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La Semaine européenne de l'intelligence artificielle (IA) s'est clôturée par le webinaire sur l'IA en médecine, organisé par l'AMUB (Association des médecins anciens étudiants de l'ULB). Le doyen de la faculté, Nicolas Mavroudakis, s'est penché sur l'intérêt de l'apprentissage des technologies en médecine. Il a notamment rappelé que l'IA a été imaginée il y a longtemps déjà par Alan Turing et ses successeurs. Ainsi, depuis 1996, le "Nobel de l'informatique", le Prix Turing (d'un million de dollars, financé par Google) récompense des travaux pionniers dans le domaine de l'IA. En 2018, il a été remis à des chercheurs qui ont permis le développement des concepts de 'Machine et Deep Learning'. Enfin, le premier Prix Squirrel AI a été décerné en février 2021, il est considéré comme le Prix Nobel de l'intelligence artificielle. " Actuellement, l'intérêt de l'IA est d'aider les cliniciens à aboutir à un diagnostic performant, où que l'on soit dans le monde. L'IA en médecine doit être développée de manière transparente en termes de données et d'algorithmes utilisés et de résultats proposés, le tout avec une maîtrise éthique. En tant qu'université, on a une responsabilité sur le plan de l'enseignement pour que ceux qui utilisent ces systèmes rentrent des données de façon sécurisée. Les universités doivent donc contribuer à leur validation et à la recherche, elles sont les garantes d'une diffusion de ces systèmes au plus grand nombre", rassure-t-il face aux inquiétudes relatives au manque de régulation. " Les médecins sont issus d'un processus d'accumulation de connaissances pendant leurs études et via la littérature scientifique, mais aussi par l'expérience et la pratique clinique. Cependant, il y a une limite au nombre de connaissances que nous pouvons acquérir et au nombre d'années d'expérience que nous pouvons mettre au service de nos patients. L'IA n'a pas ce problème. En médecine, l'IA a un intérêt multiple: elle peut améliorer la qualité des soins en permettant de meilleurs diagnostics, des prédictions et la prévention des maladies. Elle aide les médecins à augmenter leurs compétences et à réfléchir d'une façon différente, qui n'existait pas auparavant", a ajouté le Pr Giovanni Briganti, coordinateur de l'unité d'enseignement de biostatistique, informatique médicale et épistémologie de la faculté de Médecine de l'ULB et modérateur de la conférence. " On peut utiliser l'IA pour soutenir les processus de soins, que ce soit à l'hôpital ou en médecine générale, et dégager du temps pour les tâches à haute valeur ajoutée. Cette intelligence artificielle n'est pas distante des médecins, ce n'est pas quelque chose de fantastique ou de mythique. Non, elle va leur permettre de devenir plus humains, comme le montre notre baromètre de l'adoption de l'IA dans les hôpitaux en Belgique, mené avec IA4Belgium", constate-t-il. Cependant, l'intelligence artificielle doit relever beaucoup de défis, notamment ceux de l'indépendance et de l'éthique. " Un des freins les plus importants pour l'adoption de l'IA est le manque d'éducation des médecins et des soignants au sujet des technologies médicales, de la santé digitale et de l'IA." La faculté de médecine de l'ULB a été pionnière en offrant le premier cours d'informatique médicale (2017-2018). Après cinq ou six années, on voit que les médecins peuvent apprendre l'IA, les statistiques médicales, l'apprentissage machine et l'apprentissage statistique pour promouvoir les nouvelles technologies au sein de leur milieu de soins", estime Giovanni Briganti. " Le cours d'informatique médicale est destiné à donner aux masters 2 une vue holistique de l'écosystème digital en médecine. Les différents thèmes (principes de base en informatique, dossier patient intégré, terminologie médicale, aide à la décision clinique, dossier informatisé en MG, esanté belge et RGPD, recherche biomédicale et IA) restent le fil conducteur mais leur contenu est adapté tous les ans", explique Olivier Lemoine, professeur titulaire de ce cours. "Il s'agit de répondre aux nouveaux paradigmes dans les soins de santé: plus de patients âgés, plus de maladies chroniques, moins de soignants, médecine personnalisée, restrictions budgétaires, augmentation des coûts et charges administratives", souligne-t-il: " Il faut donc gagner du temps, gagner en productivité avec moins de gens. Le gain peut s'élever à 20% grâce à la digitalisation des processus administratifs et routiniers, l'aide à la décision clinique (IA), l'intégration des applis, l'interopérabilité des données médicales/administratives (terminologie internationale Snomed CT)... De plus, à côté de la médecine curative et de la prévention, le Big data et l'IA permettent la médecine prédictive (grâce aux omiques) et la médecine de précision pour cibler les traitements. L'IA en médecine n'en est qu'à ses balbutiements en terme de pratique clinique généralisée, ses champs d'application sont énormes sous réserve de validation/adoption par les soignants. Ce sont les étudiants qui vont porter les messages." " Nous sommes convaincus que les médecins généralistes seront des acteurs majeurs du développement de la technologie médicale d'aujourd'hui et de demain. L'innovation est un domaine qu'il faut enseigner aux soignants et en particulier aux médecins pour faciliter le développement de nouvelles technologies qui vont améliorer la façon dont on soignera les patients. C'est dans cet ordre d'idée qu'un nouveau Certificat interuniversitaire en intelligence artificielle et santé digitale sera donné par l'ULB et l'UMons, dès la rentrée de septembre 2022", a conclu le Pr Briganti.