Le Centre médical Thier Mère Dieu, dont le modèle fait florès à Verviers, Heusy et Pepinster, vole au secours des deux dernières généralistes du centre de Dison après la fermeture de la Maison médicale La Bulle d'air. Un nouveau centre médical verra le jour au printemps, avec l'aide de la commune.
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Le 30 septembre dernier, la Maison médicale "La Bulle d'air", qui officiait depuis plus de 20 ans au centre de Dison (province de Liège), s'est vue contrainte de mettre la clef sous le paillasson, faute de médecins généralistes. "J'étais la dernière généraliste après le départ successif de mes collègues, je me suis retrouvée seule en novembre 2023 avec 1.800 patients", rembobine la Dre Margot Hamacher. "Il était devenu impossible d'engager de nouveaux médecins, ceux qui venaient ne restaient pas... Les patients sont pourtant adorables, la preuve, je suis toujours là!" (elle éclate de rire). Margot Hamacher est originaire de Dison - "Je suis ancrée ici", s'amuse-t-elle. Après 13 ans à la maison médicale, elle n'imaginait pas pratiquer ailleurs. Depuis le 1er octobre, elle vole donc de patient en patient, en visites à domicile uniquement. Des journées chargées... mais qui ne seront bientôt plus qu'un souvenir: une solution a pu être trouvée avec la Dre Valérie Samain qui officie, elle, en solo, à Dison, depuis 29 ans - "une dinosaure!", glisse-t-elle en se moquant d'elle-même. Des travaux sont en cours chez elle pour organiser un second cabinet afin que les deux généralistes puissent pratiquer en parallèle quelques mois... Le temps qu'un centre médical flambant neuf ouvre ses portes. Parallèlement aux difficultés de la maison médicale et de sa jeune collègue, dont elle ignorait tout, la Dre Samain réfléchissait, elle aussi, à l'avenir de sa pratique. "J'ai rencontré par hasard André Nebie, le coordinateur du Centre médical Thier Mère Dieu, et nous avons discuté de la désertification médicale sur Dison (15.000 habitants, NdlR) et de la difficulté, entre autres, de trouver un collègue en remplacement", explique Valérie Samain. "J'étais arrivée à un équilibre qui me convenait bien dans ma pratique, mais je me tracassais en cas d'accident, de grosse maladie... Il y avait auparavant une solidarité entre médecins, elle existe toujours mais nous sommes tellement peu désormais... Quand j'ai débarqué il y a 29 ans, j'étais la septième généraliste et aujourd'hui, nous ne sommes plus que deux avec Margot. Trois médecins des alentours, avec de grosses patientèles, ont arrêté cette année. La situation est critique, et elle sera pire encore dans cinq ans quand on regarde la pyramide des âges..."Après réflexion, la généraliste décide de rejoindre le projet Thier Mère Dieu. Objectif: lancer une nouvelle antenne sur Dison, à l'instar de celles de Verviers, Heusy et Pepinster qui connaissent un joli succès (Thier Mère Dieu dispose d'une équipe de 15 généralistes, dont quatre assistants, pour 9.000 patients). "Nous avons prévenu la maison médicale par souci de transparence, et notre projet a été bien accueilli car La Bulle d'air avait une liste d'attente de patients qu'elle n'arrivait pas à inscrire. Donc, ça tombait bien", embraie André Nebie. "Puis l'annonce de la fermeture de la maison médicale a précipité les choses et la Dre Hamacher nous a rejoints."Contact a été pris avec la commune qui, consciente de la problématique et de l'impact de la pénurie médicale, a proposé l'ex-Régie des quartiers, place Jean Roggeman, pour accueillir le futur centre médical. Un enracinement local indispensable pour que le projet perdure. "Nous espérons que ce sera prêt pour fin mars", se réjouissent en choeur le coordinateur et les deux généralistes. "Le projet est vraiment d'attirer des jeunes qui resteront car ils auront de bonnes conditions de travail et pourront s'épanouir."Le centre, au forfait, sera multidisciplinaire: infirmière, kiné, psychologue et dentiste (la dernière a arrêté il y a quelques mois). Le projet prévoit deux cabinets médicaux au rez avec salle d'attente et accueil, et trois autres cabinets à l'étage, avec un espace commun pour les médecins pour les réunions et une cuisine - cet espace convivial, de partage entre pairs, est l'une des clefs du succès du concept Thier Mère Dieu, notamment à Pepinster où les locaux vont encore s'agrandir tant la demande est forte. "La pratique de groupe permet d'alléger la partie administrative, or c'est ce que cherchent les jeunes: pouvoir se consacrer uniquement au médical, vu que le travail lui-même est déjà difficile", confie André Nebie. Et Margot Hamacher de confirmer: "Je veux juste entrer dans mon cabinet, poser ma mallette et voir mes patients - et oublier l'aspect organisationnel de la structure.""Par ailleurs, grâce à la taille de notre équipe, les médecins peuvent exprimer leurs sensibilités différentes, exercer les spécialités qu'ils préfèrent et se référer les patients qui ont des besoins spécifiques. Une richesse partagée, qu'il faut encourager et soutenir", poursuit le coordinateur. Enfin, ce type d'environnement est aussi propice à retarder le départ à la retraite des médecins moins jeunes car ils peuvent plus naturellement réduire la voilure et assurer la transition en douceur. "Le médecin a toujours cette culpabilité 'd'abandonner' ses patients quand il part à la pension, c'est plus facile quand il est dans un centre avec des collègues et c'est aussi sécurisant pour le jeune médecin qui peut prendre le train en marche en douceur."La Dre Valérie Samain est en formation pour devenir maître de stage. "Je vais seulement découvrir la pratique de groupe à 56 ans et je pense que ça va être très chouette", se réjouit-elle, visiblement enchantée de ce nouveau départ. "Il est urgent de mettre le bien-être des soignants au centre, en parallèle avec les bons soins qu'on doit aux patients", conclut André Nebie.