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Des décollages d'une dizaine de pages et au nombre de vingt, qui décrivent des scènes d'attente, de séparations à la Brel dans les aéroports, voire de peur phobique de l'avion. Sauf qu'ici, entre étrangeté, quiproquos et oublis, c'est l'ironie du hasard et l'inattendu qui dominent : du récit de l'embarquement en famille par un enfant de dix ans, au crash prévu par la mort qui finit sans victime sur les eaux de l'Hudson, en passant par l'attente de l'arrivée de petits orphelins au travers des pensées d'une mère adoptive, l'échappée trop belle d'une apprentie malfrat tentant de se faire la malle avec des liasses de billets, ou la suite sur le tarmac de la fin de Casablanca, à chaque fois, l'embarquement est immédiat. En pilote chevronné, ce professeur d'université chercheur en mécanique des fluides, dans un style qui ne l'est pas moins, réussit à chaque fois ces envols vers l'inconnu : comme un gros porteur, son style roule d'abord au pas, prend de la vitesse, semble se ramasser sur lui-même pour ensuite décoller. Et l'on voit l'histoire s'élever dans un ciel immense des possibles, et son petit point qui n'a rien de final disparaître au loin. L'auteur, qui n'est jamais sur pilote automatique (la nouvelle Hawaï se déroule en quatre parties disséminées dans le livre), change systématiquement de siège et donc de point de vue, surprenant ses passagers par des loopings inattendus, des vols sur l'aile, sans jamais perdre le contrôle, et toujours évite... le crash.