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Les opinions - d'ailleurs plausibles - de la plupart des experts convergent vers la certitude que le Sars-CoV-2 ne sera jamais complètement éradiqué. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter un oeil aux quatre coins de la planète. Dans une enquête lancée en janvier par le magazine Nature auprès de plus de 100 immunologues et infectiologues, 90% ont répondu que le virus deviendrait probablement endémique. La terme "endémique" renvoie à la situation où la maladie circule de manière constante dans une région, à un rythme assez lent, sans influence de l'importation de l'infection. Qu'est-ce que cela signifie dans le cas concret du Sars-CoV-2? Difficile de le savoir, tant les inconnues sont encore trop nombreuses. Les spécialistes les plus optimistes (un peu plus d'un tiers) interrogés dans l'enquête de Nature estimaient que certaines régions du monde seraient à terme libérées du Covid-19 grâce à une immunité suffisante de la population. Il semble clair aujourd'hui que nous ne pourrons pas atteindre un taux suffisant d'immunisation via la seule infection naturelle. La question se pose de savoir si le vaccin préviendra la transmission de la maladie, une condition sine qua non pour libérer une région. Toutefois, même si le vaccin freinait la transmission, les régions sans Covid-19 ne seraient pas encore complètement tirées d'affaire. Certains recoins du monde seront toujours au coeur de la tourmente, avec un nombre insuffisant de personnes vaccinées. Le risque subsistera que des voyageurs en provenance de ces régions ne ramènent le virus et contaminent à nouveau des personnes à risque. Celles-ci existeront toujours, même au sein d'une communauté à la vaccination optimale. Tout le monde ne développe en effet pas une réponse suffisante au vaccin, même si une bonne couverture vaccinale permettrait, à tout le moins, d'éteindre rapidement ces foyers restreints. Dans cette perspective, nous aboutirions à une situation similaire à celle qui est liée aujourd'hui au vaccin contre la rougeole. Celui-ci entrave la transmission du virus et a permis l'élimination de la maladie chez nous. Ce qui ne nous empêche pas d'être régulièrement confrontés à des foyers sporadiques dus à une importation de l'infection et à la contamination de personnes à risque. Dans le cas du Covid-19, on craint en plus que le virus ne contamine des animaux sauvages et crée donc un réservoir animal qui pourrait, à son tour, recontaminer l'être humain. Imaginons maintenant que le vaccin n'influe aucunement sur la transmission et que le virus continue de circuler. Dans ce cas, il nous est malgré tout permis de chercher de l'espoir du côté d'autres prédictions encourageantes. Selon certaines hypothèses, le Sars-CoV-2 se comportera à terme comme les coronavirus provoquant de banales infections des voies respiratoires supérieures. Ce scénario recoupe plus ou moins le concept d'un comportement endémique de la maladie, encore que les coronavirus banals sévissent davantage au plus profond de l'hiver qu'en été, vraisemblablement du fait d'une sensibilité intrinsèque aux conditions météorologiques. Quatre coronavirus banals circulent chez nous. Trois d'entre eux au moins sont vraisemblablement présents depuis des centaines d'années chez l'homme. La plupart du temps, ils ne provoquent aucun symptôme grave, grâce à l'immunité présente dans la population. L'immunité baisse toutefois assez rapidement après une infection, mais une protection partielle nous préserve de nouvelles attaques virales. Des chercheurs américains ont élaboré un modèle dont il ressort que la plupart des enfants ont déjà été en contact avec des coronavirus banals avant l'âge de six ans. Même la première infection n'est généralement pas grave. C'est aussi ce qu'on observe avec le Sars-CoV-2. Notre système immunitaire n'est pas seul dans la lutte contre le Covid-19 ; le vaccin est là pour l'épauler. De quoi parvenir plus vite à une situation endémique. Pour l'instant, nous ne savons pas à quelle fréquence nous devrons nous revacciner. Cela dépendra de la baisse de notre immunité. Les variants suscitent par ailleurs quelques inquiétudes, car ceux-ci pourraient s'avérer insensibles aux vaccins comme à notre immunité naturelle. Plus de 70% des chercheurs ayant participé à l'enquête de Nature pensent que les stratégies d'évitement du virus face à l'immunité détermineront la persistance de sa circulation. La bonne nouvelle, c'est qu'on sait aujourd'hui que le Sars-CoV-2 n'évolue pas aussi vite que le virus de la grippe. Peut-être ne devrons-nous donc pas renouveler notre vaccin tous les ans...