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Face à une dyspnée en phase palliative, il convient avant tout de rechercher la cause du problème. Le traitement étiologique est généralement plus efficace qu'un traitement symptomatique et devra donc être privilégié chez les patients palliatifs, tandis que l'on peut se limiter à contrôler les symptômes chez les patients en phase terminale, dont l'espérance de vie est de l'ordre de quelques semaines. Les causes de dyspnée en phase palliative comprennent: ? un rétrécissement des voies respiratoires sous l'effet d'une tumeur intraluminale ou de ganglions provoquant une compression externe ; ? un épanchement pleural ; ? des lésions pulmonaires structurelles, comme en cas de BPCO, d'hypertension pulmonaire ou de pneumopathie interstitielle ; ? une pneumonie. Une sténose luminale peut être perméabilisée par traitement au laser ou par la pose d'un stent. Si l'espérance de vie est suffisante, on pourra instaurer un traitement par radiothérapie et/ou chimiothérapie et immunothérapie, ou par radiothérapie palliative afin de réduire les adénopathies. Un épanchement pleural sera évacué, éventuellement en vue d'une pleurodèse si le pronostic le permet. Lors d'une pneumonie, des antibiotiques seront administrés pour autant que l'espérance de vie le justifie et que le patient le souhaite. Lorsqu'un traitement étiologique n'est plus indiqué, la première mesure à prendre sera de mettre en place un environnement confortable et d'atténuer l'anxiété du patient, par exemple en assurant dans la mesure du possible une présence à son chevet. "Au service des soins palliatifs, nous observons parfois que la dyspnée peut être soulagée par l'apport d'air frais, en ouvrant la fenêtre ou en installant un ventilateur", témoigne le Pr Menten. "Certains patients demandent aussi que la porte de leur chambre reste ouverte de manière à optimaliser le contact avec les soignants qui passent dans le couloir." On s'efforcera également de faciliter la respiration en plaçant le patient en position semi-assise, éventuellement bras soutenus, de manière à permettre une utilisation plus efficace des muscles respiratoires accessoires. "Face à une détresse respiratoire, l'administration d'oxygène fait (trop! ) souvent office de traitement passe-partout", avertit Johan Menten. "L'oxygénothérapie - à l'aide de lunettes ou d'un masque - n'est indiquée qu'à partir d'une saturation en oxygène < 90%... et encore faut-il voir si elle permet effectivement de normaliser cette valeur. Les patients et la famille la réclament, mais elle ne génère souvent qu'un effet placebo. Qui plus est, la tubulure peut gêner le patient en réduisant sa mobilité, sans oublier que le masque entrave la communication verbale et les contacts sociaux, empêchant par exemple les visiteurs d'embrasser le patient ou de le serrer dans leurs bras. Enfin, l'oxygénothérapie dessèche aussi les muqueuses."Si les mesures non pharmacologiques se révèlent insuffisantes, l'heure est au traitement médicamenteux. Les recommandations pour les patients oncologiques en fin de vie sont les mêmes que pour toute autre pathologie en phase terminale. Lorsqu'une respiration rapide (> 20 cycles/minute) risque d'épuiser le patient, l'option la plus efficace sera une faible dose de morphine à action lente ; celle-ci pourra être administrée par voie orale, sous la forme d'un comprimé à libération prolongée. Si le patient ne peut plus rien avaler ou est définitivement alité, les médicaments pourront être administrés 24h/24 au moyen d'une pompe à perfusion, par voie SC ou IV. "Cette mesure est d'une grande efficacité", souligne le Pr Menten. "Chez les patients qui reçoivent déjà de la morphine en guise de traitement antalgique, on augmentera la dose journalière de 5 à 10% en moyenne. Chez les patients morphinonaïfs, 10-15 mg sur 24 heures suffisent parfois pour soulager la tachypnée. Il s'agit donc de faibles doses dénuées d'effets indésirables cliniques. Au cours des premières 24 heures, on recherchera la dose individuelle efficace."Si le patient reste anxieux en dépit d'une fréquence respiratoire normalisée, la présence la plus fréquente possible d'un proche à ses côtés, éventuellement même la nuit, apaise parfois mieux l'anxiété que le recours aux benzodiazépines. La prise de benzodiazépines se révélera cependant indispensable - à une dose à titrer individuellement - lorsque l'effet des autres mesures reste insuffisant. Les corticoïdes livrent souvent de bons résultats en cas d'obstruction des voies respiratoires centrales, de bronchospasme, de lymphangite carcinomateuse ou de syndrome de la veine cave supérieure. "Là encore, un titrage individuel s'impose", insiste Johan Menten. "Enfin, nous utilisons relativement peu les traitements inhalés chez les patients palliatifs/terminaux. Chez quelqu'un qui ne peut plus inhaler efficacement, un aérosol-doseur n'aura que peu d'effet. Les mucolytiques en aérosol pourraient parfois être utiles lorsque le patient est encore apte à expectorer, éventuellement en association avec la kinésithérapie, mais leur efficacité est sujette à controverse."Les patients oncologiques qui présentent une toux sèche due à l'irritation des bronches ou de la plèvre peuvent se voir administrer des antitussifs à base de codéine. Si ce traitement ne suffit pas, on passera à la morphine. Les patients en phase terminale qui n'ont plus la force d'expectorer développent souvent un râle. "Cela ne dérangera généralement pas le patient lui-même", tempère le Pr Menten. " À ce stade, son niveau de conscience est en effet tellement diminué que le râle n'est plus perçu comme gênant... mais il peut par contre sembler désagréable à la famille et/ou aux soignants."L'aspiration des sécrétions présentes dans les voies respiratoires est d'une utilité très incertaine et n'est pas recommandée, car la procédure se révèle éprouvante pour le patient et son effet est de courte durée. L'aspiration par canule trachéale a en revanche une pertinence établie. L'efficacité des mucolytiques per os n'est pas démontrée. La survenue d'un râle peut être prévenue par l'administration d'anticholinergiques comme la butylhyoscine (Buscopan®), la scopalamine ou l'atropine - trois molécules dont l'équivalence a été démontrée dans une étude prospective randomisée. "Ce traitement doit être instauré de façon précoce", souligne Johan Menten. " Si vous attendez que le râle s'entende depuis le couloir, il ne produira pas ses effets avant 24 à 48 heures, car les anticholinergiques inhibent la formation de nouvelles sécrétions mais n'ont aucun effet sur celles qui sont déjà installées. Sachant que l'étude susmentionnée nous apprend aussi que plus de 75% des patients décèdent dans les 48 heures suivant l'apparition du râle, si le traitement est débuté trop tard, il n'aura plus le temps de faire sentir ses effets... et entre-temps, les proches et les soignants auront été confrontés à une phase d'agonie qui leur aura semblé extrêmement pénible. Une fois instaurés, les anticholinergiques sont administrés en continu jusqu'au décès.""Reste qu'un râle ne doit pas nécessairement être traité. La littérature signale que dans certains cas les proches vivent sa survenue plutôt comme un soulagement, en ce sens qu'il annonce le moment où le patient n'est plus conscient de son état et où la fin est proche, ce qui leur permet de le supporter avec une certaine sérénité. De quoi motiver les médecins à expliquer le râle aux proches et aux aidants, afin d'éviter que ce phénomène ne soit interprété comme une lutte par trop fastidieuse contre la mort."