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Nous souhaitons revenir sur un récent appel, lancé par le Dr Pineux dans le JdM n°2614 (en écho à un éditorial similaire du même auteur dans la Revue de Médecine Générale), qui s'exprimait en tant que représentant de la SSMG, à préciser le cadre de la collaboration medecin-infirmière en 1ère ligne dans un dispositif dénommé Assisteo.Ce terme Assisteo, qui n'a pas de naissance ou de reconnaissance réellement officielle, est né de la contraction de deux autres termes, qui existent dans le dispositif de soins belges, assistant de pratique et impulseo.Le premier fait référence à une profession à mi-chemin entre le secrétariat médical et l'infirmier, développée au Pays-Bas, où l'assistant de pratique est engagé pour réaliser les tâches définies par l'employeur, le cabinet médical ou pratique médicale multidisciplinaire. Il s'agit d'activités de prévention, certains actes techniques ou prise de paramètres, réalisés au cabinet du médecin. Le second fait référence aux dispositifs de soutien financiers à la pratique de médecine générale pour une installation préférentielle dans des zones en pénurie ou un soutien logistique via secrétariat médical ou recours à un télésecrétariat.Pour la première ligne, une première réflexion a dès lors débuté en Wallonie, en 2016, avec la création d'un groupe de travail mixte (dénommé alors " Assisteo "), regroupant des représentants professionnels de médecins généralistes et infirmiers, à partir de plusieurs constats : des indicateurs de prévention et de promotion à la santé au niveau de la population générale (obésité, tabagisme, dépistage de cancer) peu reluisants, des indicateurs de suivi de maladie chronique (diabète, BPCO, IRC, etc.) guère meilleurs, une capacité d'accompagnement de situation complexe en 1ère ligne en réponse au virage ambulatoire à construire... Ils représentent le déséquilibre entre la demande croissante et diversifiée de soins au niveau de la 1ère ligne et l'offre telle qu'elle est actuellement organisée et financée.A partir de ces rencontres interprofessionnelles sous le nom d'Assisteo, le gouvernement wallon d'alors a décidé de miser sur une optimalisation de la collaboration du tandem médecin-infirmière en 1ère ligne de soins au lieu de la création d'une nouvelle profession. Derrière cette volonté, des arguments qui n'ont guère changé depuis : profiter de l'extension des études infirmières de trois ans à quatre ans, répondre aux demandes itératives de révision du cadre légal et financier de la profession infirmière agissant en freins pour l'expression du potentiel infirmier, profiter des expériences de collaborations existantes sur le terrain wallon entre ces deux professions.D'autres pays comme la France et le Canada ont emprunté cette voie avec des modalités de collaboration plus développées, où le professionnel infirmier, en étroite collaboration avec le médecin généraliste et les autres professions de la 1ère ligne, agissent de manière plus autonome, apportent une réflexion et une action spécifique et complémentaire dans les champs de la prévention et de la promotion santé pour une population tout venant, consultant le médecin généraliste ou souffrant de maladies chroniques (ex : dispositif ASALEE en France). Un post-graduat en soins infirmiers en pratique de MG a été créé en Flandres en 2016, fruit de la collaboration du département de médecine générale de l'UA et d'une Haute-Ecole en soins infirmiers anversoise1.Afin de débuter sous les meilleurs augures cette étude de l'existant et du potentiel dans le champ de la collaboration entre ces deux professions, le groupe de travail a rapidement voulu écarter le terme hérité Assisteo pour sa référence à un modèle de collaboration placé presque explicitement sous le ton de la subordination au médecin et par extension, le risque de déresponsabilisation des infirmiers pour ces actes supervisés par un médecin. Le modèle Assisteo est en effet en porte-à-faux par rapport à la lecture scientifique internationale, qui plaide pour un modèle de soins infirmiers plus autonome dans le suivi des patients, dans la configuration mentionnée ci-dessus (accompagnement de patients en situation particulièrement complexe, activités de promotion de la santé et de prévention, parmi d'autres).La méthode de recherche choisie, la recherche-action, mettait aussi en avant le positionnement équilibré des protagonistes dans un processus de co-construction aux différentes étapes de la recherche, de la conception à l'évaluation en passant par sa réalisation.Et c'est encore dans la même volonté de sortir du modèle pyramidal qui structure notre système de santé et de s'ouvrir à d'autres modalités de collaboration que le consortium de recherche sélectionné pour réaliser ce projet, regroupant par ailleurs des chercheurs issus des deux professions concernées, a délibérément choisi le terme COMING (Collaboration médecin infirmier généraliste) pour désigner la recherche (et un logo figurant cette collaboration au service du patient-la 3ème main-voir ci-dessous).D'octobre 2017 à février 2019, cette recherche-action a exploré six contextes wallons différents de densité de population et de professionnels, engagés à des degrés divers de développement de la collaboration médecin-infirmière. Avec des limitations majeures de temps (uniquement 1,5 an) et de moyens disponibles (aucune exception aux cadres légal et financier, qui émanent du fédéral).Si nous devions résumer les enseignements de cette recherche en quelques lignes, nous retiendrons :1. une méconnaissance entre professions, plus spécifiquement de la part des médecins vis-à-vis de la profession infirmière ;2. un faible partage de l'information entre professions (interopérabilité des logiciels métiers, accord sur le type d'informations utiles et nécessaires) ;3. la présence de nombreux obstacles (et leur méconnaissance par les médecins généralistes) dans l'expression du potentiel infirmier, avec notamment une trop faible valorisation de l'acte intellectuel infirmier ;4. une contraction et un glissement des champs de compétences respectives des médecins et infirmiers en 1ère ligne de soins (le médecin fait du travail infirmier, l'infirmier fait du travail d'aide-soignant...) ;5. l'existence d'une palette importante de modalités organisationnelles en support à la collaboration médecin-infirmière, qui sont encore peu connues des professionnels et qui doivent aussi être adaptées au terrain pour pouvoir être plus largement adoptées ;6. l'apport d'une fonction de coordination en support à la création et la gestion d'un réseau local de collaboration médecin-infirmier2.La recherche nous a donc emmenés assez loin de la substitution simple et d'une collaboration sous forme de subordination (l'infirmière reprend certaines tâches habituellement réalisées par le médecin, sous son contrôle) et plutôt orienté vers une diversification et une collaboration fructueuse où la spécificité de chacun est reconnue et valorisée dans une approche plus intégrée. Si la hiérarchie est peu utile dans la collaboration, le leadership est un ingrédient reconnu et nécessaire du travail en équipe. Mais les deux termes ne sont pas synonymes.En 2020, il est donc nécessaire de laisser de côté le terme d'Assisteo. Nous n'en avons pas, à ce stade, d'autres à proposer et celui qui conviendra devra être accepté par la profession concernée et, au minimum faire l'objet de concertation interprofessionnelle. L'accord passé à la Chambre en avril 2019 concernant l'infirmier en pratique avancée et sa formation balisera la voie de manière constructive dans cette direction. Et nous nous rangeons aux côtés de ceux qui pensent que des actions concrètes peuvent et doivent être prises pour faire évoluer et soutenir la collaboration médecin-infirmier généraliste en particulier et l'organisation de la 1ère ligne de soins dans son ensemble, pour qu'elle puisse répondre aux défis bien identifiés depuis des années. Certaines sont déjà à disposition des professionnels à l'heure actuelle, d'autres doivent encore être adaptées grâce à une impulsion souhaitable des représentants professionnels, enseignants et politiques.