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C'était un besoin urgent : comment placer, en amont même des tentes de tri hospitalières, un moyen pour pouvoir suivre les patients suspects, à tort ou à raison, d'avoir contracté le virus ? A ce besoin viennent aujourd'hui répondre au moins trois propositions. Celle qui sera vraisemblablement la plus largement adoptée est celle portée par la Société scientifique de médecine générale (SSMG) et le Collège de médecine générale (CMG), associés avec le Réseau Santé Wallon (RSW) et Abrumet. La plateforme, active depuis samedi dernier, permet au généraliste de suivre l'évolution de l'état de santé du patient. Côté patient, le suivi régulier (quotidien puis plus fréquent si dégradation) est effectué par l'envoi, par sms sécurisé, d'un questionnaire court établi par les médecins. Ces données sont analysées par un algorithme validé par le Collège de médecine générale francophone et automatiquement publiées sur les serveurs des réseaux wallon et bruxellois et accessibles aux centres de triages et médecins hospitaliers vers qui les patients en phase critique seront redirigés pour une prise en charge la plus rapide et efficace. " Cela a l'avantage de recentrer le processus sur le patient, là où on a longtemps été médecin-centré, en lui donnant les clés de la mesure de son état de santé en temps réel et d'une relation en direct avec son généraliste ", souligne le docteur Dr Thomas Orban, président de la SSMG. " Un urgentiste peut directement voir tout l'historique du patient, l'évolution, les traitements, la présence d'un aidant ou d'un proche à contacter. " Le nom de cette plate-forme est " Covid-19 e-monitoring first line " et les médecins y ont accès via leur plate-forme régionale habituelle. Mais un service comparable est rendu par Advelox, qui permet de communiquer virtuellement avec son médecin traitant ou tout autre spécialiste de la santé. Une fois inscrit, le patient peut se constituer un " réseau de soignants ". " Les contacts avec les professionnels de la santé sont structurés par type : demande d'avis médical, ordonnance, renouvellement d'ordonnance, résultats d'analyse, etc ", explique le dr Paul Wulleman, co-fondateur d'Advelox. Qui offre ce service gratuitement. Enfin vient du Nord une autre plateforme, BeWell. Son approche ? Via www.covidathome.be, accessible gratuitement, les personnes qui pensent présenter des symptômes peuvent remplir un simple questionnaire médical développé avec l'UZ Gent. Celui-ci permet d'examiner les symptômes liés au coronavirus et plusieurs paramètres vitaux tels que température, tension artérielle, essoufflement. Le patient est alors soit placé sous surveillance chez lui et est invité à continuer de remplir régulièrement et proactivement le questionnaire ainsi que ses paramètres vitaux. Soit il lui est conseillé de prendre contact avec son médecin traitant et d'envoyer électroniquement les résultats. Les médecins généralistes ou les postes de garde médicaux qui ont déjà accès à la solution BeWell peuvent immédiatement consulter les résultats en ligne, suivre les patients à tout moment et même organiser une consultation vidéo pour laquelle ils sont rémunérés. Soit le risque est élevé et le patient est alors prié de prendre contact avec son médecin traitant ou de se rendre au service des urgences le plus proche. "Le service des urgences utilisait déjà un kiosque d'autoévaluation médicale BeWell", explique le Dr Cathelijne Lyphout, médecin urgentiste à l'UZ Gent. "Suite à l'efficacité prouvée de ce système, un deuxième kiosque est actuellement exclusivement utilisé pour le tri des patients qui se rendent directement aux urgences et qui souffrent éventuellement du Covid-19."" Avant toute chose, le questionnaire de tri et la consultance à distance permettent d'effectuer immédiatement une première sélection importante, ce qui offre aux médecins généralistes et au personnel hospitalier la possibilité de se concentrer sur les personnes effectivement infectées. Les personnes ne doivent pas quitter leur domicile et évitent ainsi de propager le virus. Enfin, grâce à l'historique de la plateforme en ligne, tous les patients à risque peuvent être suivis efficacement par le médecin ou le poste de garde ", explique Alain Mampuya, CEO de BeWell Innovations. Les consultations vidéo, qui sont intégrées dans BeWell et respectent les règles de RGPD, constituent pour les autorités une preuve qu'il y a effectivement eu prestation de service par un médecin et permettent d'activer la rémunération exceptionnelle pour les téléconsultations. En outre, les résultats de cette approche peuvent être étudiés plus profondément par la suite afin d'en tirer des enseignements pour de futures crises. Enfin, des infos supplémentaires ainsi qu'un certificat médical peuvent aussi être fournis digitalement. Cette solution n'est plus expérimentale puisqu'elle revendique plus de 500.000 patients dans divers hôpitaux. Les données saisies sont immédiatement stockées dans le dossier médical, ce qui simplifie le travail du personnel de l'hôpital. Quel sera donc la solution préférée des généralistes ? Pour le Dr Paul De Munck, président du GBO, c'est clairement la " Covid-19 e-monitoring first line " qui a les faveurs du syndicat professionnel, notamment à cause de ses fonctionnalités et sa sécurité. Pour le Dr David Simon, médecin de famille à Colfontaine et délégué Absym, " la caution du RSW est un signe de qualité. Mais personnellement, je ne vois pas grand intérêt à cette démarche chronophage. La seule mesure qui m'eût intéressé est la saturation mais les patients n'ont pas de saturomètre. L'application est sérieuse mais à titre personnel sans intérêt dans ma pratique."