À l'occasion de la journée des jeunes généralistes, organisée par la SSMG le 9 septembre, le Dr Sarah Cumps animait un atelier sur un de ses sujets de prédilection: les demandes de certificats absurdes. L'occasion de rappeler la poursuite de la campagne "crocodile bleu", qui vise à lutter contre la surcharge administrative des médecins.
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Trop souvent, la journée de travail du médecin généraliste est ponctuée de demandes de certificats médicaux injustifiés. Un MG français avait d'ailleurs fait l'exercice d'objectiver le phénomène dans sa pratique. Ces certificats rédigés sans aucune plus-value médicale ajoutée, Michaël Rochoy les appelle ses "actes gratuits". L'an dernier, il les a soigneusement comptés: "En 2022, j'en ai rédigés 2.060! Chacun prend entre deux et dix minutes à réaliser. Faites le calcul, le temps perdu devient vite énorme..." La déontologie exige pourtant du médecin qu'il remette au patient les documents médicaux dont il a besoin (article 26 du Code de déontologie). Parallèlement, il doit également utiliser de façon responsable les ressources mises à sa disposition par la société, et ne pas pratiquer de prestations inutilement onéreuses et superflues, même à la demande du patient. Un équilibre doit donc être atteint pour que le médecin puisse répondre aux demandes légitimes du patient qui ne peuvent se concrétiser san la coopération du médecin traitant. Le MG ne peut pas se soustraire sans motif légitime à ce devoir déontologique, précise encore le Code de déontologie. "Toute la question tourne autour de cette notion de 'demande légitime' du patient", explique Sarah Cumps. Comment déterminer la légitimité d'une demande? La déontologie énumère elle-même quelques cas. Le médecin traitant doit par exemple informer le médecin-conseil de la mutuelle du patient qui sollicite un avantage social (art. 42 du Code). En ce qui concerne les compagnies d'assurances, le médecin traitant peut assister son patient dans les procédures concernées. Attention toutefois, il doit recueillir l'accord exprès du patient pour chaque élément révélé dans le dossier. La loi du 8 juin 2006 prévoit également qu'une attestation médical est obligatoire pour obtenir l'autorisation de détenir une arme. Pour confirmer l'aptitude à la manipulation d'une arme sans danger pour le demandeur ou pour autrui, le médecin devra en pratique certifier l'absence de contre-indication médicale connue (éthylisme chronique, dépression, épilepsie). N'importe quel médecin ne peut cependant pas rédiger l'attestation pour n'importe quel patient. Elle doit être rédigée par le médecin détenteur du DMG ou le médecin qui déclare suivre le patient depuis au moins un an, ou, à défaut, un psychiatre ou neuropsychiatre. "Cela signifie qu'un patient inconnu ne peut pas vous demander cette attestation si vous êtes le médecin de garde et que vous n'avez pas de lien avec lui." La toute récente lauréate du Prix du Généraliste a ensuite rappelé que, depuis novembre 2022, un certificat médical ne dois plus être demandé pour une absence d'une journée pour cause de maladie (jusqu'à trois fois dans l'année). Cela ne s'applique que pour les organisations de plus de 50 travailleurs, mais voilà qui devrait décharger un peu les généralistes, qui attendent impatiemment que tous les employeurs soient au courant de la nouvelle règle. Des discussions sont d'ailleurs en cours pour étendre cette loi à des absences allant jusqu'à trois jours. La problématique des certificats-sports revient régulièrement au devant de l'actualité. C'est le cas quand un jeune sportif est subitement foudroyé par un arrêt cardiaque, sans signes avant coureurs: aurait-il dû être examiné par un médecin, préalablement à la pratique de son sport? Partant, les généralistes devraient-ils délivrer des certificats d'aptitudes pour le sport (soit en pratique des attestations de non contre-indication à la pratique sportive) à tout citoyen qui le pratique? Il n'y a pas de recommandation claire. En 2015, le KCE avait émis un avis en la matière: il " recommande de ne pas demander aux jeunes (14-34 ans) sportifs non professionnels de procéder à un dépistage cardiovasculaire avant de s'inscrire dans un club ou de participer à des événements sportifs de masse. En effet, il n'y a pas suffisamment d'éléments pour supposer que le bilan final entre les avantages et les inconvénients de ce dépistage systématique est favorable." Enfin, le milieu de la petite enfance est également un grand générateur de demandes de certificats médicaux. Si l'attestation de bonne santé est obligatoire pour l'entrée en crèche, on rappellera qu'elle vaut généralement pour deux ans, et qu'une attestation de bonne santé pour la reprise de la crèche après maladie n'est dès lors jamais obligatoire. En ce qui concerne l'autorisation d'administrer des médicaments, Sarah Cumps appelle au bon sens. "L'attestation médicale est souhaitable pour les médicaments, mais pas pour autoriser le personnel à appliquer de la glace sur une bosse! D'un autre côté, c'est également l'occasion de faire de la prévention auprès des parents. La crèche qui refuse d'appliquer de l'arnica sans autorisation médicale peut par exemple susciter la discussion entre le médecin et les parents, sur le fait que les huiles essentielles sont parfois contre-indiquées pour les petits enfants." Face à une demande qui lui parait donc injustifiée, quelle réaction doit adopter le médecin qui souhaite réagir, tout en ne pénalisant pas son patient, rarement à l'origine de la demande? La SSM-J oriente vers la méthode pédagogique et ressort ses tampons "crocodile bleu" (disponibles sur le site de la campagne "Certificats-Absurdes"[1]). Le rampant appelle les employeurs et autres organismes friands de certificats médicaux à questionner leur nécessité. Supprimer les certificats absurdes et libérer du temps aux médecins aiderait à faire face à la pénurie qui frappe la profession.