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En dehors de tout contexte infectieux ou d'hyperthermie, une symptomatologie neurologique déficitaire qui dure plus de 24-48 heures, dans un même territoire neurologique mérite investigation. Surtout s'il s'agit d'une femme, jeune de surcroit. "La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire auto-immune touchant préférentiellement les sujets entre 20 et 40 ans, mais il ne faut pas d'emblée exclure cette hypothèse diagnostique chez des patients plus âgés ou chez les adolescents", rappelle toutefois la Pr Valérie Delvaux, responsable du MS Center du CHR de Liège. "La présence d'antécédents personnels ou familiaux de maladie auto-immune est aussi un facteur incitant le médecin à être plus attentif dans le dépistage de la SEP."Bien qu'il n'y ait pas de tableau neurologique classique propre à la SEP, les premiers symptômes les plus fréquents sont visuels (névrite optique) et/ou sensitifs type paresthésies, dysesthésie, etc. Les troubles moteurs et les pertes de force apparaissent généralement plus tard dans la maladie. La SEP se présente sous plusieurs formes, dont la forme poussées/rémissions - "Relapsing/remitting" (RR) en anglais - est la plus fréquente. En présence de symptômes neurologiques pouvant évoquer une maladie auto-immune, une IRM cérébrale et/ou médullaire peut déjà être prescrite avant l'envoi vers un neurologue spécialisé. L'absence de lésions de la substance blanche sur l'imagerie cérébrale exclut d'emblée une SEP. En revanche, la décaouverte fortuite de telles lésions chez une personne asymptomatique permet de diagnostiquer un syndrome radiologiquement isolé pour lequel il convient d'assurer un suivi longitudinal, car il peut évoluer en une forme clinique déclarée. "Idéalement, la SEP doit être prise en charge par une équipe multidisciplinaire, au sein d'un centre spécialisé", rappelle la Pr Delvaux. "Cette équipe se compose d'urologues, de neuropsychologues, de neuroradiologues, d'ophtalmologues, de logopèdes, de kinésithérapeutes, etc. La kinésithérapie active doit être vivement encouragée, au même titre que la pratique régulière d'un sport."La stratégie thérapeutique est adaptée à la forme de SEP et s'oriente autour de trois axes: le traitement des poussées, les traitements de fond et les traitements symptomatiques. L'aggravation ou la survenue de nouveaux symptômes neurologiques déficitaires pendant plus de 24 heures, en dehors de tout contexte infectieux ou d'hyperthermie et séparée de minimum un mois par rapport au précédent épisode, caractérise une poussée de SEP. À ne pas confondre avec le phénomène d'Uhthoff. Cette recrudescence d'une symptomatologie neurologique déficitaire survient dans un contexte d'hyperthermie (chaleur estivale, fièvre, après un exercice physique, etc.) et disparaît lorsque la température corporelle ou extérieure diminue. "En cas de doute, l'IRM cérébrale et/ou médullaire s'avère nécessaire pour corréler la clinique à une éventuelle progression de la charge lésionnelle ou à une activité inflammatoire", explique la Pr Delvaux. "Étant donné la spécificité de l'imagerie cérébrale, il est préférable, dans l'intérêt des patients, de réaliser toutes les IRM dans le même centre, de préférence chez un neuroradiologue, spécialisé en maladies inflammatoires. La même attitude est indiquée dans le suivi d'éventuels effets secondaires neurologiques." Une fois la poussée confirmée, un traitement par corticoïdes à haute dose par voie intraveineuse (IV) durant trois à cinq jours, en hôpital de jour, peut être proposé aux patients, mais n'est pas indispensable. "Ce traitement vise à réduire la durée de la poussée, mais n'influencera pas le pronostic de récupération. Notons qu'il n'y a aucune indication scientifique concernant une corticothérapie par voie orale en cas de poussée ou après les corticoïdes par IV." Les médicaments immunomodulateurs de première ligne contre la SEP rémittente existent sous deux formes. Les injections en sous-cutané ou en intramusculaire (interférons, acétate de glatiramère) se présentent sous forme de stylo-injecteur. Les patients peuvent bénéficier d'écolage par des infirmières à domicile pour apprendre à s'administrer leur traitement. Les comprimés par voie orale (tériflunomide, diméthylfumarate) doivent faire l'objet d'un monitoring biologique durant les premiers mois de traitement, à cause notamment de toxicités hématologiques, rénales et/ou hépatiques. "La diversité des traitements de fond implique d'adapter et de personnaliser la stratégie thérapeutique pour chaque patient", commente la Pr Delvaux. "Il faut tenir compte de ses désidératas, des comorbidités, du type de SEP, etc. Parfois, malgré un choix qui nous semble adéquat, des toxicités ou une progression de la charge lésionnelle nécessitent un switch thérapeutique. Rien ne sert toutefois de se précipiter: les effets secondaires s'améliorent avec le temps et l'efficacité d'un traitement ne se manifeste qu'après plusieurs semaines. Quand une escalade thérapeutique est envisagée, nous passons à des molécules de seconde ligne. Ces traitements ne peuvent être prescrits que par des neurologues spécialisés en SEP et ne sont disponibles qu'en pharmacie hospitalière. Signalons que, depuis peu, nous disposons d'un traitement pour les SEP de type primaire progressive."Les différents symptômes secondaires à l'activité inflammatoire de la SEP peuvent aussi être pris en charge. Les douleurs neuropathiques peuvent être soulagées par des antalgiques de 1re intention. "S'ils ne sont pas assez efficaces ou s'il y a risque d'abus, on peut prescrire des antiépileptiques (prégabaline, gabapentine) ou des antidépresseurs type duloxétine ou amitriptyline qui est toutefois moins bien tolérée."En cas de spasticité, plusieurs molécules peuvent être prescrites: le dantrolène ou le baclofène par voie orale ou, pour les cas avancés, par pompe implantée par un neurochirurgien. "Si la spasticité est localisée, le spécialiste peut procéder à des injections de toxine botulique", ajoute le Pr Delvaux. "Quant au Sativex® un spray oral à base de cannabidiol, il ne peut être prescrit, sous conditions strictes, que par le neurologue spécialisé en SEP et est délivré exclusivement en pharmacie hospitalière." Outre la prise en charge en milieu spécialisé, le patient atteint d'une SEP tirera un grand bénéfice du suivi rapproché en première ligne. "Dans un premier temps, il y a lieu de débriefer l'annonce du diagnostic et le dédramatiser", explique la Pr Delvaux. "Car, dans l'imaginaire collectif, la SEP est associée aux handicaps les plus lourds et à la perte d'autonomie. Cette vision de la maladie est erronée. La grande majorité des patients mène une vie relativement normale, travaille, a des enfants, fait du sport, etc."On gardera à l'esprit que les patients SEP peuvent être confrontés à des problèmes psychosociaux ou financiers, pouvant interférer avec la prise en charge de leur maladie. Notons enfin que l'entourage, particulièrement l'aidant proche, peut lui aussi avoir besoin d'aide. "Pour conclure, je tiens à préciser que nous restons à l'écoute des généralistes afin de vérifier l'adhérence thérapeutique. À cause de la pandémie de Covid-19, par exemple, de nombreux patients sont moins venus à l'hôpital ou ont interrompu la kinésithérapie ou le sport", explique la Pr Delvaux. "Et on ne saurait insister trop sur l'intérêt de la vaccination. Beaucoup d'idées fausses circulent à ce sujet. Or, nous encourageons la vaccination, y compris contre le Covid-19. D'ailleurs, certains traitements nécessitent, avant leur instauration, d'être immunisé ou vacciné contre le VZV (zona/varicelle) ou l'hépatite B. Il faut toutefois rester prudents concernant les vaccins vivants atténués, et ce, en fonction de la thérapeutique immunomodulatrice prise par les patients."