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Le Pr Kristien Roelens explique et commente quelques statistiques obstétriques. En plus d'être gynécologue et membre du personnel de la Clinique des femmes de l'UZ Gent, elle est présidente scientifique du Centre d'étude pour l'épidémiologie périnatale (Studiecentrum voor Perinatale Epidemiologie - SPE). Au cours de ses années de suivi des femmes enceintes, elle a constaté de nombreux changements, tant chez les futures mères que dans leur encadrement médical. Aujourd'hui, beaucoup plus de personnes présentant des profils à risque tombent enceintes, signale le Pr Roelens: "Tout un groupe de personnes qui n'auraient pas pu tomber enceintes par le passé ont aujourd'hui cette possibilité. Je pense aux patientes souffrant d'anomalies cardiaques congénitales sévères, aux patientes ayant eu une greffe de rein, aux patientes muco, etc. Au début des années 2000, les grossesses étaient encore déconseillées dans le cas de ces maladies complexes et chroniques, ou alors les femmes concernées n'atteignaient pas l'âge de procréer. Au fil des années, nous avons vu cette situation évoluer de manière significative."Les progrès médicaux, qui se traduisent dans ces populations par de meilleurs taux de survie et une meilleure qualité de vie, mais aussi les traitements de PMA actuels, ouvrent de nouvelles possibilités aujourd'hui. Bien entendu, cela s'accompagne de défis. "Les femmes présentant des profils à risque sont plus susceptibles de souffrir de complications de grossesse, telles que l'insuffisance placentaire, la prématurité, un faible poids de naissance, la prééclampsie et la mort foetale", explique le Pr Roelens. "Ces profils de risque peuvent d'ailleurs être considérés de manière très large. Le nombre de grossesses à un âge avancé (> 40 ans) a également augmenté, par exemple chez les personnes souffrant d'hypertension, de diabète et d'obésité."Le taux d'obésité a augmenté de façon spectaculaire dans la population générale, et il en va de même pour les femmes enceintes. "Tous les deux ans, on voit clairement ces graphiques augmenter. Nous emboîtons le pas à l'Angleterre et à l'Amérique", observe le Pr Roelens. Et ce n'est pas sans conséquences: un IMC trop élevé réduit la fertilité et donc les chances de grossesse spontanée, et augmente le risque de diabète gestationnel, d'hypertension et de thrombose, entre autres. Il existe également un lien direct entre macrosomie et surpoids chez la mère. En outre, les accouchements sont beaucoup plus souvent déclenchés et réalisés par césarienne, ce qui augmente le risque de complications pendant l'anesthésie, ainsi qu'en post-opératoire, au niveau de la cicatrisation des plaies. L'obésité présente également un aspect intergénérationnel. Les enfants de mères obèses pendant la grossesse sont eux-mêmes plus exposés à l'obésité, au syndrome métabolique et au diabète. "Cette spirale s'intensifie d'une génération à l'autre. Tomber enceinte en bonne santé [1], avoir un mode de vie sain pendant la grossesse et le fait de ne pas prendre trop de kilos pendant la grossesse [2] est vraiment très important", souligne le Pr Roelens. Un autre point de départ pour briser le cycle intergénérationnel de l'obésité est d'encourager l'allaitement maternel. "Le lait maternel protège contre la suralimentation dans les premières années de la vie, mais aussi contre l'obésité (et ses complications) plus tard dans la vie." L'allaitement maternel se porte d'ailleurs très bien en Belgique. Selon le SPE, plus de huit mères sur dix déclarent vouloir allaiter à la naissance. Il est à noter que le pourcentage de naissances prématurées (< 37 semaines) n'a pas vraiment diminué au fil des ans, malgré les nouvelles connaissances sur le sujet, les interventions préventives que nous déployons [3] et le traitement des contractions prématurées par tocolytiques, tels que l'atosiban (Tractocile®. "Une fois que les contractions utérines prématurées surviennent, il est à ce jour difficile d'arrêter le processus d'accouchement", explique le Pr Roelens. "Le fait qu'un plus grand nombre de personnes présentant des facteurs de risque tombent enceintes peut contribuer à stabiliser le taux de naissances prématurées."De nouvelles données sur la mortalité et la morbidité périnatales ont modifié l'approche des naissances tardives (> 40 semaines). "Auparavant, nous pensions qu'il était acceptable de poursuivre une grossesse jusqu'à 42 semaines. Aujourd'hui, nous sommes convaincus qu'il est préférable pour le bébé de déclencher le travail dès 41 semaines. Des études américaines soulignent même les avantages d'un déclenchement standard à 39-40 semaines", ajoute la spécialiste. "Il n'y a pas encore de consensus à ce sujet en Belgique, mais chez les personnes présentant un profil de risque plus élevé, il y a déjà une tendance à ne plus attendre la 41e semaine."En revanche, le Dr Roel de Heus, gynécologue à l'hôpital St Antonius à Utrecht, pense que trop d'accouchements sont provoqués aujourd'hui. Lors du symposium du SPE, où certains "sujets brûlants en périnatologie" ont été discutés, il a déclaré qu'un accouchement sur trois dans les hôpitaux néerlandais était provoqué. Il estime que ce chiffre est hallucinant, "parce que les résultats néonatals ne s'améliorent pas pour autant. Le nombre de naissances vivantes avec un score d'Apgar sous-optimal reste relativement constant, tout comme les taux de mortalité périnatale, malgré le fait que nous pratiquons beaucoup plus de déclenchements", rapporte-t-il. Il suggère donc de réduire le nombre de déclenchements, même s'il n'y a pas de raison médicale valable, car "plus il y a d'inductions, plus il y a de césariennes". Le pourcentage de césariennes en Belgique est en augmentation. Longtemps inférieur à un cinquième des accouchements, il a franchi la barre des 20%. "Selon l'OMS, le taux idéal de césariennes se situe entre 5 et 15%, mais ce taux est particulièrement bas, d'autant plus que nous avons affaire à une population plus âgée, plus souvent obèse et ayant davantage de problèmes de santé qu'auparavant. En outre, la pression est forte pour que le bébé se porte bien", ajoute le Pr Roelens. "En cas de mauvais résultat, on pourrait nous reprocher de ne pas avoir fait de césarienne. Cela entre en ligne de compte."Elle estime qu'il ne faut pas se focaliser sur un pourcentage. En Belgique, dit-elle, une attitude saine prévaut encore, les césariennes électives "à la demande de la mère" restant l'exception. En revanche, nous pouvons porter un regard critique sur notre propre fonctionnement. "Si le nombre de césariennes dans votre propre centre est remarquablement plus élevé que dans une maternité similaire, un audit interne peut s'avérer utile. Peut-être aurions-nous pu être plus patients ici ou là, ou avons-nous interprété à tort le monitoring comme une 'détresse foetale'. Vous pouvez alors tenir compte de ces réflexions dans votre pratique future", explique le Pr Roelens. "Deuxièmement, nous devons informer correctement les mères afin qu'elles aient des attentes réalistes concernant l'accouchement. Il faut leur dire que le travail peut durer deux ou trois jours après un déclenchement, par exemple."Nous réalisons moins d'épisiotomies qu'avant, ce qui est positif, selon le Pr Roelens: "Je suis convaincue que l'on a trop coupé. Nous avons longtemps pensé que nous protégions ainsi le plancher pelvien, mais ce n'est pas vrai, les preuves scientifiques manquent", déclare la gynécologue. "L'épisiotomie - une incision ciblée, médio-latérale, de trois à cinq centimètres dans le périnée - reste bien sûr privilégiée sur une déchirure complexe, comme une rupture sphinctérienne, mais on ne coupe plus de manière systématique ou préventive."L'épisiotomie a également été abordée lors du symposium du SPE. Le Dr Maria Breugelmans, gynécologue à l'UZ Brussel, a insisté sur le fait que réaliser une épisiotomie sans le consentement éclairé de la mère n'est plus possible aujourd'hui. "Idéalement, dès la consultation prénatale, il faudrait discuter des indications médicales d'une épisiotomie, des alternatives possibles et des complications éventuelles [4]. Pendant l'accouchement, c'est logiquement plus difficile."Le taux d'épisiotomie idéal serait inférieur à 30%, et nous sommes encore (juste) au-dessus en Flandre. Bruxelles et la Wallonie font remarquablement mieux: une épisiotomie a été pratiquée dans respectivement 13% et 18% des accouchements par voie basse en 2022. Ces chiffres n'ont toutefois pas été comparés au nombre de ruptures périnéales graves, parce qu'il n'existe pas de données fiables à ce sujet. Les primipares sont encore plus susceptibles de subir une épisiotomie que les multipares, et lors des accouchements instrumentaux, l'épisiotomie est plus fréquente que lorsqu'il n'est pas nécessaire d'utiliser des forceps ou une ventouse. En outre, le pourcentage d'épisiotomies varie considérablement d'une maternité à l'autre. "Les aspects de la formation et des habitudes jouent donc certainement un rôle", ajoute le Pr Roelens. Ne serait-il pas temps de convenir d'une politique commune en matière d'épisiotomie?