énergétique. Et le gestionnaire d'avancer l'entreprise suisse Sika, pour ses "adjuvants réducteurs d'eau" qui permettent de réduire très fortement la quantité d'eau utilisée dans la fabrication du béton. Basée à Zurich, la société fournit en fait toute une panoplie de produits liés à la construction. Le cours de l'action, en hausse régulière, a été multiplié par quatre en cinq ans. Ce profil enviable se paie au prix fort: l'action se traite à 50 fois le bénéfice! Après avoir signalé que si Tesla reste emblématique sur le terrain des voitures électriques, mais que Volkswagen est devenu le leader de ce segment, l'étude de Schroders met ici aussi l'accent sur les fournisseurs du secteur. Et d'évoquer le groupe britannique Johnson Matthey, spécialiste reconnu du platine, mais qui trouve sa place dans le transport "vert" à divers niveaux. "Ses catalyseurs peuvent être installés sur des véhicules essence, diesel ou hybrides existants afin de réduire les émissions polluantes", explique l'analyste Nicholette Brown. "La société fabrique également des membranes enrobées de catalyseurs faisant partie des piles à combustible à hydrogène. Sur le segment des batteries, elle développe des matériaux de cathode riches en nickel, qui donnent aux batteries une densité énergétique élevée, tout en réduisant les niveaux de cobalt nécessaires." On sait à quel point ce dernier est produit, au Congo notamment, dans des conditions socialement inacceptables. On ne saurait ici faire l'impasse sur un confrère du groupe britannique bien connu en Belgique: Umicore. S'il est le leader mondial du recyclage des métaux précieux sur son site d'Hoboken (Anvers), une véritable poule aux oeufs d'or cette année, le groupe belge est directement engagé dans le transport vert: il fabrique lui aussi des catalyseurs, ainsi que des matériaux utilisés dans les cathodes de batteries. Ce n'est pas pour rien que l'action Umicore a signé un brillant parcours, avec une multiplication par dix depuis 2004. Elle n'est pas "donnée", avec un rapport C/B estimé de 30 environ. Le transport ferroviaire devrait connaître un nouveau coup de pouce? Oui, mais au lieu de citer des fabricants de trains comme Alstom ou Siemens, Paul Griffin avance le fabricant de freins pour trains et camions Knorr Bremse, une entreprise allemande qui emploie près de 30.000 personnes. L'action n'a pas vraiment fait d'étincelles ces dernières années et affiche un costaud rapport C/B de 28. Autre suggestion: la plateforme de réservation en ligne Trainline, qui est encore déficitaire. Retenons encore les choix de Schroders dans le cadre de la taxe carbone qui sera prélevée aux frontières. Le gestionnaire estime que ceci favorisera les trois producteurs d'acier inoxydable Acerinox, Aperam et Outokumpu. Voilà qui tombe bien puisqu'Aperam est coté à Bruxelles. Basée à Luxembourg, cette ancienne division d'Arcelor Mittal a des usines en France et en Belgique (Chatelet et Genk). L'action est cyclique: elle a doublé en un an, flirtant avec les 50 euros, mais surtout, elle s'était écrasée à moins de 10 euros en 2013. Son rapport C/B est inférieur à six. C'est très peu, mais c'est assez normal dans le haut du cycle.