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Le jdM : Votre musique aurait-elle un côté enfantin ? Marc Hollander : De faussement naïf, de guilleret, de ludique en tout cas. Une tendance présente dès le premier album, ludique et enfantin en effet. Cette inclination est toujours présente. Le mouvement dada vous parle-t-il ? Véronique Vincent : oui. Très tôt, j'ai été plongé dans la lecture de textes s'y rapportant. Aksak Maboul serait-il une sorte d'art conceptuel musical ? M.H. : De manière plus intuitive alors. Un concept organisé qui se révélerait plus organique, pas trop cérébral, même si Véronique effectue, au niveau des textes, un travail de distillation de thématiques. Tout le projet se développe de manière progressive, sans plan préétabli, contrairement à l'art conceptuel. Nous sommes plus vagabonds... Y aurait-il un côté Marcel Broodthaers ? V.V. : Peut-être. En tout cas, j'ai pensé à lui lorsque nous préparions le tournage du clip de Tout a une fin. Les paroles procéderaient-elles de l'écriture automatique ? V.V. : Pas du tout. Cela procure peut-être cette impression à l'arrivée, mais, même si parfois il m'arrive de partir d'un mot, je développe toujours une histoire... certes un peu tarabiscotée. Georges Pérec serait-il une de vos influences ? V.V. : Je n'en suis pas à un tel niveau de complication, mais il est vrai qu'il faisait partie de mes lectures au moment où j'écrivais ces textes, comme les dadas et surtout Aragon. Qu'en est-il d'une écriture automatique au niveau musical ? M.H. : En fait, je mélange des idées, des influences, j'effectue des bricolages, sonores également... Je brasse beaucoup d'éléments. Il s'agit d'un processus en miroir de ce qui m'influence, que j'intègre et que je tente d'organiser en un tout. Il ne s'agit pas d'un album de chansons à textes, mais de musique et de textes, entraînant ensuite l'auditeur sur une sorte de verglas, en passant d'une ambiance à l'autre. Le jazz fait partie de vos influences, auxquelles me semble-t-il il convient d'ajouter la musique contemporaine, notamment sur le dernier morceau Tout a une fin qui rappelle par moments Michael Nyman ou Wim Mertens... M.H. : Plutôt Philip Glass sans vouloir être prétentieux (rires) : c'est de l'improvisation. Du Steve Reich qui ne serait pas calculé au millimètre. On trouve également des influences de musique concrète, de musique électronique dans les rythmiques : les basses sont électroniques, surplombées de vrais instruments. Difficile de savoir si la musique est jouée ou programmée... Et cette ambiguïté me plaît ! La musicalité des paroles primerait-elle sur leur sens ? V.V. : Le sens est présent, mais il est vrai que j'apprécie énormément la musicalité des mots, leurs sonorités. M.H. : Ce double album est assez construit et truffé de références, tant du côté de la musique que des textes, sans que cela soit trop évident. Nous avons semé des indices parmi les titres des interludes, de façon à diriger les auditeurs que cela amuse vers des références littéraires, des oeuvres que nous apprécions. Une sorte de jeu de piste ? M.H. : En quelque sorte, mais auquel il n'est pas forcément indispensable de participer. Ce double cd raconte-t-il une histoire ? V.V. : Chaque chanson est un récit, sans pour autant constituer au final une histoire. Il s'agit de petits paysages portraits qui sont évoqués, sans concept global, ce que nous allons développé dans le cadre de notre prochain disque. M.H. : Ce sont des figures, d'où le titre... des figures géométriques notamment. Des figures qui n'ont rien d'imposées ? V.V. : Des figues libres... M.H. : Quelque part, Figures raconte l'histoire de l'album, comme celle de ce groupe qui s'est arrêtée pendant quelques décennies ou siècles, je ne sais plus... revenu à la vie un peu par hasard, en redécouvrant des maquettes de morceaux jamais terminés. Ce qui nous a remis le pied à l'étrier... pour passer du patinage à l'équitation (rires).Cet album reprend également ce qui nous a plus, que nous avons écouté, vu ou lu depuis quelques années. D'où sa richesse, au niveau de la durée d'abord, 22 morceaux, et des genres qu'il embrasse, en espérant que cela forme un tout. Pour revenir au patinage... en couple, la chanson en duo m'évoque les films de Jacques Demy... V.V. : Oooh... M.H. : Le morceau Fratrasie pulvérisée est en fait chanté par Véronique en compagnie de Julien Gasc, d'Aquaserge. V.V. : Julien en a composé la musique et j'en ai écrit les paroles. Et ce fut en effet un exercice de patinage avec lui... M.H. : La preuve : le mot "patineuse" figure dans le texte ! (rires) V.V. : Pour en revenir à Demy, j'avoue regarder Les demoiselles de Rochefort en boucle. J'y repensais l'autre jour : petite fille, accompagnée de ma maman, j'avais vu le film dans un cinéma parisien. J'en étais sortie complètement éblouie, des étoiles plein les yeux. A la sortie, un vieux monsieur, il devait avoir au moins quarante ans ! , m'a demandé si cela m'avait plus. J'ai répondu "ooh oui ! ". Quelques instants plus tard, ma mère m'a glissé : " et bien voilà, tu viens de parler à Michel Piccoli..."