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La maladie de Parkinson est souvent facile à diagnostiquer. Le patient est lent, raide, il a un visage figé et une parole monotone. Quant au tremblement parkinsonien, au premier stade de la maladie, il est léger, latéralisé, se manifeste au repos et diminue, voire disparaît lors des mouvements volontaires. Sous l'effet du stress de la consultation, il peut s'accentuer. Outre l'examen neurologique, il est utile d'interroger le patient et son ou sa partenaire sur ce qui a constitué des signes annonciateurs de la maladie. " Outre dans la substance noire du cerveau, les cellules dopaminergiques se retrouvent dans le système gastro-intestinal, le tronc cérébral et le bulbe olfactif ", rappelle le Pr Alain Maertens de Noordhout, chef du service de neurologie du CHR Liège . " Résultat: la constipation, des mouvements anormaux pendant le sommeil paradoxal et/ou une certaine perte d'odorat peuvent annoncer une future maladie de Parkinson. " Idem pour la dépression ou l'anxiété, présente chez la moitié des patients. Si ces troubles psychiques peuvent se développer suite à l'annonce du diagnostic, ils peuvent aussi précéder les troubles moteurs, parfois de plusieurs années. Autre point à aborder lors de l'anamnèse: la liste exhaustive des traitements en cours. " Plusieurs médicaments - Cordarone®, Sibelium®, Primperan®, etc. - peuvent induire de faux Parkinsons ", explique le Pr Maertens. " Il suffit d'interrompre le traitement pour être fixé. "Il ne faut pas non plus se fier aux seuls tremblements ou à leur absence pour poser ou exclure le diagnostic parkinsonien, car plus d'un tiers des patients ne tremblent pas. Cette forme " akinéto-rigide " de la maladie est de moins bon pronostic et moins évidente à diagnostiquer, notamment chez les patients jeunes. " J'ai récemment reçu un homme de 35 ans, ayant un métier manuel et un mode de vie actif, qui m'avait été adressé pour des douleurs inexpliquées dans la jambe ", raconte le Pr Maertens. " Je l'ai fait marcher dans le couloir. Son pas était anormalement court à gauche et son bras gauche ne balançait pas. Son IRM ne révélant rien d'anormal - comme toujours dans la maladie de Parkinson - j'ai ordonné un DAT-scan pour évaluer le transport de la dopamine dans les noyaux gris de la base, essentiellement le striatum. Dans le cas de ce patient, le DAT-scan a révélé une perte nette de transport de la dopamine dans le striatum droit. "Le traitement doit être adapté aux difficultés individuelles et aux différents stades de la maladie. " À cause de leur perte d'efficacité dans le temps et parfois de leurs toxicités, il ne faut pas d'emblée prescrire un médicament antiparkinsonien. Les tremblements, par exemple, relèvent souvent de la gêne sociale - qui ne justifie pas une médication. En revanche, la rigidité et l'altération des mouvements handicapent vraiment les patients. "? La lévodopa, associée à un inhibiteur de la dopa-décarboxylase (Prolopa®) et éventuellement un inhibiteur de la catéchol-O-méthyle-transférase (Stalevo®) pour la potentialiser et pour limiter les effets secondaires dopaminergiques périphériques (digestifs, cardiaques), est le traitement le plus efficace. " À cause de sa demi-vie réduite, il est primordial de prendre la lévodopa à heures fixes, au quart d'heure près ", rappelle le Pr Maertens. " Pour ce faire, les patients peuvent programmer des alarmes sur leur smartphone ou utiliser des piluliers "intelligents". C'est plus compliqué quand ils sont atteints cognitivement, développent une démence et/ou sont institutionnalisés. Pour assurer la compliance, le médecin traitant doit alors communiquer et collaborer avec l'entourage et/ou le personnel de la MRS. "? Dans les formes débutantes, les inhibiteurs de la monoamine-oxydase B (IMAO-B: Azilect®, Eldepryl®), sont une alternative à la lévodopa et permettent d'épargner celle-ci, mais ils ont une efficacité symptomatique modeste. Après quelques années de " lune de miel " avec la lévodopa, les cellules dopaminergiques restantes sont de moins en moins capables de stocker cette dopamine qui commence à se libérer de façon erratique, avec hypersensibilité des récepteurs. Ce qui se traduit par des dyskinésies: mouvements involontaires amples lors des pics de dose, puis blocages intempestifs en fin de dose, de plus en plus fréquents. ? On peut alors fractionner les doses de lévodopa en prises plus nombreuses, mais moins fortes, ajouter ou switcher vers des agonistes dopaminergiques (Requip®, Mirapexin®), à longue durée d'action. Attention à leurs effets secondaires, notamment psychiatriques, dont la sévérité a tendance à augmenter avec l'âge. " Raison pour laquelle on les recommande rarement pour les plus de 70 ans ", commente le Pr Maertens. " Les patients plus jeunes doivent être surveillés, car ils peuvent manifester une hypersexualité, une addiction au jeu, de gros achats impulsifs, etc. Là encore, inviter l'aidant proche lors des consultations et oser mettre sur le tapis des sujets comme l'argent et la sexualité aident le médecin à adapter la stratégie thérapeutique. ". On peut aussi ajouter un IMAO-B de dernière génération (Xadago®) qui prolonge l'effet de chaque dose de lévodopa. ? Au bout de dix à quinze ans d'évolution non contrôlée par les médicaments, la stimulation cérébrale profonde peut être envisagée chez des patients ne présentant aucun antécédent psychiatrique, déclin cognitif ou affection cérébrovasculaire. " Cette intervention neurochirurgicale reste délicate et demande au début un suivi rapproché, car les risques de chutes et parfois de suicide sont majorés durant les trois premiers mois. La pose d'électrodes est donc généralement réservée aux moins de 70 ans. "? Dans certains cas, il est possible de placer une sonde de jéjunostomie reliée à une pompe qui administre la lévodopa en continu sous forme d'un gel (Duodopa®) pour limiter les fluctuations motrices, mais c'est aussi une technique délicate et onéreuse. Les troubles de la posture et de la marche et les chutes qui en résultent sont une préoccupation majeure dans la maladie de Parkinson. Si les médicaments améliorent la mobilité et atténuent la rigidité des membres, ils sont moins efficaces contre les troubles de la posture et de l'équilibre. C'est là que la kinésithérapie active intervient. Elle occupe une place centrale dans la prise en charge, notamment pour traiter l'instabilité posturale et le freezing (phénomène transitoire durant lequel le patient est incapable de faire le moindre mouvement) et pour limiter le risque de chutes. Plusieurs études ont aussi démontré les bénéfices d'une activité physique régulière et suffisante au niveau locomoteur (équilibre, souplesse, force, etc.) et cérébral. " Faire de l'exercice stimule la dopamine. Or, quand la maladie de Parkinson se déclare, près de 60% des cellules dopaminergiques sont déjà perdues. Stimuler celles qui restent est positif, y compris sur les plans psychologique et social. Les patients parkinsoniens se sentent souvent déprimés, diminués, voire stigmatisés. Tout ce qui peut améliorer leur estime de soi et leurs interactions sociales mérite d'être encouragé. "