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Le journal du Médecin: Comment vous voyez le syndicalisme médical en tant que femme? Si on pense à la figure de proue qu'est toujours Jacques de Toeuf (sans même mentionner André Wynen), le syndicalisme médical a été longtemps une affaire d'hommes... Dr Élodie Brunel: Il faut reconnaître que ce n'est pas si facile de s'imposer en tant que femme (ou de faire sa place car mon intention n'est pas de "m'imposer"). Mais je réussis à me faire entendre même face à des personnalités aussi fortes que celles que vous mentionnez... Toutefois, je pense que c'est moins un problème de genre que de génération... Pour les médecins de votre génération, il n'y a sans doute plus ce "sacerdoce" médical qui existait auparavant. Mais il n'en reste pas moins que les femmes restent plus investies dans l'éducation des enfants et doivent "composer" avec leur carrière. Le syndicalisme à l'Absym, cela vous prend beaucoup de temps? Sans aucun doute. Mais c'est important de le faire sinon il ne faut pas se plaindre que les choses n'évoluent pas dans le bon sens pour notre profession. C'est pour cette raison que je me suis engagée: en espérant faire bouger les choses. Vous êtes MG. "Naturellement", on pense plutôt au GBO. Pourquoi avoir choisi l'Absym? Tout d'abord j'appréciais beaucoup David Simon qui n'avait pas sa langue en poche. Je m'en sens assez proche. L'autre avantage de l'Absym c'est la parité linguistique et MG/spécialiste qui y règne. Ce n'est pas le cas au GBO et encore moins à l'AADM. Et comme l'enveloppe pour les médecins est fermée, il faut composer avec les spécialistes pour faire avancer les dossiers en médecine générale. L'Absym est donc le meilleur choix. Quelle est votre position sur le New Deal en MG, un système proposé par Frank Vandenbroucke qui, à l'arrivée, a un succès mitigé. Vous y êtes-vous inscrite? Non. Je ne suis pas inscrite. C'est intéressant, toutefois. Notamment l'infirmier de pratique proposé en soutien à titre facultatif. Mais je regrette que le système ne prévoit pas un assistant de pratique. Par ailleurs, la profession attend une véritable revalorisation, ce que le New Deal n'est pas puisque l'enveloppe budgétaire globale est la même. Et puis je trouve un peu bizarre le fait d'avoir trois systèmes qui cohabitent en un (à l'acte, au forfait et le New Deal, NdlR)En tant que "Absymienne", vous penchez, je suppose, plus vers la médecine à l'acte? Pour l'Absym seule la médecine à l'acte garantit la liberté du médecin... Vous partagez cet avis? Je suis assez d'accord. Mais je ne suis pas fermée à la médecine au forfait. Les MG sont peu déconventionnés par souci de rester les acteurs d'une médecine de première ligne accessible. J'ai à cet égard une vision assez "de gauche" pour une Absymienne. Pour les spécialistes, c'est un peu différent car ils ont des frais de fonctionnement supplémentaires. J'ai des patients qui paient uniquement le ticket modérateur: un euro pour les BIM, 4 euros pour les assurés ordinaires. À cet égard, à l'acte ou au forfait, c'est quasiment la même chose: une médecine très accessible financièrement pour tous. Mais le système forfaitaire est plus avantageux pour le médecin... En quoi est-il plus intéressant? Parce qu'il est mieux rémunéré. Si je prends la moyenne nationale, en moyenne un médecin généraliste à l'acte génère à peu près 150.000 euros de prestations à l'Inami par an. Il soigne environ 1.000 patients. Donc ça coûte à l'Inami environ 150 euros par patient à l'acte. Le forfait moyen par patient revient à 20 euros par mois, soit 240 euros par an. Une différence significative. Une plus grande équité entre les trois systèmes doit être recherchée. Concernant le numerus clausus, le CD&V et Les Engagés parlent de le supprimer. L'Absym a milité dans les années 1990 pour sa mise en place en raison de la pléthore. Vous seriez d'accord de le supprimer pour pallier les pénuries? Dans certaines spécialités, il faut le conserver. La pléthore est à éviter car elle empêche une médecine de qualité. Il faut revoir le système, en fait. Augmenter le nombre de médecins généralistes sur le terrain, mais aussi de pédiatres, d'infectiologues, de psychiatres. Il n'y a pas que la médecine générale qui souffre à l'heure actuelle. Et comme par hasard, ce sont les disciplines les moins rémunératrices. Donc ce n'est pas un hasard non plus. Je pense que ce sont des disciplines qui doivent être valorisées sur le plan financier et ça va permettre d'attirer des jeunes vers ces spécialités. Franck Vandenbroucke... Il termine son mandat... Quel bilan dresseriez-vous de son action? Pour la médecine générale, il faut lui reconnaître un certain dynamisme... Il a voulu mettre en place le New Deal. Il n'y a pas que du négatif. Je pense aux logopèdes et à la poursuite de l'informatisation qui avait été initiée par Maggie De Block. Les médecins ont beaucoup râlé mais ça améliore grandement nos conditions de travail. Le tout étant que ça fonctionne...ce qui pour le moment est compliqué! Pour ce qui est des spécialistes c'est une autre histoire, je pense notamment aux radiologues. On dit depuis 30 ans que le MG doit être central dans l'organisation des soins... Vous vous sentez dépositaire de cette centralité ou vous en doutez? C'est important en tout cas que nous conservions cette position centrale. Mes patients me voient comme ça. Il n'est pas rare que le patient revienne me voir après le passage chez le spécialiste pour des explications. Le MG est le partenaire du patient, celui qui le connaît le mieux, qui le soigne de la manière la plus globale et qui s'adapte à son niveau de langage. Mais est-ce considéré à sa juste valeur par tous? Je ne le crois pas. Mais on est de plus en plus respectés par les spécialistes. À leurs yeux, on n'est plus considérés comme des médecins qui renouvellent des ordonnances. C'est aussi pour cela que j'ai choisi l'Absym. Pour boucler la boucle, y a-t-il, selon vous, une manière "féminine" de pratiquer la médecine? Il y a une différence entre hommes et femmes d'approche du patient? C'est plus générationnel que genré, comme je le disais. Par rapport à l'âge, par contre, mes jeunes collègues, dès qu'elles sont devenues indépendantes, elles ont pris une demi-journée de congé par semaine. Lorsque j'ai pris ce statut, il ne me serait pas venu à l'idée de prendre une journée de congé, étant sans enfant à l'époque... Les temps changent et c'est bien comme ça!