...

Aujourd'hui, 90% des affections coronaires sont traitées par des techniques percutanées. L'hôpital de Jolimont est un centre de référence pour les pathologies des coronaires les plus complexes. Récemment, il a confié la stratégie d'une opération pour occlusion chronique à un spécialiste basé au Japon, le Pr M. Yamané, et c'est le Dr Claudiu Ungureanu, chef du département de cathétérisme cardiaque à Jolimont, qui a appliqué l'ensemble de ces décisions, en Belgique. La première opération réalisée de cette façon a eu lieu en juillet dernier. Au total, deux opérations coronaires ont été faites, l'une en liaison avec le Japon et l'autre avec la France et une implantation d'une valve aortique par voie percutanée (TAVI) via l'Espagne. La salle de cardiologie interventionnelle est équipée d'un système de caméras vidéos fixées sur le champ opératoire et sur l'équipe médicale et de nursing et le matériel dont elle dispose. Le signal HD est transmis par une connexion Internet et des applications telles que Teams etc. " On utilise déjà ce système pour communiquer avec d'autres médecins lorsqu'on participe à des congrès: on voit des images en live, on fait des commentaires, c'est comme ça que la médecine progresse. Or, pendant le Covid, cette interaction médicale a été limitée, je me suis alors demandé si ce système ne permettrait pas à quelqu'un de l'extérieur de nous aider. Lors de nos interventions, on suit ce qu'on fait sur un écran et c'est par l'écran que l'on prend nos décisions ou que l'on pose nos gestes. Donc, quelqu'un qui voit cette image est capable, comme nous, de prendre les décisions. Sauf que l'image doit être parfaite et que le système doit être capable de l'envoyer à une vitesse correcte", commente le Dr Ungureanu. Comment les techniques relatives aux examens complexes se diffusent-elles d'un hôpital à l'autre à l'heure actuelle? " Il y a des 'proctors', des médecins considérés comme experts dans une technique, qui vont dans un autre centre pour la développer avec l'équipe sur place. Je suis 'proctor' pour ces techniques percutanées et j'ai contacté un autre proctor au Japon, le Pr Yamané, en lui proposant d'être l'acteur principal d'une intervention pour une occlusion chronique: il a pris toutes les décisions, choisi la stratégie, et moi, j'ai exécuté techniquement ce qu'il proposait. Dans ce type d'opération, la partie la plus importante est le choix des étapes et des algorithmes déployés plus que la partie manuelle". Le Pr Yamané s'est donc chargé, du début à la fin, de cette partie intellectuelle et le Dr Ungureanu a suivi étape par étape ses propositions. " D'un point de vue purement éthique, il était important que je sois 'proctor'. Si je n'étais pas d'accord avec une proposition du Pr Yamané, nous avions convenu que je ferais comme je pense parce que c'est ma responsabilité. Mais ici ça n'a pas été le cas, j'ai approuvé tout ce qu'il a proposé parce qu'il a pu voir tout ce dont il avait besoin pour prendre les décisions qui ont amené à réaliser cet examen avec succès", se réjouit-il. À présent, il s'agit de démontrer que cette pratique est fiable. Le Dr Ungureanu a donc mis au point le design d'une étude européenne, intitulée "Safety and faisability of live stream proctoring for CTO procedures (Chronic Total Occlusion)", qui doit être approuvé mi-septembre par une dizaine d'experts européens et américains. Elle pourrait alors commencer fin octobre-début novembre. " De nombreux cardiologues européens sont intéressés", indique le spécialiste. "Je pense que cette première va ouvrir la voie d'un réseau d'interactions entre des médecins et des équipes situés à distance, sur des sites ou des continents différents, ce qui va certainement accélérer le développement des techniques opératoires en cardiologie interventionelle." " Le 'proctor' est là pour donner le lead de l'examen, proposer des algorithmes. Cette interaction est extrêmement bénéfique sur le plan médical parce qu'on augmente la qualité des soins. L'interaction médicale est essentielle, elle se fait de manière classique via les congrès où on assiste à des présentations ou à des techniques en live. L'idée un peu innovante à Jolimont est de développer ce côté ultra-technique et d'interagir à distance." " Notre comité d'éthique a approuvé ce projet académique parce que nous sommes un centre de référence pour les procédures percutanées complexes. Nous avons l'habitude de faire ce type d'examen. Ici, il s'agissait de tester les performances du système dans un milieu sécurisé", fait-il observer. Ces techniques de live streaming peuvent être utilisées en poursuivant plusieurs objectifs: garder la dynamique de l'innovation et soigner des malades là où il y a un manque d'expérience. " Dans les deux cas de figure, le système a sa place. L'étude académique nous permettra de prouver que cela marche et de définir les limites du système, les types de procédures, le milieu le plus sécurisant..." Ce système est très ergonomique et facile à mettre en place rapidement dans n'importe quel centre. " Il me semble que c'est une étape absolument nécessaire dans le développement d'une médecine interconnectée, électronique, robotique. Il faut peut-être passer par une étape comme celle-ci avant de penser que le robot pourrait tout prendre en charge. Dans tous les cas, il faut augmenter les interactions entre équipes et entre médecins, c'est un principe fondamental pour l'innovation médicale. La pandémie a poussé les équipes à trouver d'autres solutions pour continuer à interagir", conclut le Dr Claudiu Ungureanu.