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Jean-Luc Belche est le premier à prendre la parole. Il retrace d'abord son parcours, son choix pour la médecine générale, au moment où l'on lui conseille de faire une "vraie spécialité". "On sait ce que sont les médecins spécialistes, mais les médecins généralistes, on sait ce qu'ils ne sont pas", confie-t-il. "La perception de la médecine générale était négative, pas suffisamment valorisée au niveau académique et sociétal. Cela en dit long sur la vision que l'on avait sur la première ligne."Malgré tout, l'homme se lance en médecine générale et découvre une pratique structurée, pluridisciplinaire, basée sur l'EBM. "J'ai pu découvrir encore d'autres caractéristiques, notamment l'incursion de la médecine générale au sein de la première ligne de soin, où l'on retrouve la continuité des soins, la coordination, l'approche communautaire, l'accessibilité, la proximité. Je garde aussi l'image de mon maître de stage qui allait, dossier sous le bras, défendre ses patients à l'hôpital, comme s'ils étaient en danger. Je me suis rendu compte que le système ne fonctionnait pas forcément bien."À travers l'expérience acquise, Jean-Luc Belche est devenu un défenseur de la différenciation des lignes de soins. "Je me mets en opposition aux propos de Mickaël Daubie (lire page 6-7): il faut une première ligne et une deuxième ligne de soins fortes et structurées. Mais il faut que ces lignes soient intégrées. Sans intégration, sans complémentarité, c'est la fragmentation de l'offre de soins, c'est la situation que nous vivons actuellement. On n'est pas dans un système organisé, on est plutôt dans un 'non system system'."Pour le Dr Belche, il faut une structuration territoriale, des endroits de concertation au niveau méso pour que les lignes se parlent. "Les lignes de soins ne se connaissent pas. Il y a une méconnaissance professionnelle et organisationnelle. Il faut travailler sur la connaissance que l'on a de chacun, et se mettre d'accord sur les collaborations possibles. Ce n'est qu'alors que l'échange d'informations peut être pertinent et utile. Sinon, il y a une perte d'énergie folle."Le généraliste liégeois termine par des pistes d'action. "Il faut clairement définir le rôle de chacun, autant au sein de la première ligne que de la deuxième ligne. J'insiste sur le fait que si l'on différencie, il faut intégrer. Non pas en tenant compte de ce qu'est la médecine aujourd'hui, mais de ce qu'elle sera dans dix ans. Ensuite, il faut une structuration au niveau méso des deux lignes de soins, afin qu'elles se parlent et ouvrir des opportunités de collaboration."Ahmed Goubella s'inscrit dans cette démarche d'intégration des soins. "C'est la réponse à apporter pour collaborer entre les lignes", explique le nouveau médecin chef du site d'Ath. "Chacun a un rôle, un rôle qui doit être défini. Un rôle qui doit être coordonné. Avec au centre, le grand gagnant: le patient."Prenant un cas concret, vécu, il raconte comment un séjour hospitalier suivi d'une hospitalisation à domicile peut mal se passer sans communication entre les lignes de soins. Sans aborder la question de la responsabilité, Ahmed Goubella parle d'une "insatisfaction globale et légitime". "Il y a des problématiques dans le cadre général de l'articulation des lignes de soins. Il y a des problèmes de communication au sens large, des soins fragmentés, un manque de clarté, de la concurrence entre prestataires aussi."Le problème vient également de la charge du travail et du mode de rémunération. "Comment voulez-vous coordonner des soins, discuter, échanger, alors que les médecins - spécialistes en l'occurrence - sont rémunérés à l'acte et doivent avoir un certain rendement? Comment faire alors que des collègues sont absents? Comment combiner cela avec la culture d'indépendance qui est une caractéristique de nombreux médecins en Belgique? Nous vivons dans un environnement de concurrence, de manière générale."Ces propos pour illustrer des problématiques communes entre les lignes: le besoin d'échanger des informations de manière efficace, le besoin de réduire la charge de travail. "Ce sont les différentes pièces du puzzle qu'il faut reconstituer."Sa solution pour "rassembler" les lignes de soins? "Communiquer", répond Ahmed Goubella. "Communiquer entre professionnels de soins, mais également avec les autorités. Parlons de l'offre de soins, demandons l'aide de l'autorité. Il y a des politiques globales à développer, des politiques locales, des politiques régionales, des politiques nationales qui peuvent entrer dans le cadre de la collaboration, de l'intégration et de la planification.""Ce qui manque dans notre pays, c'est un plan général de santé", conclut l'ancien président du Modes. "Un plan transversal qui n'est pas limité à quatre ans, qui n'est pas limité à une mandature. Nous avons besoin d'un plan qui court sur 20 ou 25 ans, avec un axe fort sur la prévention. Cela n'existe pas à l'heure actuelle. Il nous faudrait un haut-commissaire au plan en santé qui ne varie pas en fonction des aspirations politiques."