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Koen van Mechelen résonne un peu aux oreilles de l'amateur d'art comme le coucou de Malines, son emblème étant le coq justement, ce qui peut paraître saugrenu pour un Flamand. Mais ce Limbourgeois qui visita enfant le site de Zwartberg, déjà un zoo à l'époque puisque la mine avait fermé, remplacée par un parc animalier dès 1970 et jusque 98, utilise cet animal comme symbole de l'universalité puisque l'on en trouve partout. De la mise sous pression des animaux puisqu'il s'en tue un milliard par jour ! De la diversité humaine enfin : de Malines, de Lima ou de Bresse, le poulet est toujours un gallinacé.Ce site de près de 24 hectares se veut désormais un ode à la fertilité, à l'hybridation (celles des poules pour retrouver l'immunité disparue par leur exploitation) au lien entre culture et nature. Il s'ouvre sur une arche (de Noé ? ) dessinée par l'architecte Bota qui en effet à la forme de la proue d'un navire et dont la cale serait l'atelier située une centaine de mètres plus loin. La battery, la couveuse se veut le lieu (qui ne se visite pas) où l'art de van Mechelen est en développement, se voit féconder et n'a pas encore vraiment éclos.Une cale de brique noire comme l'arche pour rappeler le passé minier du lieu : sur son devant et au-dessus de ce laboratoire qui mêle culture, science et nature, deux immenses volières insérant pour l'une d'elles des toucans protégés, un couple de pygargues qui le sont tout autant, et dont les nids arborent des messages de fertilité, hybridation et futur. Des espèces en voie de disparition, encagées pour être protégées et visitées par les humains, qui dans leurs comportements ont tout l'air d'animaux domestiqués comme ceux qui paissent dans l'open farm plus loin.Sur les anciennes terres houilleuses du charbonnage s'égaient en effet des lamas, des dromadaires voire des chameaux, émeus, autruches et bien sûr des coqs et poules.Labiomista est le troisième site réhabilité de la ville de Genk après C-mine, Thor Park(et le club de football de Genk ?) qui se veut selon la volonté de l'artiste autant un projet artistique, écologique que sociétal. Dans une ville où la diversité et la mixité n'est pas un vain mot, ce "mista" s'en veut le symbole, mais aussi le symbole de la dualité, du positif et du négatif essentiels à la vie.L'une des parties de la visite montre sous l'atelier, des oeuvres qui illustrent que la vie n'a vraiment débuté qu'une fois l'homme chassé du paradis terrestre : car avant, tout n'était que beauté et bonté. Une tête de méduse, aux coqs et serpents, rappelle que l'art s'il peut émerveillé dans sa seule harmonie peut aussi pétrifié. Or, les oeuvres de van Mechelen sont organiques, souvent vibrantes impliquant animaux vivants ou empaillés, symbole d'une nature...pas morte.Un art multiforme rappelant la symbiose de l'homme avec la nature proposée par une sorte d'honnête homme du 21e siècle, qui donne à voir une encyclopédie vivante, procède à une sorte d'archéologie du vivant qui procure le sentiment au visiteur de faire partie de cette gigantesque installation.Comme Diderot, van Mechelen entend oeuvrer pour le bien de l'humanité, pardon de la nature dans son entièreté, par exemple en faisant du cabinet de curiosités situé dans la villa Opundi (pour open university of diversity), une salle de réunion et de réflexion d'experts venus de l'extérieur. Car les oeufsvres de Koen doivent être fécondées depuis l'extérieur : la bibliothèque de ce beau bâtiment d'un néoclassicisme néo 19e abrite un rappel des projets réalisés par l'artiste et les livres qui l'on inspiré dont le What money can't buy de Michael Sandel. La dualité, l'effet miroir est un concept essentiel également chez l'artiste qui montre deux guépards mâle et femelle, assis, symétriques, identiques, portant une couronne d'épines, souligné par l'inscription : Ecco animals. Idée de dualité (fertilité et survie, masculin féminin), de réflexion, d'effet miroir, de réflexion - l'autre, quant à la place de l'animal et celle de l'homme.Les oeuvres sont souvent grandes, spectaculaires, le Cosmogolem (le Golem était lui aussi une créature hybride faite de boue), est une sculpture de marbre monumentale placée dans le parc, et nombreuses : pas moins de deux cents ! Elles sont à vendre, Labiomista se voulant en fait, outre son aspect sociétal qui le voit chercher à se lover dans le quartier (pas de restaurants sur le site, afin que ce soient les commerces aux alentours qui en bénéficient) apparaît aussi comme une immense galerie d'art intérieur et extérieur d'un artiste disposant d'un atelier grand comme un musée et qui a pour se faire disposer de moyens privés, communautaires, et communaux à faire pâlir d'envie bien des plasticiens francophones.Ironie de l'histoire, c'est le coq, emblème plutôt wallon, qui identifie cet artiste flamand, symbole de la frontière entre domestication et vie sauvage dans un lieu situé aux abords de la ville et du milieu naturel, un grand espace qui se veut aussi mental. Un coq en pâte en effet que ce Koen, qui, plutôt que d'en rester à l'histoire fossilisée de la houille à Genk, l'utilise comme terreau fertile pour faire grandir son projet dans sa ville natale du Limbourg. Se faisant celui dont l'oeuvre rappelle un Panamarenko à plumes ou un Jan Fabre débarrassé de narcissisme (sauf s'il s'identifie à son gallinacé) passe, dans son organique obsession pour les êtres vivants, du coq à... l'haan.