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Les mécanismes à l'oeuvre dans la dermatite atopique (DA) ne sont pas complètement élucidés. De même, toutes ses causes ne sont pas encore identifiées. La plus fréquente est due à une mutation du gène FLG qui code la filaggrine, une protéine clé de la barrière cutanée. Cependant, seule une partie des patients - entre 20 et 50 % selon les études - présentent cette mutation. " Le FLG n'est pas le seul gène associé à la DA ", commente la Dr Anne Herman, dermatologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc. " D'autres gènes, notamment ceux qui codent des facteurs de l'inflammation, jouent aussi un rôle. C'est le cas des interleukines (IL) 4 et 13. " L'IL-4 et l'IL-13 sont des cytokines classiques de l'immunité de type 2, qui jouent un rôle important dans la cascade de l'inflammation de la DA. Cette découverte a permis des avancées dans les traitements biologiques. C'est le cas du dupilumab, un nouveau traitement de fond contre l'eczéma. " Cet anticorps monoclonal inhibe la voie de signalisation des IL-4 et 13 1, explique la Dr Herman. "La dose de charge de ce traitement sous-cutané est de deux fois 300 mg, puis 300 mg toutes les deux semaines." Le traitement améliore significativement les symptômes, dont le prurit, fort invalidant au quotidien 2. En Belgique, le dupilumab est remboursé depuis le 1er juin. Il peut être prescrit aux adultes atteints d'une forme modérée à sévère de DA, après échec d'autres traitements. Son utilisation chez les enfants et, le cas échéant, son remboursement sont en cours d'évaluation. Le remboursement du dupilumab est conditionné par un " Scoring atopic dermatitis " (SCORAD) supérieur à 50. Pour rappel, ce score est utilisé pour évaluer la gravité d'une DA. Il s'établit en cotant le degré de sévérité de cinq (ou six) signes cliniques : 1. l'érythème 2. l'oedème 3. le suintement des lésions 4. l'excoriation (due au grattage) 5. la lichénification (épaississement de la peau en plaques rosâtres et striés, causé par le grattage chronique) 6. la sècheresse de la peau en général. " Le SCORAD est très utile, tant pour le diagnostic que pour le suivi de la DA dans le temps ", commente la Dr Herman. " Malheureusement, bien qu'obligatoire pour la prescription du dupilumab en Belgique, il est insuffisamment utilisé par les médecins, y compris les dermatologues. " Cette situation pourrait toutefois changer, grâce notamment aux patients. À l'origine, le SCORAD se présente comme une fiche que le médecin peut remplir à chaque consultation 3. Depuis, il a également servi de base à PO-SCORAD, une appli de suivi de la DA, destinée aux patients ou à leurs parents. " Cette application s'intègre parfaitement dans le programme d'éducation thérapeutique des patients ", explique la Dr Herman. " Environ un tiers de mes patients l'utilisent. Elle leur permet d'être acteurs de leur pathologie et favorise l'adhésion thérapeutique. Pour le médecin, cet outil permet d'adapter le traitement à l'évolution réelle de la maladie. En effet, certains patients en ont une vision erronée, car ils se focalisent sur l'une ou l'autre zone où surviennent des poussées, par exemple le visage. Ils ne tiennent pas (assez) compte des autres zones et/ou des autres signes cliniques. Ils peuvent avoir l'impression que leur DA s'aggrave ou, au contraire, s'améliore, alors que ce n'est pas le cas ! L'utilisation régulière de l'application permet d'objectiver les données et de suivre l'évolution des poussées. " La version la plus récente de PO-SCORAD intègre plusieurs phototypes. Une évolution plus que nécessaire dans notre société multiculturelle, où tous les médecins n'ont pas été formés à reconnaitre les manifestations cliniques d'une maladie dermatologique sur une peau non blanche. " La DA n'est pourtant pas la plus complexe à diagnostiquer ", explique la Dr Herman. " Certes, l'érythème se voit moins sur une peau noire et la lichénification y est plus grisâtre que rosâtre. Mais les autres paramètres - sécheresse cutanée, zone d'excoriations, prurit, antécédents familiaux, etc. - sont présents. "En revanche, le phototype peut orienter le choix du traitement. " En général, nous prescrivons des corticoïdes locaux pour traiter les poussées d'eczéma. Mais, ils peuvent être dépigmentants sur les peaux à phototypes foncés. D'ailleurs, certaines personnes en utilisent pour éclaircir leur peau - ce qui, bien sûr, n'est pas recommandé ! Afin d'éviter des dépigmentations localisées, le tacrolimus et le pimécrolimus4 sont de bonnes alternatives. Ces inhibiteurs de la calcineurine exercent une action anti-inflammatoire proche de celles des dermocorticoïdes. " Une peau atopique le sera toujours et l'adhésion thérapeutique est essentielle. D'où l'importance d'opter pour les traitements les mieux tolérés, physiquement et psychologiquement.