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Petit-fils de Zigmunt Bauman, grand sociologue juif polonais, fils de dissident, Michael Sfard est un avocat israélien impliqué dans la défense des droits des Palestiniens. Son livre, Le mur et la porte, est le récit de cinquante années d'occupations de la Cisjordanie au travers des cas et procès précis, des décisions de justice prises par la Haute Cour israélienne ou les tribunaux militaires, et des actions entreprises par les avocats arabes ou juifs israéliens pour défendre les droits fondamentaux des accusés, droits souvent bafoués. De la déportation à l'occupation en passant par la torture ou la destruction de maisons, il dresse un constat sidérant: celui d'un état de droit démocratique pour une partie des citoyens juifs d'Israël, celui de son bon droit face à une population qui n'a que le statut de résidents (même s'ils sont là depuis des générations) dans la région de Judée-Samarie, selon l'appellation israélienne. Bien sûr, des attaques et attentats sont à l'origine de décisions sécuritaires et de défense, mais comme le démontre Michael Sfard, documents à l'appui, ce n'est souvent qu'un prétexte pour, à coups de déplacements, de démolitions et d' "implantations", de conquérir le reste du Grand Israël. D'une très grande honnêteté, l'avocat est conscient qu'en défendant, avec quelques confrères eux aussi juifs israéliens, ainsi les Palestiniens, il sert l'image de son pays à l'étranger, dans ce qu'il appelle une mise en scène de justice, avec il est vrai parfois de petites victoires temporaires, mais au final avec une inexorable "violation" - ce sont ses propres termes, des droits fondamentaux d'une population autochtone vivant dans un territoire occupé, privée de ses cultures ancestrales notamment par la mise en place de toute une série de contraintes administratives: aux contraires des colons, libres d'aller ou bon leur semble. L'auteur se permet de parler d'apartheid à propos de son pays, il en a le droit puisqu'il est juif et, même s'il sera taxé par la majorité de ses compatriotes de mauvais Israélien: " Israël n'a pas seulement créé une occupation qui dure depuis des générations, mais aussi un régime qui voit un groupe opprimer et discriminer l'autre dans le seul et unique but de préserver sa mainmise et sa suprématie. Tel est le coeur même de la définition juridique de l'apartheid, lequel est un crime international." Mais, comme à l'époque de l'apartheid sud-africain, on observe également une résistance de la part d'une infime minorité active au sein de la société israélienne qui, de façon remarquable, désintéressée, par souci tout simplement d'humanité au sens large, prend la défense d'une population d'abord opprimée avant d'être "ennemie". Des personnes d'exception... dans tous les sens du terme.