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Sur une plage d'Ibiza, un homme est exécuté. 25 ans plutôt, le même abat Jaurès. Entre les deux: la guerre, celle d'Espagne que Florentin Bordes a connue marqué au fer noir et rouge de l'anarchie, bien plus que par la Seconde à venir. Ariane, sa petite-fille qui l'adulait, a pris sa suite dans l'action politique et terroriste à la fin des trente glorieuses ; au grand dam de Jacques, son époux, historien de la Révolution arrimé à une île de la Loire, et de leur fille Rose, quarantaine esseulée bientôt orpheline de ses deux parents... Éblouissante fresque qui mêle Histoire authentique et histoires personnelles rêvées, Et pourtant ils existent est le troisième volet (mais qui peut se lire sans se plonger dans les deux autres) d'une épopée signée Thierry Froger. Roman chorale qui joue à saute-mouton entre les époques et donne la parole (souvent intérieure) à plus de 40 personnages, dont Jaurès et Durruti. Cette étourdissante saga, au début fastidieuse du fait de ce tournez-manège de prises de paroles à tour de rôle auquel il faut s'habituer, devient rapidement vertigineuse et captivante: elle a au final pour l'objet la vie qui n'est que "terreur et désir", résumée par une scène épiphanique racontée par Florentin au milieu du roman, mais vécue au début de son existence. L'écriture de Froger est à l'image de la pensée de ses personnages: construite, charpentée même, et fluide. Et c'est d'ailleurs le seul reproche que l'on puisse adresser à l'auteur: s'il donne la parole à bien des personnes, son écriture ne varie pas pour l'exprimer. Si bien que l'on entend qu'une seule voix: la sienne.