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D e quelle qualité humaine est-il question? Par nature, les relations de savoirs et de pouvoirs sont asymétriques, chacun se trouvant tantôt d'un côté ou de l'autre de la barrière séparant le vrai du faux, le légitime de l'illégitime. Savoirs et pouvoirs s'épaulent ou se contrecarrent selon qu'ils osent ou n'osent pas discuter de leurs limites respectives. Pour cette raison, à côté des qualités spécifiques requises selon les rôles et les métiers, une qualité essentielle devrait être mise en exergue à travers toute la société, en particulier à travers le système des soins de santé: la confiance attentive.La confiance attentive en situation réelle.-Les malades face aux médecins. C'est le paradigme de la position de faiblesse dans les rapports de savoirs et de pouvoirs. Faiblesse physique et manque de connaissance mettent d'abord en situation de confiance obligatoire. Mais hors urgence, la confiance attentive peut prendre le relais grâce à la liberté. Liberté de choix, liberté de questionner, liberté de décider, liberté de demander d'autres avis... Certes, la liberté ne résout pas tout, mais le libre choix du médecin, de l'hôpital, de la mutuelle ou de l'assureur permet au moins de construire la confiance à partir d'une position de faiblesse. En Belgique, par bonheur, le cadre légal continue à préserver cette liberté. Pour construire la confiance, les caractères jouent plus que les titres ou la position sociale. Certains malades le démontrent avec délicatesse ou brusquerie. La notion d'empowerment du patient a de beaux jours devant elle vu l'évolution des pathologies et de l'informatique. Pourvu qu'elle ne soit pas dénaturée par les bureaucraties déjà prêtes à s'en emparer. Car elles n'auront de cesse de prendre la place des médecins en matière de santé. Les dispositifs médicaux connectés sont en train de révolutionner l'art de guérir et de soigner. Arythmies, pression artérielle ou glycémie enregistrées à domicile le montrent déjà. Les médecins et les soignants ont là une formidable occasion de booster la confiance. En s'intéressant à ces innovations et en expliquant l'intérêt de leur suivi médical par exemple. Cette attitude appartient au savoir-faire et savoir-être mentionnés dans l'article 3 du code de déontologie médicale. -Les médecins hospitaliers face aux gestionnaires.Voilà une situation typique où les protagonistes même les plus soucieux de se faire confiance entre eux se perdent dans les dédales des règlementations. La grande diversité du climat relationnel entre médecins et gestionnaires selon les institutions et les régions veut dire que même à ce niveau hyperréglementé, la confiance attentive joue un grand rôle, fort exigeant pour les conseils médicaux et les syndicats. Puisqu'il s'agit souvent de gros sous, nous y reviendrons dans le prochain article consacré à la qualité financière des soins de santé. -Les médecins face aux mutuelles.Du point de vue médical, il vaudrait parler plutôt de méfiance attentive. Maîtresses des finances, maîtresses des données, présentes à tous les niveaux, les mutuelles qui ont tant voulu jouer les contre-pouvoirs vis-à-vis des médecins ont aujourd'hui vraiment besoin de contre-pouvoirs. Présentes dans toutes les commissions du système avec des professionnels de la négociation, elles ont plus de temps et d'argent que les médecins pour connaître et influencer les dossiers. Construire une confiance attentive avec elles représente un fameux défi pour les syndicats médicaux. -Les médecins face aux politiques.Le paradigme du choc des savoirs et des pouvoirs: le pôle individuel face au pôle collectif. Quelle confiance attentive les médecins peuvent-ils espérer construire avec les ministres? Obtenir d'eux la même qualité humaine qu'ils prétendent exiger des médecins au nom de belles idées comme l'audit, la qualité des soins, les droits des patients ou la viabilité financière de l'assurance maladie-invalidité.