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Le nouveau traitement, commercialisé sous le nom d'Evusheld®, repose sur l'association de tixagévimab et de cilgavimab. D'après sa notice, il est destiné à la prophylaxie pré-exposition contre le Covid-19 chez les patients adultes. Il est administré par voie intramusculaire. Le KCE et l'AFMPS ont diffusé mercredi dernier une note conjointe aux médecins avec de plus amples précisions. L'objectif n'étant pas que l'Evusheld® remplace le vaccin contre le Covid-19, la Task Force Covid Therapeutics a décidé d'en réserver l'usage aux patients qui, en raison de troubles du système immunitaire, restent trop peu protégés après l'administration d'une seconde dose de rappel. Il semble en effet qu'il existe un groupe de sujets gravement immunodéprimés qui présentent encore et toujours un titre d'anticorps indétectable après leur second rappel vaccinal, et cette situation n'est pas sans risques. Comme l'a rappelé le Pr Goldman lundi dernier lors de la conférence de presse, on peut en effet estimer qu'environ 40 de la centaine de patients actuellement hospitalisés aux soins intensifs avec une infection Covid-19 présentent une immunodépression sous-jacente. La prescription et l'administration de l'Evusheld® est confiée exclusivement aux spécialistes qui sont amenés à traiter des patients gravement immunodéprimés, et les autorités appellent ces professionnels à contacter de façon proactive les personnes candidates à ce traitement. L'utilisation du produit sera limitée aux personnes dont le titre d'anticorps contre la protéine spike reste inférieur à 260 BAU/ml après administration d'une seconde dose de rappel. Il sera distribué par le biais des pharmacies hospitalières. L'EMA a approuvé l'Evusheld® pour la prophylaxie préexposition du Covid-19 sur la base de l'essai Provent, dans le cadre duquel plus de 5.000 personnes ont été randomisées pour recevoir soit une dose d'Evusheld®, soit un placebo. Tous les participants présentaient un risque de réaction insuffisante à la vaccination contre le Covid-19 (p.ex. trouble immunitaire) ou de décours défavorable de l'infection à SARS-CoV-2 (en raison d'une comorbidité). En comparaison avec le placebo, l'Evusheld® abaissait le risque de Covid-19 symptomatique de 77% dans l'analyse primaire et de 83% au terme d'un suivi de six mois. " L'Evusheld® offre une protection prolongée, car les deux anticorps qu'il contient sont conçus pour rester présents dans l'organisme durant plusieurs mois", a précisé le Pr Michel Goldman. L'essai Provent a été réalisé avant l'avènement du variant omicron mais, d'après l'immunologue, les nouvelles sont plutôt bonnes de ce côté. " Contrairement à d'autres anticorps monoclonaux, l'Evusheld conserve son activité antivirale contre le variant BA. 2 qui prédomine dans nos régions. C'est ce qu'ont pu démontrer l'Institut Pasteur à Paris et la KULeuven dans une étude récente dévoilée en prépublication. Nous n'avons pas encore de données concernant les nouveaux variants BA. 4 et BA. 5, mais les constats publiés dans Science concernant l'activité résiduelle des anticorps générés par l'infection ou par la vaccination sont rassurants." " Néanmoins, approuver le traitement ne suffit pas: encore faut-il en effet que les médecins et les malades sachent qu'il existe", a encore averti l'expert. En France, où l'Evusheld® a été commercialisé plus rapidement, on a en effet constaté que 25% à peine des patients susceptibles d'en bénéficier l'avaient effectivement reçu, alors qu'on estime que 300 vies auraient pu être sauvées si la totalité des individus avaient été traités. Chez nous, le Pr Goldman chiffre à environ 15.000 le nombre de personnes candidates à cette prophylaxie. Précisons encore que les patients gravement immunodéprimés peuvent également bénéficier du Paxlovid®, un traitement reposant sur l'association de deux inhibiteurs de protéases (nirmatrelvir et ritonavir) qui a également fait la preuve d'un impact considérable sur le pronostic des patients dans une étude de phase 3 dont les résultats ont été déposés auprès des autorités de santé. Chez les patients à haut risque, le Paxlovid® permettait d'abaisser de 89% la probabilité d'évolution vers une forme grave lorsqu'il était administré dans les trois jours suivant l'apparition des symptômes de l'infection Covid-19. Le médicament doit être pris dans les cinq jours qui suivent l'apparition des premiers signes de la maladie. Comme l'a souligné le Pr Goldman, il convient toutefois de rester attentif au risque d'interactions avec d'autres médicaments fréquemment utilisés chez les patients à haut risque. Là encore, le Paxlovid® ne peut être prescrit que par les spécialistes traitant des sujets gravement immunodéprimés, mais il est délivré par le biais des officines publiques. Dans l'étude Provent, les incidents cardiovasculaires et thrombo-emboliques étaient plus fréquents dans le groupe Evusheld® que dans le groupe placebo. Bien que l'EMA estime que le lien n'est pas clairement démontré, le KCE recommande de peser soigneusement les avantages et inconvénients chez les sujets qui présentent déjà un risque cardiovasculaire ou thrombo-embolique accru.