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Hokusai et Géricault, deux peintres qui bien sûr ne se connurent pas, mais vécurent à la même époque dans des univers et des mondes totalement différents. Le premier, japonais, voit sa vie contée par deux... Italiens: Francesco Matteuzzi s'est efforcé de démêler l'écheveau du vrai et du faux d'un artiste qui fit de son existence même une oeuvre d'art. Un peintre qui, au début du 19e siècle, révolutionne l'art japonais de la peinture, des ukoiyo-e ( les images du monde flottant), intégrant dans sa pratique des composantes "occidentales" comme la perspective. Avec l'ouverture à l'Ouest du Japon, ce sont à leur tour les oeuvres d'Hokusai qui vont influencer les impressionnistes comme Renoir, Monet, Degas et même jusqu'à Van Gogh qui s'en réclament et, plus généralement, les décors de l'Art nouveau. Ce récit chronologique donne à voir l'évolution lente de la peinture japonaise, son art de la xylographie, l'importance des maîtres et ateliers, les différents aspects sociaux de la société japonaise, et la progression d'un artiste, "fou de peinture", qui visera la perfection, sans jamais l'atteindre selon ses dires, au cours de sa longue carrière. Choisissant un équilibre funambulistique entre estampe et manga, le dessinateur Guiseppe Latanza fait oeuvre d'hommage respectueux à l'auteur des 36 vues du mont Fuji, dont l'image emblématique reste cette vague énorme, impressionnante qui, sous le regard de la plus haute montagne du Japon, semble sur le point d'engloutir trois bateaux de pêcheurs. De vagues, il est également question dans Les naufragés de La Méduse, récit de la conception du célèbre tableau " Le radeau de la Méduse" par Théodore Géricault également au début des années 1800. L'on suit l'épopée tragique du navire quelques mois à peine après la Restauration en juin 1816, et, parallèlement, les tourments de l'artiste qui décide de se saisir de ce sujet un an à peine après les faits, et le procès qui s'en suivit. Dans un style vif et quasi réaliste, Jean-Sébastien Bordas déroule sur 170 pages l'histoire de ce drame humain épouvantable et des tempêtes intérieurs qui secoue l'artiste au cours de la genèse de l'oeuvre, en se basant sur le récit des survivants et le "scénario" enlevé de Jean-Christophe Deveney. On pourra juste regretter le manque de tableaux d'ensemble et la profusion de petites cases, or que le sujet de l'album est une imposante fresque picturale... Dans le cas d'Hokusai comme de Géricault, si leur art ne se résume pas loin de là à cette vague ou à ce radeau, ils n'en restent respectivement pas moins de leur art... le navire amiral.