Parmi les projets retenus par le SPF figure "Patient@Home", un projet innovant et collaboratif autour de l'hospitalisation à domicile (HAD). Le Centre hospitalier de Wallonie picarde (Chwapi, Tournai) coordonne les institutions hospitalières réunies autour de ce projet qui implique différentes pathologies et spécialités médicales. Explications avec Kathaline Gillis et Élodie Wannez, consultantes au Pôle de santé intégré (PSI) du Chwapi, qui assurent le lien entre le secteur des start-up & de l'innovation et le développement de projets au sein de l'hôpital.

L'objectif du projet est d'augmenter le volume de patients suivis à domicile, et pour un plus grand nombre de pathologies. La volonté est de sortir d'une vue uniquement hospitalo-centriste, de recentrer les soins sur le patient et de coordonner tous les acteurs autour de lui.

Le journal du Médecin: Comment est née l'idée du projet Patient@Home?

Élodie Wannez: Au Chwapi, il existe une cellule 'hospitalisation à domicile' depuis 2016, qui a démarré avec l'antibiothérapie. Dans l'urgence de la pandémie s'est aussi mise en place une HAD pour les patients symptomatiques du covid, avec des solutions technologiques pour faciliter le suivi. Il est ensuite devenu évident qu'il fallait développer la réflexion sur une HAD à plus large échelle. Le sujet est ressorti alors que nous examinions les projets porteurs dans le cadre du PSI. Au même moment sortait l'appel à projets du SPF, qui offrait une belle opportunité: notre projet cochait plusieurs critères puisque l'HAD permet d'interconnecter les différentes lignes de soins, de faciliter la communication entre elles, d'améliorer la qualité du suivi et le bien-être du patient soigné chez lui. En plus, ça permet de diminuer les tâches administratives énergivores pour les équipes, en digitalisant les processus. Plusieurs hôpitaux avaient déjà pris contact avec notre équipe HAD pour avoir des infos, des contacts étaient initiés, c'était l'occasion d'élargir l'expérience et de réfléchir à plusieurs, notamment sur d'autres protocoles de soins.

Quels sont les hôpitaux participants?

Kathaline Gillis: on est dix dans ce consortium, avec Epicura, le CHR de Mouscron, les Cliniques de l'Europe à Bruxelles, les CHR de Huy et Verviers, l'hôpital de la Citadelle et le CHU sur Liège, ainsi que deux hôpitaux psychiatriques - Les Marronniers et Saint-Jean de Dieu - car l'idée est d'augmenter le volume de patients qui peuvent être suivis en dehors de l'hôpital, dans le cadre d'une hospitalisation ou du suivi de maladies chroniques, donc aussi pour des pathologies de type psychiatrique comme les assuétudes ou les troubles anxio-dépressifs.

Les différents hôpitaux participants ont déjà des expériences en HAD, comme Host (Hospital Outbreak Support Teams, usage des anti-infectieux, NdlR) qui a été implémenté dans pas mal de réseaux. Nous nous sommes engagés auprès du SPF à suivre des patients dans minimum six domaines thérapeutiques, les premiers groupes qui ont débuté ont trait à l'antibiothérapie, l'alimentation parentérale, l'insuffisance cardiaque, les troubles anxio- dépressifs et l'alcoologie. D'autres - oncologie, néphrologie, suivi postopératoire en chirurgie bariatrique - feront l'objet de réflexions. Le projet, qui a officiellement démarré le 1er juillet, doit être finalisé pour le 31 décembre 2025, l'objectif étant d'inclure, dans le pilote, le suivi à domicile de 2.000 à 2.500 patients. Nous avons un reporting régulier vers le SPF, le prochain est prévu mi-octobre.

Où en êtes-vous pour le moment?

K.G.: Des groupes de travail planchent déjà sur la mise au point de protocoles de soins partagés: pour chaque pathologie, plusieurs hôpitaux sont autour de la table, avec les médecins et infirmiers concernés, pour établir les étapes de soins, les documents utiles et les critères d'éligibilité des patients. Un suivi doit aussi être mis en place, avec des questionnaires de satisfaction et des mesures PROMs et PREMs, pour évaluer l'impact réel de l'HAD. Une évaluation économique et financière du suivi à domicile sera également réalisée.

La sélection d'une solution digitale, pour assurer une meilleure communication entre les acteurs, arrive à sa fin. À partir de là, on pourra recruter des patients pour lancer les premiers tests accompagnés par la solution digitale et des appareils connectés (des patients sont déjà suivis, mais hors solution digitale, NdlR). Nous devons aussi réunir tous les acteurs de la première ligne autour des protocoles de soins, d'ici la fin novembre. Qui, exactement? Nous sommes en train de faire l'inventaire. Dans certains cas, comme le suivi psychiatrique, des acteurs du social, la famille et les aidants proches seront sans doute aussi impliqués. Tous les intervenants dans la chaîne de soins doivent être pris en compte autour du patient, qui devient central et non plus l'hôpital.

É.W.: Il faut aussi ajouter les MR/MRS, où des patients peuvent être domiciliés.

Le but final est de livrer au SPF des solutions généralisables, que tous les hôpitaux pourront intégrer?

K.G.: Oui, une sorte de 'boîte à outils', avec un tronc commun et des protocoles standardisés le plus possible, mais permettant des spécifications en fonction de l'écosystème de l'hôpital (dépendant de la région où il est situé). Nous testerons aussi un algorithme IA comme aide à la décision basée sur la prise des paramètres à distance et les seuils d'alerte. Enfin, il faudra tester l'intégration de la solution digitale avec les DPI et les systèmes eHealth belges.

É.W.: Dans l'appel à projets du SPF, les différents projets ont été regroupés par thématique. Ainsi, nous faisons partie du sous-cluster "HAD" avec deux autres consortiums, l'un coordonné par Alost, l'autre par l'UZ Leuven. Nous nous sommes engagés à avoir des indicateurs communs, à confronter nos protocoles et solutions digitales, à partager nos expériences, à communiquer sur nos écueils et les solutions trouvées. À nous de réfléchir où l'on place le degré d'uniformisation et la spécificité par hôpital.

Quels seront les défis?

K.G.: Tout d'abord la résistance au changement car il ne faut pas sous- estimer ce que cela implique dans le quotidien de tous les acteurs de la santé et pour le patient ; ensuite, faire collaborer dix hôpitaux différents pour développer des protocoles de soins uniformes pour chaque pathologie suivie, tout en gardant une certaine flexibilité ; la mobilisation du personnel sur le terrain, vu la pénurie dans les hôpitaux, est aussi un challenge. Or, on aura besoin de nombreux infirmiers et paramédicaux dans ces expériences pilotes. Enfin, la connectivité des données: plusieurs institutions autour de la table sont actuellement engagées dans des projets leur permettant de structurer leurs données, le standard Fhir est la norme, mais nous ne sommes pas tous à un stade de maturité similaire.

Les autres projets sélectionnés

-BE Patient Problemlist (coordonné par le réseau hospitalier anversois)

-Totem (AZ Sint-Blasius à Dendermonde)

-Hybride zorgpad diabetes (AZ Maria Middelares à Gand)

-Enortho (Clinique Saint Pierre Ottignies)

-Heartwise (Hôpital Jan Yperman d'Ypres)

-Proza (AZ Ostende)

-Patiëntvriendelijke brief (GZA - Anvers)

-Eras@Home (AZ Mol)

-Pediatric Asthmaa Patient Journey (AZ Delta Roulers)

-Thuishospitalisatie digitale EEUW (OLV Alost)

-Afstemming en differentiatie van zorgaanbod (Hôpital Jessa Hasselt)

-Woundcap (CHU Helora site Kennedy)

-Stethoscoop (UZA, avec Erasme)

-Digitale coördinatie (UZ Leuven)

-Gestructureerde uitwisseling (UZ Leuven)

-AI detectie aneurysme (ZOL Genk)

-Silverline (AZ Zeno à Knokke)

-SEPSIS Connect (AZ Groeninge)

-Smartcare (AZ Groeninge)

-Telemonitoringsvoorschrift (OLV Waregem, en collaboration avec plusieurs hôpitaux francophones)

-Frait (UZ Gand)

-Validation pharmaceutique augmentée (CHU de Liège)

-Souffle nouveau (CHU de Liège)

-Ondersteuning diagnostiek neuropsychiatrische (UPC KU Leuven)

-Aanmeldplatform (Karus Gand)

Parmi les projets retenus par le SPF figure "Patient@Home", un projet innovant et collaboratif autour de l'hospitalisation à domicile (HAD). Le Centre hospitalier de Wallonie picarde (Chwapi, Tournai) coordonne les institutions hospitalières réunies autour de ce projet qui implique différentes pathologies et spécialités médicales. Explications avec Kathaline Gillis et Élodie Wannez, consultantes au Pôle de santé intégré (PSI) du Chwapi, qui assurent le lien entre le secteur des start-up & de l'innovation et le développement de projets au sein de l'hôpital. Le journal du Médecin: Comment est née l'idée du projet Patient@Home? Élodie Wannez: Au Chwapi, il existe une cellule 'hospitalisation à domicile' depuis 2016, qui a démarré avec l'antibiothérapie. Dans l'urgence de la pandémie s'est aussi mise en place une HAD pour les patients symptomatiques du covid, avec des solutions technologiques pour faciliter le suivi. Il est ensuite devenu évident qu'il fallait développer la réflexion sur une HAD à plus large échelle. Le sujet est ressorti alors que nous examinions les projets porteurs dans le cadre du PSI. Au même moment sortait l'appel à projets du SPF, qui offrait une belle opportunité: notre projet cochait plusieurs critères puisque l'HAD permet d'interconnecter les différentes lignes de soins, de faciliter la communication entre elles, d'améliorer la qualité du suivi et le bien-être du patient soigné chez lui. En plus, ça permet de diminuer les tâches administratives énergivores pour les équipes, en digitalisant les processus. Plusieurs hôpitaux avaient déjà pris contact avec notre équipe HAD pour avoir des infos, des contacts étaient initiés, c'était l'occasion d'élargir l'expérience et de réfléchir à plusieurs, notamment sur d'autres protocoles de soins. Quels sont les hôpitaux participants? Kathaline Gillis: on est dix dans ce consortium, avec Epicura, le CHR de Mouscron, les Cliniques de l'Europe à Bruxelles, les CHR de Huy et Verviers, l'hôpital de la Citadelle et le CHU sur Liège, ainsi que deux hôpitaux psychiatriques - Les Marronniers et Saint-Jean de Dieu - car l'idée est d'augmenter le volume de patients qui peuvent être suivis en dehors de l'hôpital, dans le cadre d'une hospitalisation ou du suivi de maladies chroniques, donc aussi pour des pathologies de type psychiatrique comme les assuétudes ou les troubles anxio-dépressifs. Les différents hôpitaux participants ont déjà des expériences en HAD, comme Host (Hospital Outbreak Support Teams, usage des anti-infectieux, NdlR) qui a été implémenté dans pas mal de réseaux. Nous nous sommes engagés auprès du SPF à suivre des patients dans minimum six domaines thérapeutiques, les premiers groupes qui ont débuté ont trait à l'antibiothérapie, l'alimentation parentérale, l'insuffisance cardiaque, les troubles anxio- dépressifs et l'alcoologie. D'autres - oncologie, néphrologie, suivi postopératoire en chirurgie bariatrique - feront l'objet de réflexions. Le projet, qui a officiellement démarré le 1er juillet, doit être finalisé pour le 31 décembre 2025, l'objectif étant d'inclure, dans le pilote, le suivi à domicile de 2.000 à 2.500 patients. Nous avons un reporting régulier vers le SPF, le prochain est prévu mi-octobre. Où en êtes-vous pour le moment? K.G.: Des groupes de travail planchent déjà sur la mise au point de protocoles de soins partagés: pour chaque pathologie, plusieurs hôpitaux sont autour de la table, avec les médecins et infirmiers concernés, pour établir les étapes de soins, les documents utiles et les critères d'éligibilité des patients. Un suivi doit aussi être mis en place, avec des questionnaires de satisfaction et des mesures PROMs et PREMs, pour évaluer l'impact réel de l'HAD. Une évaluation économique et financière du suivi à domicile sera également réalisée. La sélection d'une solution digitale, pour assurer une meilleure communication entre les acteurs, arrive à sa fin. À partir de là, on pourra recruter des patients pour lancer les premiers tests accompagnés par la solution digitale et des appareils connectés (des patients sont déjà suivis, mais hors solution digitale, NdlR). Nous devons aussi réunir tous les acteurs de la première ligne autour des protocoles de soins, d'ici la fin novembre. Qui, exactement? Nous sommes en train de faire l'inventaire. Dans certains cas, comme le suivi psychiatrique, des acteurs du social, la famille et les aidants proches seront sans doute aussi impliqués. Tous les intervenants dans la chaîne de soins doivent être pris en compte autour du patient, qui devient central et non plus l'hôpital. É.W.: Il faut aussi ajouter les MR/MRS, où des patients peuvent être domiciliés. Le but final est de livrer au SPF des solutions généralisables, que tous les hôpitaux pourront intégrer? K.G.: Oui, une sorte de 'boîte à outils', avec un tronc commun et des protocoles standardisés le plus possible, mais permettant des spécifications en fonction de l'écosystème de l'hôpital (dépendant de la région où il est situé). Nous testerons aussi un algorithme IA comme aide à la décision basée sur la prise des paramètres à distance et les seuils d'alerte. Enfin, il faudra tester l'intégration de la solution digitale avec les DPI et les systèmes eHealth belges. É.W.: Dans l'appel à projets du SPF, les différents projets ont été regroupés par thématique. Ainsi, nous faisons partie du sous-cluster "HAD" avec deux autres consortiums, l'un coordonné par Alost, l'autre par l'UZ Leuven. Nous nous sommes engagés à avoir des indicateurs communs, à confronter nos protocoles et solutions digitales, à partager nos expériences, à communiquer sur nos écueils et les solutions trouvées. À nous de réfléchir où l'on place le degré d'uniformisation et la spécificité par hôpital. Quels seront les défis? K.G.: Tout d'abord la résistance au changement car il ne faut pas sous- estimer ce que cela implique dans le quotidien de tous les acteurs de la santé et pour le patient ; ensuite, faire collaborer dix hôpitaux différents pour développer des protocoles de soins uniformes pour chaque pathologie suivie, tout en gardant une certaine flexibilité ; la mobilisation du personnel sur le terrain, vu la pénurie dans les hôpitaux, est aussi un challenge. Or, on aura besoin de nombreux infirmiers et paramédicaux dans ces expériences pilotes. Enfin, la connectivité des données: plusieurs institutions autour de la table sont actuellement engagées dans des projets leur permettant de structurer leurs données, le standard Fhir est la norme, mais nous ne sommes pas tous à un stade de maturité similaire.