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La 4e édition des Journées de l'architecture en santé à Menton, du 17 au 19 octobre, a été l'occasion de réunir tous les acteurs concernés par l'évolution architecturale et organisationnelle des institutions de soins: architectes, paysagistes, professionnels de la santé, ingénieurs, urbanistes, programmistes en soins de santé, industriels en équipement de santé, gestionnaires, sociologues...Trois journées intenses au cours desquelles le monde conjoint 'santé et architecture' s'est retrouvé pour échanger réflexions et expériences en vue de concevoir au mieux l'hôpital de demain. Cette édition fut particulièrement intéressante, car après ces années de pandémie et avec la crise énergétique que nous traversons, les enjeux sont différents. Nous avançons dans un monde fait d'incertitudes qui poussent les acteurs à revoir leurs idées, à anticiper, à laisser une place prépondérante à la faculté d'adaptation. Ces éléments ont tout leur sens sur le plan humain, mais également sur le plan architectural où le challenge est de combiner la bienveillance envers les patients et les soignants avec l'économie d'énergie qui s'impose et la technologie qui évolue à la vitesse de l'éclair. Le souci permanent d'améliorer le confort non seulement des patients et des visiteurs, mais aussi des travailleurs et particulièrement des soignants, a été souligné dans de nombreux exposés. Lumière naturelle, colorimétrie, agencement des services, espaces verts, douceur et bienveillance sont devenus les vecteurs essentiels des nouveaux projets. Sans oublier les leçons tirées des impacts épidémiologiques, l'adaptation du modèle au monde connecté où l'intelligence artificielle bouscule nos fonctionnements, et l'empreinte carbone à réduire au maximum. Nous ne sommes donc plus tout à fait libres de dessiner des hôpitaux comme dans des contes de fée, mais la seule façon de le faire est de réunir tous les experts qui chacun par sa spécificité apportera sa pierre à l'édifice. C'est ensemble qu'ils parviendront à construire l'hôpital du futur avec pour principal objectif l'efficience et la réponse aux attentes de la population. Fabrice Brunet, PDG du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (Chum), a réussi à capter l'attention des participants au congrès par la façon dont il a décrit cette course contre la montre entre les aspects esthétiques et fonctionnels, l'environnement et le bien-être et l'adaptabilité au monde connecté. Le premier centre de formation en intelligence artificielle (IA) appliquée à la santé a été ouvert au sein même de ce campus. Il compte 4.700 étudiants et 17.000 abonnés à travers le monde. Le Chum poursuit plusieurs objectifs spécifiques: la recherche et l'innovation ; la promotion de la santé, la nouvelle façon de concevoir une plate-forme internationale d'innovation en santé et le système de santé intégré dans le métavers. L'IA fait partie intégrante de la stratégie du Chum en matière d'innovation et de développement. Ses responsables sont convaincus de l'importance de cet outil afin d'améliorer la prise de décision médicale et donc la prise en charge du patient dans sa trajectoire de vie. "Le Chum a été nommé hôpital intelligent parce qu'en estimant qu'on n'est pas suffisamment intelligent, on y a implanté de l'intelligence artificielle. Actuellement le Chum est piloté quasiment à 10% par l'intelligence humaineaugmentée, ce qui nous permet d'optimiser nos ressources humaines, qui sont par ailleurs un problème, comme vous le savez, dans tous les secteurs", explique Fabrice Brunet. L'IA additionnée à l'intelligence humaine leur permet de résoudre tous les problèmes dans une vision d'intelligence augmentée. Quelques exemples ont été présentés, comme la rédaction d'appels d'offres ou encore les véhicules autoguidés. "On n'a rien inventé excepté que dans notre cas, l'établissement est tellement énorme qu'il a fallu former nos brancardiers. Durant les trois premiers mois, la formation n'ayant pas suffi et nos ingénieurs, même ceux de niveau international, n'étant pas à la hauteur, nos robots n'arrivaient pas à trouver les ascenseurs, cognaient les murs et se tamponnaient les uns avec les autres. L'innovation c'est bien, mais l'expérimenter avant de l'appliquer c'est mieux. Cela évite d'être la risée de la presse", ajoute, avec humour, le PDG du chum. Cet hôpital a opté également pour un centre d'intégration d'analyse de données non pas sous forme de blockchains mais sous forme d'un très grand "lac de données" (data lake), une méthode de stockage des big data, regroupant quatre millions de patients. Ce serait le meilleur système pour renforcer la cybersécurité. La télésanté occupe également une place importante dans cet hôpital situé dans une grande métropole d'un vaste pays. Ce système permet de surveiller le patient à distance, qu'il soit à domicile ou hospitalisé dans un autre hôpital. Combiner télésanté et intelligence artificielle évite le déplacement inutile des patients. Cela renforce également la collaboration et les échanges d'expertises à travers le monde. Enfin, venons-en au métavers, évoqué par Fabrice Brunet. Le métavers est un concept d'univers 3D persistant, en ligne et combinant plusieurs espaces virtuels différents. Il permettra aux utilisateurs de travailler, de se rencontrer, de jouer et de socialiser ensemble dans des espaces 3D. Comment l'appliquer au monde hospitalier? Le PDG du Chum souligne juste qu'il faut déjà y penser. À la fin de son exposé, Fabrice Brunet est revenu dans la réalité en précisant lui-même: "À travers ces propos très "robotisés", on pourrait presque oublier de s'intéresser au patient lui-même, mais c'est tout à fait l'inverse. L'hôpital met tout en oeuvre pour proposer un environnement le plus humain et le plus bienveillant possible, avec comme élément essentiel l'apport d'un maximum de lumière naturelle.Notre vision est également d'arriver à un espace vert zéro carbone en 2040." Cette conclusion rassure. Elle rejoint l'ensemble des présentations données durant ces trois journées, que nous pouvons résumer par ces mots: adaptabilité, efficience, environnement et bienveillance.