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Le cancer représente non seulement la première cause de mortalité dans les pays occidentaux, mais aussi une cause importante de morbidité et de séquelles chez les "survivants", comme ils se désignent eux-mêmes. On le sait maintenant, notre corps génère en permanence, en se renouvelant, ces erreurs de transcription génétique qui peuvent déboucher vers une forme de cancer. L'écrasante majorité de ces erreurs sont absorbées sans autre forme de procès. D'autres échappent. S'il existe bien des formes fulgurantes, de nombreux cancers se développent plus lentement dans le temps, ce qui donne l'opportunité de les repérer. Les experts de l'hôpital Gustave Roussy, premier centre européen dans la lutte contre le cancer (d'après Newsweek) estiment que jusqu'à 40% des personnes développant un cancer auraient pu être identifiées comme à risque augmenté dans les années précédant leur diagnostic. Pouvoir déceler plus tôt, donc traiter avec davantage de succès avec des thérapies plus courtes, moins mutilantes, voire plus économiques est l'objectif de "Interception", élaboré par la Dr Suzette Delaloge: " Les approches en population générale présentent aujourd'hui des limites identifiées. Une prévention et un dépistage personnalisés en fonction du risque individuel de cancer, pour éradiquer le cancer avant sa phase clinique, semblent aujourd'hui une voie d'avenir majeure". Aujourd'hui, il est rarissime que le généraliste ou même l'hôpital ne décrètent d'eux-mêmes une "situation de risque augmenté" de développer certains cancers. " Les repérer permet dès aujourd'hui de les sensibiliser et de leur délivrer une information adéquate sur des actions de dépistage et une prévention spécifique", explique la Dr Suzette Delaloge. " En armant de connaissances les personnes concernées, notre ambition est de les aider dans leurs choix de prévention et de dépistage, afin d'appuyer les médecins traitants dans leurs missions de prévention, sans s'y substituer. La prévention est très variée. Nous proposons de façon systématique une évaluation nutritionnelle et des conseils personnalisés en nutrition et activité physique. La prévention proposée peut aussi être plus médicalisée, voire chirurgicale dans certains cas particuliers, comme en cas de prédisposition au cancer du sein et de l'ovaire. Nous leur transmettons également des informations sur des symptômes éventuels de la maladie." L'idée est d'appliquer "en ville" les techniques les plus avancées des études cliniques les plus avancées en cancérologie. Ainsi, plusieurs études cliniques structurent déjà ce programme Interception, comme l'étude MyPeBS sur le dépistage personnalisé du cancer du sein ou l'étude LEAH qui évalue le rôle de l'ADN circulant en dépistage. Voire encore l'étude européenne 4-in-the-lung-run qui affine le dépistage du cancer du poumon par scanner. Le programme entend particulièrement être efficace avec un cancer comme celui du poumon. Car la majorité des cancers diagnostiqués chaque année le sont souvent à un stade avancé, non opérable et difficile à soigner. " Si vous attendez d'avoir des symptômes, vous allez trouver deux cancers sur trois étendus ou métastatiques. Donc inopérables. Avec le dépistage, c'est l'inverse. Vous détectez deux cancers sur trois localisés", explique au Figaro le Pr Bernard Milleron, président honoraire de l'Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT). Les spécialistes soulignent que le bénéfice du dépistage a été démontré par un essai européen, baptisé Nelson, publié dans le New England Journal of Medicine en 2020. Le dépistage par scanner faiblement irradiant réduisait la mortalité spécifique par cancer du poumon de 26%, avec un faible nombre de faux positifs. à Gustave Roussy, on entend multiplier ce genre de piste en identifiant de nouveaux biomarqueurs de risque, de nouvelles modalités de dépistage, de prévention ou d'interventions nutritionnelles. " Nous poursuivons également l'exploration du rôle de l'immunité et du microbiote, et cherchons à développer une meilleure connaissance des impacts socio-psychologiques", ajoute Suzette Delaloge. Comme l'aspect de prise en charge précoce est crucial dans ce programme, l'Institut s'engage auprès des participants à répondre en moins de deux jours ouvrés à toutes demandes de diagnostic en cas de symptômes suspects, ou d'assurer la prise en charge thérapeutique en cas de cancer établi. Le programme a été établi en lien avec des associations de patients. Les bénéficiaires prioritaires sont les personnes identifiées comme à risque augmenté de certains cancers. On considère qu'une personne a un risque augmenté d'un cancer donné lorsque, en général, sa probabilité de développer ce cancer est au moins deux à trois fois supérieure à celle des autres personnes. Ce peut être par exemple, en cas d'histoire familiale importante et de prédisposition héréditaire, en cas de lésions pré-cancéreuses ou d'exposition forte à certains toxiques.