Au très beau, épuré et forcément transparent musée du Verre de Sars-Poteries, le Musverre, situé à quelques kilomètres de la frontière belge derrière Beaumont, une nouvelle exposition se consacre au lien entre textile et verre.
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"Sur un fil" présente une grosse quinzaine d'oeuvres, dont la première évoque l'art and craft: l'artiste (souvent des femmes dans cette expo) Aline Thibault reproduit en verre et sous forme de vitrail le motif du pédalier de la vieille machine à coudre Pfaff auquel il est lié, en utilisant des techniques contemporaines pour parvenir à ses fins ; un travail aux confins de l'artisanat d'art et de la technologie et, en effet, bien dans l'esprit d'un William Morris à l'époque. Ceci en introduction d'une grande salle d'exposition qui se présente en deux volets. La première décline les liens entre fil et verre: des mains de verre évoquent la cordée en se passant une... corde chez l'artiste allemande Karola Dischinger, illustrant par là la solidarité. Notre compatriote Lieve van Stappen a effectué quant à elle des moulages de "pognes" de vieilles ouvrières textiles à Roulers, incapables de dénouer à présent les pelotes de laine, usées qu'elles sont par le travail. Chez l'Anglaise Deborah Hopkins, par contre, c'est le fil rouge qui se déroule entre les doigts de verre. La transmission est également présente au travers des oeuvres souvent féminines, avec Doloris Claire Deleurme notamment qui, d'origine bretonne, met la pelote d'aiguilles sous cloche, tel un objet vénéré, relique d'une tradition à perpétrer. Il y en a trois de ces cloches translucides chez Julie Decriem, qui clame, au travers de petits yeux insérés auprès de matériel de couture, que la transmission de ce savoir s'effectue par l'observation. Pour ceux qui n'auraient pas compris... Avec "Flowers", le Vénitien (qui s'est formé à Murano) Christiano Bianchin - eh oui, il y a tout de même quelques hommes - fait une sorte de nature morte aux fleurs mêlant verre et textile coloré dans un bouquet jamais fané. La Catalane Montserrat (évidemment...) Duran Muntadas honore le souvenir de sa grand-mère, décédée seule durant le covid, en suspendant des coeurs de verre habillés de travaux aux crochets de bénévoles, un artisanat que pratiquait à plaisir son aïeule. Dans la deuxième partie, la prouesse technique est de rigueur, le fil devenant verre, comme dans l'oeuvre nostalgique du couple franco-luxembourgeois formé par Anne-Claude Jeitz et Alain Calliste. L'artiste ukrainienne Nataliya Vladychko rend elle aussi hommage au passé, en créant des mouchoirs en dentelle... de pâte de verre. Enfin, l'expo se termine sur trois oeuvres techniquement époustouflantes. Les trois tricots en verre de Carole Milne évoquent le maillage social, celui de la graine de coton, agrandi cent fois, dans le cas du Tchèque Ivan Mares. La sculpture de verre suspendue imite le linge qui sèche chez la Polonaise Barbara Idzikowska, ainsi que chez Cathryn Shilling ("Synergie"), même si le travail de la Britannique se révèle moins aérien. La performance technique est à son comble dans "Confluence", création conjointe d'Aurélia Leblanc, spécialiste du tissage, et de Lucile Viaud, experte en géoverrerie: un verre élaboré à partir de déchets marins, comme les algues ou les coquillages, et un travail collectif qui parvient à créer à partir de la symbiose entre verre et tissus une oeuvre souple, rendue vivante par les effets de lumière changeants, et qui étonne par son véritable drapé. L'invention du "verre" à soi?