...

Il faut distinguer trois étapes, explique Erik Schokkaert, professeur émérite en économie sanitaire à la KU Leuven. "Les objectifs de santé constituent le point de départ: ce sont des objectifs généraux, très larges, à long terme - dix ans ou plus. Ils sont fixés au niveau interfédéral et se concentrent essentiellement sur la santé de la population, la diminution des inégalités dans le secteur de la santé et l'amélioration de l'environnement.""Les objectifs de soins de santé sont ensuite traduits en objectifs de soins de santé: des objectifs clairs, quantifiables pour l'organisation des soins. C'est à ce niveau que la Commission travaille. Nous accordons également de l'attention aux autres objectifs du Quintuple Aim, comme la qualité perçue des soins, l'utilisation efficace des moyens et le bien-être des professionnels de la santé. Au troisième niveau, on passe à des actions et interventions concrètes afin d'atteindre ces objectifs de soins de santé." Les objectifs de soins de santé doivent être "smart": spécifiques, mesurables, réalisables (achievable), réalistes et repris dans un calendrier détaillé. Ce n'est qu'ainsi qu'il est possible de les évaluer. "Parfois, on prend des initiatives qui ne sont jamais évaluées, dans le secteur des soins. Elles sont quelque fois même prolongées ou interrompues sans avoir été évaluées. Ce n'est évidemment pas positif pour la continuité."La Commission a vu le jour parce que des décisions sanitaires sont parfois prises sans perspective à long terme ou sans guère de cohésion, mais aussi pour permettre à des experts externes d'apporter une contribution claire. De fait, on retrouve dans la Commission des académiciens spécialisés dans diverses disciplines, des représentants du KCE, de Sciensano et du Conseil supérieur de la santé. Des représentants des prestataires de soins, des mutualités, de l'Inami, du SPF Santé publique et de l'AFMPS (ainsi que, si elles le souhaitent, des communautés) participent aux réunions, sans droit de vote. "Nous ne prévoyons pas de voter", explique Schokkaert. "Nous voulons travailler de manière consensuelle. Je tiens également à insister sur le fait que la Commission se limite à la dispense d'avis. C'est important car l'objectif n'est pas de court- circuiter la structure de concertation.""Le travail de la Commission doit aussi être transparent. Tous ses avis seront publiés sur le site de l'Inami. J'espère que cela créera une culture dans laquelle ceux qui prennent des décisions doivent au moins justifier les raisons pour lesquelles ils s'écartent des conseils prodigués".Les tâches de la Commission sont fixées par la loi. "Au début d'une nouvelle législature, nous devons rendre un avis au Conseil général de l'Inami, qui établit les objectifs de soins de santé. Nous devons remettre deux rapports par an: au premier semestre, un rapport d'évaluation, afin de voir si nous allons dans la bonne direction afin d'atteindre les objectifs, et un second rapport en octobre, avec un conseil pour les propositions de budget de l'année suivante. En principe, ce processus est bien structuré, même si nous avons entamé ce cycle trop tard", relate Erik Schokkaert. La Commission est un organe fédéral, intégré à l'Inami. Toutefois, les compétences en matière de santé sont réparties entre différents niveaux politiques. "La Commission ne peut prodiguer de conseils que sur ce qui se passe au niveau fédéral. Il va de soi que la prévention est essentielle pour améliorer la santé publique et que les Régions jouent un rôle important, dans les soins mentaux par exemple. Il faut donc que les différents niveaux collaborent et interagissent. Nous en tiendrons compte dans la mesure du possible, sans nous aventurer sur le terrain des autres autorités. Ce ne serait pas raisonnable." "Nous devons aussi évoluer vers une approche 'Health in All Policies'. La politique du logement et de l'enseignement est en fait aussi importante que les soins de santé si nous voulons atteindre nos objectifs. Ces secteurs ne figurent pas dans nos compétences, mais nous devons en tenir compte."Les médecins ne doivent pas craindre que la Commission leur dicte en détail ce qu'ils peuvent ou doivent faire, précise Erik Schokkaert. "Nous sommes loin du fonctionnement concret sur le terrain. Le médecin moyen ne sera guère concerné par le travail de la Commission. Et, je le répète: nous conseillons, nous ne décidons pas.""Cela présente un avantage: nous pouvons jouer clairement notre rôle d'experts et émettre des avis scientifiquement fondés. Nous ne sommes pas un comité de technocrates qui va dire ce qu'il faut faire sur le terrain. Il va sans dire que notre objectif n'est pas de produire des rapports irréalistes. Nous voulons être pertinents dans le processus concret de prise de décision. La manière dont nos conseils sont ensuite traduits en actions concrètes est un choix de société."