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Le recours à l'origine de cette décision critiquait plus précisément l'exclusion de l'homme qui a eu un contact avec un autre homme et de l'homme ou la femme ayant un partenaire sexuel masculin qui a eu un contact sexuel avec un autre homme, pour une période de douze mois après le dernier contact sexuel avec cet autre homme.La Cour a conclu à l'absence de discrimination concernant l'exclusion temporaire du don de sang mais à l'existence d'une discrimination concernant celle du don de plasma.Deux ASBL soutenues par la Fédération Wallonie-Bruxelles ont engagé une procédure judiciaire. Pour elles, cette exclusion créerait une discrimination entre la population homosexuelle ou bisexuelle masculine et le reste de la population. La disposition serait également discriminatoire car elle n'établit pas de distinction selon que les intéressés ont - ou non - des comportements sexuels à risque.L'existence d'une telle discrimination doit s'apprécier en tenant compte du but, des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause. Le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. À savoir qu'en théorie, le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.Pour apprécier si la loi querellée est discriminatoire, la Cour doit donc examiner si la différence de traitement repose sur un critère objectif, si la mesure est raisonnablement justifiée, pertinente et proportionnée pour atteindre l'objectif visé.En l'espèce, la Cour relève que l'exclusion repose sur un double critère étant le sexe du candidat d'une part et un type déterminé de contact sexuel d'autre part. Pour la Cour, ce double critère est bien objectif mais ajoute-t-elle, " lorsqu'une différence de traitement repose sur le sexe, combiné avec un type déterminé de contact sexuel, son contrôle portant sur la justification de la différence de traitement est plus stricte ".Maintenant, l'objectif visé est-il légitime ? Oui, estime la Cour, car la volonté est de garantir la qualité du sang donné et la sécurité de la chaîne transfusionnelle dans l'intérêt de la santé publique.Il convient encore de déterminer si la mesure querellée est pertinente pour atteindre ledit objectif ce qui est le cas si il existe réellement un risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang. Afin d'apprécier si ce critère est rencontré, la Cour procède à un examen de la situation épidémiologique en Belgique. Il en ressort que les contacts entre hommes sont associés à un risque très élevé de transmission de maladies sexuellement transmissibles telles que le VIH. Même dans les relations stables, le risque de contamination reste de plus de 50 fois supérieur au risque détecté lors de relations hétérosexuelles avec un nouveau partenaire.Pour la Cour, il résulte donc que l'exclusion temporaire permet adéquatement d'atteindre l'objectif consistant à garantir un niveau de sécurité des produits sanguins et est de ce fait pertinente.La Cour se livre alors au dernier aspect de son examen, celui qui porte sur la proportionnalité. Elle doit ainsi déterminer si l'exclusion est proportionnée à l'objectif poursuivi c'est-à-dire si elle n'excède pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante de celles-ci. Les inconvénients causés ne doivent par ailleurs pas être démesurés par rapport aux objectifs visés.À ce sujet, la Cour relève que le test qui détecte les pathogènes n'est pas totalement concluant. Il existe en effet une période de fenêtre dans laquelle le virus tel le VIH n'est pas détectable. Ainsi l'utilisation intensive des techniques de dépistage ne peut compenser totalement les conséquences d'une levée totale des mesures d'exclusion en raison de la notion de fenêtre silencieuse et de l'impossibilité pratique de dépister tous les agents infectieux potentiellement dangereux ou encore inconnus.La Cour en conclut que lorsque le législateur élabore une politique de santé publique dans laquelle il met en balance d'une part l'intérêt de chacun de recevoir du sang exempt de maladies infectieuses graves transmissibles par le sang et, d'autre part, celui des hommes ayant eu un contact sexuel avec un autre homme à donner leur sang, il peut raisonnablement considérer que la protection de la santé, voire de la vie, de recevoir du sang est un intérêt à ce point fondamental qu'il commande d'exclure toutes les options qui n'assurent pas aux receveurs un niveau suffisamment élevé de protection de la santé. Il s'ensuit que le législateur n'a pas fait preuve d'une prudence excessive, qui aurait entraîné une violation du principe de proportionnalité.Pour le don de sang, la Cour est arrivée à cette conclusion car le risque qu'un virus ne soit pas détecté par des tests de dépistage, même performants, en raison de la fenêtre silencieuse du virus, est plus élevé. Elle a cependant pris soin de rappeler que les critères d'exclusion tout comme les périodes de celles-ci peuvent être modifiés par arrêté royal en tenant compte des nouvelles connaissances scientifiques et qu'une évaluation a lieu tous les deux ans au moins.En revanche, sur base de ce même raisonnement la Cour estime qu'il n'est pas justifié que les deux critères d'exclusion et leur période d'exclusion respectives s'appliquent également au don de plasma sécurisé par mise en quarantaine.En effet, pour le plasma frais congelé prélevé par aphérèse, une quarantaine de par exemple 60 jours évite le risque résiduel lié à l'existence de la période fenêtre pour les pathogènes pour lesquels un test de dépistage est disponible.Sur ce point, la Cour annule donc la loi en ce qu'elle exclut du don de plasma frais congelé prélevé par aphérèse et sécurisé par la mise en quarantaine les catégories susmentionnées tout en maintenant les effets de cette disposition jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi, au plus tard dans les deux ans de la publication de l'arrêt commenté, qui admet les deux catégories visées à de tels dons, le cas échéant après un traitement par viro-inactivation.