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Le ministre-président wallon, Elio Di Rupo (PS), et le ministre de l'Économie wallon, Willy Borsus (MR), se sont rendus à Trooz, en province de Liège, le 22 septembre dernier. Ils ont assisté à la livraison des premiers conteneurs destinés aux commerçants et indépendants sinistrés après les inondations de juillet. Parmi eux, Davide Celestri, médecin généraliste à Trooz. Il figure parmi les 56 médecins généralistes victimes des inondations en Région wallonne. Le 14 juillet dernier, son domicile et son cabinet ont été submergés par la montée d'une Vesdre déchaînée. Au cours des deux derniers mois, le généraliste a effectué beaucoup des consultations à domicile, mais il a aussi éparpillé ses activités dans des espaces aménagés autour de Trooz, notamment à Embourg et Chaudfontaine. Une voisine l'a récemment informé que le gouvernement wallon mettait 750 conteneurs à disposition des indépendants et des commerçants sinistrés. Cette initiative s'inscrit dans le plan de relance du gouvernement wallon qui vise à soutenir les personnes ayant des activités professionnelles dans les provinces qui ont été impactées par la catastrophe. Le Dr Celestri a transmis sa demande auprès de l'administration communale de Trooz, qui l'a ensuite transféré au Service public wallon. Une semaine plus tard, il a vu arriver un conteneur modulaire dans son jardin. Les frais liés à la location et la livraison de la structure ont été pris en charge par le gouvernement wallon. Davide Celestri a tout de même dû souscrire à une assurance pour couvrir tous vols ou dégâts éventuels que subirait le conteneur mis à sa disposition durant les trois mois de location. Le temps de location de la structure pourra être prolongé sur décision du gouvernement wallon. Elio Di Rupo a souligné la portée symbolique de la livraison des premiers conteneurs destinés aux commerçants et indépendants, tout en réaffirmant que les autorités politiques wallonnes se tenaient à leurs côtés: "J'entends beaucoup de critiques adressées contre le gouvernement wallon qui, selon certaines personnes, n'agirait pas suffisamment auprès des victimes. Si elles sont parfois légitimes, il faut se rappeler que ce nous avons vécu avec ces inondations est tout à fait exceptionnel. Il a fallu réagir à des événements que nous ne connaissions pas, d'une manière que nous ne connaissions pas. Mettre en place des aides prend du temps."Le journal du Médecin est allé à la rencontre du Dr Celestri à Trooz. Il a livré ses impressions sur la façon dont il compte pratiquer la médecine dans cette structure, qu'il espère être la plus temporaire possible. Le journal du Médecin: Que représente pour vous cette aide qui vous est apportée? Dr Davide Celestri: Le conteneur est très basique, mais c'est une aide qui ne se refuse pas. Quand on vit un sinistre, toute main tendue doit être saisie. Lorsque ma voisine m'a informé de l'initiative, j'ai immédiatement rempli le formulaire pour en bénéficier. Ce conteneur, c'est une étape importante qui me permettra de recentrer mes activités à Trooz après deux mois compliqués. Le module a un raccordement électrique et un chauffage. Il est grand et spacieux. C'est déjà bien pour consulter et ça peut être suffisant pour des indépendants et d'autres professions libérales. Mais les médecins généralistes le savent, quand on accueille des patients, c'est un peu plus compliqué que seulement avoir son cabinet de consultation. Il faut une salle d'attente et un bloc sanitaire, avec un levier et des toilettes. Le module mis en place par la Croix-Rouge à Chaudfontaine, où j'ai pu consulter ces derniers mois, était équipé de ces dispositifs. Avec l'hiver qui arrive, je ne peux pas dire à mes patients de patienter à l'extérieur. Déontologiquement, c'est discutable (rires). Il faudra que je m'arrange pour aménager tout ça. Vu les circonstances, la déontologie devrait pouvoir bénéficier d'un aménagement, en tout cas pendant un temps... Un ami et ancien militaire déployé lors de la guerre des Balkans était venu prêter main-forte lors des opérations de nettoyage. Il disait que les dégâts qu'il voyait dans la région étaient pires que certaines choses qu'il avait vues pendant son engagement en Yougoslavie. J'ai des patients qui sont venus me voir et qui présentaient un trouble de stress post-traumatique. Pendant un mois, je n'ai eu que ces patients en consultation. Là ça recommence. Avec les conditions de travail totalement bouleversées et les patients que je reçois en consultation, j'ai parfois l'impression d'être devenu un médecin de guerre. Peut-être bien que la déontologie doit s'appliquer quand les conditions le permettent. Comment avez-vous vécu cette catastrophe? L'eau a commencé à monter exactement à 12h05, le mercredi 14 juillet. En 30 minutes, la maison était sous un mètre d'eau. Dans les heures suivantes, elle est montée jusqu'à deux mètres soixante. Je suis resté bloqué chez moi avec mon conjoint jusqu'au vendredi 16. Les secours n'arrivaient pas à progresser. Le courant de la Vesdre était trop fort. C'était trop dangereux. Alors, on a essayé de rassurer nos proches et on a attendu la décrue. Forcément, on ne dormait pas. C'est très mauvais pour l'organisme d'être soumis à un stress pendant aussi longtemps. J'ai dû prendre du temps pour digérer ce qui c'était passé. Vous avez sollicité de l'aide? Oui. Je suis allé voir deux professionnels de santé, dont un psychologue. Les autres médecins généralistes de la commune m'ont aussi beaucoup aidé, notamment à travers des dons. Je me suis mis en retrait de mes patients pendant deux semaines parce que j'étais en état de choc. J'ai rapidement voulu retrouver mes patients. Les consultations se sont aussi transformées en séance de thérapie en quelque sorte, car nous nous racontions nos expériences. Cet événement a instauré une nouvelle relation avec mes patients. Comment êtes-vous assuré pour votre cabinet? Mon cabinet se situe à mon domicile. C'est donc une assurance privée qui couvre la maison. Les experts doivent encore passer pour évaluer ce que l'assurance prendra en charge. J'ai aussi découvert l'assurance "Revenu Garanti" qui intervient lorsqu'un assuré ne peut pas travailler pour cause de maladie ou accident. Je dois encore y réfléchir, car elle coûte très chère. Envisagez-vous de rester à Trooz? Oui. Cette commune est un petit coin de paradis. Même si le risque qu'une inondation se reproduit est faible, nous envisageons de nous établir davantage sur les hauteurs.