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Le ministre Vandenbroucke a annoncé une rénovation du financement des hôpitaux, associée à une réforme accélérée de la nomenclature. Il a fait part de sa volonté d'agir avec rapidité. La crise Covid a révélé l'état déplorable de la situation financière des hôpitaux, qui doivent leur survie à l'injection de trésorerie consentie par le Gouvernement (avance de deux milliards, récupérable). Les rapports annuels MAHA de Belfius objectivent l'état désastreux de la balance comptable des hôpitaux, et la part croissante des honoraires médicaux dans le chiffre d'affaire. Comment en est-on arrivé là? L'état a imposé de nombreuses contraintes (donc de dépenses) aux hôpitaux, sans les financer entièrement: barémisation, accords sociaux, investissements lourds (IT, RMN, Pet Scan, Radiothérapie), accréditation. Les institutions ont compensé en augmentant les prélèvements sur honoraires, et les suppléments sur honoraires, qu'ils ont plus ou moins confisqués. Nombreuses sont celles qui ont imposé une productivité accrue aux médecins, avec sanctions à la clé: augmentation du nombre de patients par heure de consultations, pressions sur le nombre d'actes réalisés. Les rapports successifs du Conseil fédéral des établissements hospitaliers pointent un manque structurel de ressources, hors IT, de 300 à 400 millions d'euros par an! Des hôpitaux ont renoncé à fermer leurs lits non occupés (nombre de lits agréés - nombre de lits justifiés) pour maintenir l'emploi et améliorer ainsi la proportion de soignants vis-à-vis des patients. Mais, non financé, ce personnel a été indûment mis à charge des honoraires, dont le montant n'a jamais été établi pour couvrir ces contraintes. Quelques pistes de réflexion pour la réforme du financement hospitalierTout d'abord, il faut signaler que la réforme de la nomenclature n'est pas intrinsèquement liée à celle du Budget des Moyens Financiers (BMF). Il faut pérenniser les travaux des trois groupes en charge de cette mission, et dont seule la 1ère phase a été contractualisée avec l'Inami. L'analyse des charges liées aux prestations médicales sera faite (3ème phase des travaux), dans le respect des règles d'imputation citées ci-dessous. La plupart des actes, hors ceux intimement liés à l'hospitalisation (unités de soins, USI et urgences, quartier opératoire) sont effectués aussi bien en ambulatoire qu'en hospitalisation. Leur tarif tient compte, en tout cas pour les actes créés depuis 15 ans, des coûts de pratique, qui doivent rester inclus dans le périmètre des honoraires: la responsabilité médicale s'étend évidemment à la gestion des investissements et coûts opérationnels nécessaire à la pratique médicale. Quant au BMF, établi par le SPF Soins de santé, il doit garantir les recettes nécessaires à couvrir l'intégralité des charges liées à l'hospitalisation, classique comme de jour (chirurgicale pour le moment, l'hospitalisation médicale de jour étant financée via la convention entre hôpitaux et organismes assureurs). Intégralité signifiant investissements et coûts d'exploitation. Le BMF ne prend pas en charge les coûts de l'activité ambulatoire (consultations et actes en polyclinique), ni ceux des services médico-techniques (imagerie RX - écho- nucléaire) tant ambulants qu'hospitalisés, coûts qui sont couverts par la nomenclature. Exception faite pour la radiothérapie, la RMN et les PET Scan, dont le financement est mixte (A3 et B3 du BMF, et nomenclature). Exception aussi pour le coût des instrumentistes, hors BMF. Il faut donc un inventaire précis des charges, ventilées selon le poste comptable des recettes BMF ou honoraires. L'imputation directe doit être la règle absolue. Cela va dans le sens de la responsabilisation des acteurs sur le bon usage des moyens mis à leur disposition. La réduction des charges passera par une réelle simplification administrative, ébauchée par Maggie De Block: moins d'enregistrements destinés à justifier l'usage des moyens, moins de règles tatillonnes liées aux processus, moins d'obligations de reporting. Le nouveau modèle BMF intégrera les coûts de l'amélioration du taux de soignants au chevet du patient. L'hospitalisation classique doit être découragée au profit de celle de jour. La balance comptable de l'ancien modèle et de ces nouvelles recettes / dépenses doit être effectuée, et le résultat comptable final - qui sera négatif - compensé par une recette unique one shot qui remettra les compteurs à zéro (reset). A partir de cette date de reset, envisageons une approche 'budget base 0. Ces travaux tiendront compte des économies mesurables liées à la mise en place des réseaux hospitaliers: concentration des activités et des moyens pour certaines pathologies, focused factory, et du glissement vers l'ambulatoire. Il faut absolument décentraliser les décisions de gestion des recettes et d'attribution des dépenses au niveau de chaque hôpital, lui permettant d'orienter une partie de ses recettes selon sa stratégie propre, compte tenu des spécificités et des besoins sanitaires de la population desservie. Le modèle BMF doit changer. Le prix unique du séjour est aujourd'hui calculé pour chaque hôpital en fonction de son activité globalisée (case mix) de deux ans auparavant, la valeur en ? de chaque séjour (APR DRG et sévérité) étant celle de la moyenne nationale des dits APR. Il n'y a dans ce modèle aucun incitant à l'efficience ni à la qualité. Il faut un modèle similaire à celui des honoraires basse variabilité: un APR a une valeur ? identique pour tous, facturée à la sortie du patient. L'hôpital peut ainsi retrouver des marges pour investir. Au sein de l'hôpital, les charges globales pour le personnel étant connues, de même que les recettes correspondantes, il faut favoriser un changement de modèle, passant de l'obligation de respecter des milliers de page de processus, à celle de mesurer et évaluer les résultats des traitements (par exemple modèle ICHOM), et à la promotion de l'ajustement mutuel entre acteurs, d'une culture commune de qualité/sécurité, de la confiance dans le professionnalisme des collaborateurs: l'hôpital a besoin d'acteurs professionnels, formés et motivés, qui disposent d'une liberté d'organisation de leur travail. Arrêtons la parcellisation des tâches et le " fordisme ", favorisons les fonctions plutôt que les cloisonnements improductifs liés à la sur-diplomation. Mais ceci est une autre histoire...