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Nos fidèles lecteurs s'en rappellent: Sciensano veut lancer un baromètre Covid-19 en médecine générale, en association avec la SSMG qui, faute de soutien pécuniaire, n'en fera pas la promotion (lire jdM n°2644). Or, la Fédération des maisons médicales et son Service d'étude et recherches (SERF) emmené par Estibaliz San Anton, PhD et le Dr Roger van Cutsem, médecin généraliste en maison médicale, publiait jusque récemment son propre baromètre Covid de la 1ère Ligne. Ce baromètre va malheureusement s'interrompre pour des raisons techniques (migration des MM participantes vers un nouveau "DSI") mais il nous offre quelques solides éléments de réponse sur l'évolution de la pandémie en première ligne jusque fin septembre. En effet, le SERF constatait à juste titre que "l'enregistrement par Sciensano des nouveaux cas confirmés par frottis et des hospitalisations fournit des indicateurs cruciaux mais qui sont dépendants d'éléments conjoncturels comme l'accessibilité aux tests ou le degré de saturation des structures hospitalières. Dans ce contexte, l'évolution des cas suspects de Covid recensés par la première ligne de soins apporte une information importante qui permet de compléter et affiner l'analyse des indicateurs d'évolution." Le recensement des cas suspect est en effet le chaînon manquant dans la collecte des données actuellement disponible. Durant la première vague, le recueil de ce type d'informations se faisait par les médecins vigies de la grippe et par quatre maisons médicales de la FMM situées à Charleroi. Ces informations ont notamment permis aux hôpitaux d'anticiper le nombre de complications à venir et aux groupements de généralistes de planifier le nombre de tests attendus dans les centres de testing. "Soucieux d'élargir la zone de collecte des données et de participer à la surveillance d'une possible seconde vague, nous avons développé un module d'extraction hebdomadaire des données enregistrées par les médecins généralistes dans le DSI "Pricare" de leurs patients", note le SERF qui envoie depuis la mi-août un rapport hebdomadaire, parfois accompagné de recommandations, vers la communauté scientifique et politique concernée. Au 28 septembre, le SERF a analysé les données de 12 maisons médicales (7 à Bruxelles et 5 en Wallonie) représentant 25.179 patients (12.443 à Bruxelles et 12.736 en Wallonie). Si l'on observe l'incidence des cas suspects au sein des patients inscrits dans les MM en nombre de cas/100 patients sur cet échantillon de 25.179 patients, il en ressort, selon le SERF que "avant le mois de mars, la courbe correspond à l'évolution de l'épidémie de grippe saisonnière. La brutale et inhabituelle, par son ampleur, remontée du nombre de cas suspects est très certainement due à la première vague de Covid-19. Le confinement en date du 13 mars provoque une rupture dans la chaîne de transmission du virus et une spectaculaire chute de l'incidence des cas suspects à partir de la semaine du 23 mars. Cette chute va se poursuivre jusqu'au début du mois de juin avec une incidence plancher de +/- 0,25%. A partir de le fin juin et jusqu'à la fin du mois d'août, nous observons une tendance à la hausse de l'incidence des cas suspects mais cette hausse est très modeste en comparaison avec le début de la première vague. Par contre, depuis le début du mois de septembre, l'augmentation d'incidence est spectaculaire et atteint en deux semaines une incidence proche de la semaine du 16 au 23 mars, apex de la première vague. Durant les 3ème et 4ème semaines du mois, nous assistons à un recul du nombre de cas suspects, recul net mais moins brutal qu'au début du mois d'avril où le confinement avait stoppé radicalement la propagation des microbes".Le SERF analyse ensuite le second semestre de l'année 2020. Il s'aperçoit que "l'augmentation des cas suspects observée durant la première semaine de septembre s'est amplifiée spectaculairement la seconde semaine avant de reculer durant les 2 semaines suivantes et passer d'une incidence de 2,3% à 1,6% (-30%). Cette tendance s'observe aussi bien à Bruxelles qu'en Wallonie".Par région, c'est néanmoins Bruxelles qui est la plus touchée avec près de 2% fin septembre. Par tranche d'âge, ce sont désormais les jeunes les plus touchés depuis septembre. "Le groupe des <15 ans était le principal responsable de la spectaculaire augmentation des cas suspects de la première semaine de septembre. Ce sont les groupes de 15 à 44 ans qui ont alimenté l'incidence élevée des deux semaines suivantes. Par contre, tous ces groupes voient leur incidence chuter, contrairement aux 45-74 ans qui augmentent lentement."Le SERF fait également une nette différence entre cas suspects et cas avérés. La différence peut être très importante. "Nous observons que la proportion de cas avérés parmi les cas suspects, qui était très faible au début du mois de juillet [0 - 1,7%], a fortement augmenté pour atteindre près de 30% au début du mois d'août. Cela signifie que l'augmentation des cas suspects était bien due à une recrudescence de circulation du Coronavirus. Par contre, l'augmentation des cas suspects observée durant les trois premières semaines de septembre s'accompagne d'une chute nette du taux de positivité pour se stabiliser autour de 8%. Cela signifie qu'une part importante des cas suspects encodés actuellement est dû à d'autres agents pathogènes que le coronavirus. Cependant, l'augmentation des cas avérés Covid est nette depuis le début du mois de septembre (...)"Le SERF constate une corrélation de l'évolution des cas entre Sciensano et les MM. Les MM enregistrent toutefois une incidence nettement plus élevée de cas avérés. Ceci serait dû à une population à la fois plus jeune, urbaine et plus précarisée inscrite en MM. Conclusion des chercheurs: "Nous observons une augmentation des cas avérés de 110% entre le 30 août et le 20 septembre. Comme nous avons pu l'observer précédemment, la diminution des cas avérés de la dernière semaine est due, au moins partiellement, au délai d'obtention des résultats de frottis. Néanmoins, une saturation des filières de testing observée en différents endroits pourrait entraîner elle aussi un sous-diagnostic de cas positifs. Tout comme les délais de communication des résultats, liés à un dispositif trop complexe, sont susceptibles de compromettre les objectifs d'une politique de dépistage massif, telle que mise en place en Belgique."