La gauche et la droite ont été longtemps érigées comme les arcs porteurs de la démocratie, bases de systèmes politiques bâtis sous les pressions des deux camps. Les trente glorieuses (1945-1973, premier choc pétrolier) ont pu donner l'illusion que les négociations répétées entre " collectivistes " et " individualistes ", même entrecoupées d'affrontements, étaient les clés de la démocratie. Mais les serrures institutionnelles héritées de ce récit coincent. Nous sommes entrés dans une ère de crises de deux sortes : les unes sociales, économiques et financières, les autres scientifiques et techniques. Quiconque se donne la peine de réfléchir aux concepts d'individu et de société ne peut qu'être frappé par le simplisme des idéologies fondées sur leur opposition radicale, simplisme masqué par des masses de théories et de statistiques. Entendu récemment sur notre RTBF première : " nous manquons de collectif ". Dans un pays densément peuplé, riche d'institutions et de groupes divers et variés, j'avoue ne pas voir le " manque de collectif ". Par contre, j'aimerais plus entendre parler de la manière de construire des collectifs efficaces, justes et valorisants, comme dans le sport.

Ceci nous ramène aux fonctions généralistes et aux métiers spécifiques spécialisés.

Tout se passe comme si la notion même de fonction généraliste n'était pas audible dans nos sociétés. La spécialisation de tous les aspects de la vie humaine a fait oublier les situations quotidiennes où les individus doivent décider en réfléchissant par eux-mêmes ou improviser dans l'urgence. J'ai maintes fois rappelé dans cette tribune combien la médecine illustre qu'au-delà des analyses scientifiques et des procédures techniques, au moment de décider et d'agir, d'autres mouvements de la pensée orientés sur le sens et la valeur de nos actes, interviennent. Loin de réduire l'importance des spécialités scientifiques et des métiers techniques, de telles réflexions visent au contraire à les utiliser au mieux des attentes de tous. Les aptitudes relationnelles, si dépendantes de traits de caractères profondément personnels et si nécessaires à tous, ne résistent pas non plus à la spécialisation. Sous le nom de "soft skills" ou "compétences comportementales", elles font l'objet de nombreuses théories, d'enseignements académiques et d'accompagnements très à la mode, le coaching. Elles devraient être accessibles à tous comme un bagage indispensable.

Dans un pays densément peuplé, riche d'institutions et de groupes divers et variés, j'avoue ne pas voir le "manque de collectif"...

Vie humaine et démocratie

A l'instar de la démocratie, en équilibre fragile sur l'individualisme et le collectivisme, la vie humaine s'appuie sur deux sources de connaissances, les savoirs établis et les capacités innées. L'élaboration des savoirs et leur enseignement dépendent fort d'une bonne organisation et donc du collectif tandis que l'inné se transforme sous les coups d'expériences vécues dans le collectif familial dès la petite enfance. Il n'y a ni clivage ni opposition entre l'individuel et le collectif, ils se construisent l'un l'autre à travers d'innombrables lignes de relais de proche en proche pour façonner le paysage de la société. Il faut donc voir l'individuel et le collectif comme deux pôles en interaction constante et non les opposer. Sans oublier les influences profondes des egos, nécessairement individuels mais dont certains cumulent leurs effets pour semer la paix ou le trouble, l'inertie ou le dynamisme.

Tel est le cadre dans lequel, consciemment ou inconsciemment, nous apportons nos contributions à plus ou moins de démocratie.

Le système B ou surréalisme belge: protection et liberté

La Belgique se caractérise par

1° la mise à l'abri des fonctions généralistes derrière une inflation de textes juridiques ;

2° la mise à l'abri des scientifiques dans des institutions académiques supposées les protéger des conflits d'intérêts et garantir leurs compétences ;

3° la soumission des métiers spécifiques spécialisés, dans les soins de santé par exemple, à des bureaucraties consommatrices de temps et d'argent aux dépens de l'efficacité sur le terrain ;

4° un évitement des mécanismes du marché contrastant avec leur omniprésence dans le moindre échange de savoirs ou de pouvoirs ;

5° un système institutionnel multipliant les commissions d'avis, ouvert à la concertation mais pas toujours efficace et diluant les responsabilités.

Nous retrouvons le mariage de la sécurité et de la liberté déjà évoqué dans ces colonnes ( lire jdM n°2656). Malheureusement, un dangereux déséquilibre menace les deux composantes, l'excès de protection par la loi tue la loi, la protection et la liberté.

Aux institutions politiques d'offrir des points d'appuis aux fonctions généralistes mais sans toucher à la liberté nécessaire à leur efficacité tout en contenant leurs excès.

Aux institutions scientifiques d'offrir des conditions propices à la recherche et à l'innovation, ce qui implique le respect de la liberté des chercheurs assortie, de leur part, d'une grande ouverture au dialogue avec les profanes intéressés par leurs travaux.

Et sur le terrain?

Le juridisme administratif et le sensationnalisme médiatique nous envahissent et nous égarent. Si les individus n'y résistent pas à tous les niveaux, personnels, professionnels, sociaux et politiques, nous serons emportés dans de terribles dérives. Heureusement, de plus en plus réagissent et cherchent des solutions.

Fin de la saison 2 Suite dans la saison 3: la démocratie au bord du gouffre (à paraître).

Tout se passe comme si la notion même de fonction généraliste n'était pas audible dans nos sociétés. La spécialisation de tous les aspects de la vie humaine a fait oublier les situations quotidiennes où les individus doivent décider en réfléchissant par eux-mêmes ou improviser dans l'urgence. J'ai maintes fois rappelé dans cette tribune combien la médecine illustre qu'au-delà des analyses scientifiques et des procédures techniques, au moment de décider et d'agir, d'autres mouvements de la pensée orientés sur le sens et la valeur de nos actes, interviennent. Loin de réduire l'importance des spécialités scientifiques et des métiers techniques, de telles réflexions visent au contraire à les utiliser au mieux des attentes de tous. Les aptitudes relationnelles, si dépendantes de traits de caractères profondément personnels et si nécessaires à tous, ne résistent pas non plus à la spécialisation. Sous le nom de "soft skills" ou "compétences comportementales", elles font l'objet de nombreuses théories, d'enseignements académiques et d'accompagnements très à la mode, le coaching. Elles devraient être accessibles à tous comme un bagage indispensable. A l'instar de la démocratie, en équilibre fragile sur l'individualisme et le collectivisme, la vie humaine s'appuie sur deux sources de connaissances, les savoirs établis et les capacités innées. L'élaboration des savoirs et leur enseignement dépendent fort d'une bonne organisation et donc du collectif tandis que l'inné se transforme sous les coups d'expériences vécues dans le collectif familial dès la petite enfance. Il n'y a ni clivage ni opposition entre l'individuel et le collectif, ils se construisent l'un l'autre à travers d'innombrables lignes de relais de proche en proche pour façonner le paysage de la société. Il faut donc voir l'individuel et le collectif comme deux pôles en interaction constante et non les opposer. Sans oublier les influences profondes des egos, nécessairement individuels mais dont certains cumulent leurs effets pour semer la paix ou le trouble, l'inertie ou le dynamisme. Tel est le cadre dans lequel, consciemment ou inconsciemment, nous apportons nos contributions à plus ou moins de démocratie. La Belgique se caractérise par 1° la mise à l'abri des fonctions généralistes derrière une inflation de textes juridiques ; 2° la mise à l'abri des scientifiques dans des institutions académiques supposées les protéger des conflits d'intérêts et garantir leurs compétences ; 3° la soumission des métiers spécifiques spécialisés, dans les soins de santé par exemple, à des bureaucraties consommatrices de temps et d'argent aux dépens de l'efficacité sur le terrain ; 4° un évitement des mécanismes du marché contrastant avec leur omniprésence dans le moindre échange de savoirs ou de pouvoirs ; 5° un système institutionnel multipliant les commissions d'avis, ouvert à la concertation mais pas toujours efficace et diluant les responsabilités. Nous retrouvons le mariage de la sécurité et de la liberté déjà évoqué dans ces colonnes ( lire jdM n°2656). Malheureusement, un dangereux déséquilibre menace les deux composantes, l'excès de protection par la loi tue la loi, la protection et la liberté. Aux institutions politiques d'offrir des points d'appuis aux fonctions généralistes mais sans toucher à la liberté nécessaire à leur efficacité tout en contenant leurs excès. Aux institutions scientifiques d'offrir des conditions propices à la recherche et à l'innovation, ce qui implique le respect de la liberté des chercheurs assortie, de leur part, d'une grande ouverture au dialogue avec les profanes intéressés par leurs travaux. Et sur le terrain? Le juridisme administratif et le sensationnalisme médiatique nous envahissent et nous égarent. Si les individus n'y résistent pas à tous les niveaux, personnels, professionnels, sociaux et politiques, nous serons emportés dans de terribles dérives. Heureusement, de plus en plus réagissent et cherchent des solutions.