Les soins axés sur les objectifs sont un beau concept, mais il ne faut pas s'arrêter aux belles paroles. Le concept doit être mis en pratique. Le Pr Dominique Van de Velde, ergothérapeute attaché à l'Université de Gand, et Roos Andries, coordinatrice au Collège intermutualiste flamand, expliquent comment les soins axés sur les objectifs peuvent être appliqués aujourd'hui et à l'avenir.
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En bref, les soins axés sur les objectifs signifient que l'aide est déterminée sur la base des objectifs de vie de la personne qui a besoin de soins et d'aide. Cependant, la mise en pratique d'un nouveau concept n'est pas toujours facile. "Nous savons par expérience et grâce à la recherche scientifique qu'il faut en moyenne 17 ans pour qu'un concept développé par des universitaires soit effectivement mis en oeuvre", explique Dominique Van de Velde. "Cela semble extrême et c'est aussi extrêmement long. Mais il y a plusieurs raisons à cela. Il s'agit d'une intervention complexe, qui doit s'intégrer dans un système de soins complexe."Selon le Pr Van de Velde, si l'on veut mettre en pratique avec succès des soins axés sur les objectifs, il est primordial que tout le monde regarde dans la même direction. "Non seulement le patient et le médecin, mais aussi tous ceux qui l'entourent, comme l'aidant proche, l'ergothérapeute, le travailleur social, l'aide familiale, l'infirmier et le kinésithérapeute. Les autorités doivent également être sur la même longueur d'onde". Par 'autorités', Dominique Van de Velde entend tant les autorités fédérales, flamandes que locales. La multitude de prestataires de soins impliqués et les différents niveaux politiques rendent difficile la mise en oeuvre d'une matière aussi complexe que les soins axés sur les objectifs. Grâce aux recherches préliminaires menées par différents groupes de recherche, des scientifiques comme Dominique Van de Velde ont une idée assez précise de la manière dont ils souhaitent que les soins axés sur les objectifs pénètrent dans la société. "Les valeurs vécues par les patients sont au centre des soins axés sur les objectifs. Elles constituent la base sur laquelle nous formulons des objectifs de vie qui sont convertis en objectifs de soins. Nous déterminons ensuite les tâches que chaque maillon de la chaîne de soins doit assumer et les ressources nécessaires pour y parvenir. Comme nous disposons de ces connaissances, nous savons parfaitement ce qui doit être mis en oeuvre. Cependant, ce n'est pas parce que les connaissances existent qu'elles sont immédiatement diffusées dans tout le pays. La prochaine tâche consiste à commercialiser les connaissances dont nous disposons."La recherche sur la mise en oeuvre montre qu'il est très important d'associer l'ensemble du groupe cible au processus. "Les adoptants précoces s'y mettent rapidement, suivis par les convaincus et enfin par les retardataires, selon une courbe de Gauss. En gardant ces données à l'esprit, nous avons commencé à réfléchir à la manière de réduire le plus possible la durée du projet. Études et recherches à l'appui, nous avons réussi à convaincre le gouvernement d'adhérer au projet. Le gouvernement reconnaît que l'association linéaire d'un patient avec une maladie et une intervention liée ne fonctionne plus. Les maladies chroniques et la multimorbidité les remplacent et nécessitent une intervention complexe ou des soins axés sur les objectifs."En soutenant le projet, le gouvernement avance en partie dans l'inconnu. "En effet, les preuves de l'efficacité des soins axés sur les objectifs sont encore limitées. Il est actuellement difficile d'estimer et de prouver que les soins axés sur les objectifs permettront de réaliser des économies", admet Dominique Van de Velde. Il observe à cet égard une différence entre la Belgique et les Pays-Bas. "En Belgique, nous demandons d'abord des preuves, alors que les Néerlandais essaient et voient ensuite quels sont les effets. Pour eux, c'est à l'usage que l'on peut juger de l'efficacité des soins. La mise en oeuvre des soins axés sur les objectifs se trouve donc à un point de bascule dans notre pays. Nous ne disposons pas encore de beaucoup d'éléments probants, mais nous voulons tout de même les mettre en oeuvre et nous verrons ensuite s'ils sont rentables."Si le rapport coût-efficacité des soins axés sur les objectifs est incertain, ce qui est sûr, c'est que la qualité du processus de soins s'améliore et que la satisfaction du patient augmente. "Si le prestataire de soins connaît l'histoire de vie du patient, il est assez facile de dresser la liste des objectifs et des tâches de soins qui en découlent. Un exemple: pour un patient atteint de la maladie de Parkinson, il est important d'affiner la médication pour réduire les tremblements. Il s'agit d'un objectif d'un point de vue médical. Mais pour le patient, il est peut-être plus important de pouvoir aller chercher ses petits-enfants à l'école aisément le mercredi. Si vous le savez en tant que médecin, vous pourrez plus facilement déterminer le plan de traitement ou, en tant que kinésithérapeute, choisir un entraînement musculaire particulier. Vous devez connaître l'objectif ultime du patient."Le fait que l'on n'ait actuellement aucune idée du rapport coût-efficacité n'est pas surprenant en soi. "Pour les interventions complexes, il est difficile de le déterminer", poursuit le Pr Van de Velde. "Il y a tellement de variables que nous ne pourrons jamais le découvrir avec des études classiques randomisées. Pour connaître le rapport coût-efficacité, nous devons envisager d'autres méthodologies. Nous pensons ici à des méthodes qui se concentrent davantage sur le contexte de l'individu et sur les mécanismes qui fonctionnent pour qui et dans quelle situation."Connaître les effets des soins axés sur les objectifs nécessite une recherche à grande échelle. "Mais pour cela, il faut bien sûr disposer de capacités et d'un nombre suffisant de personnes connaissant les soins axés sur les objectifs. Bien que de nombreuses personnes aient déjà été formées, ce n'est pas suffisant pour l'instant. Nous aimerions que les soins axés sur les objectifs soient inclus dans les cours de médecine, de sciences de la santé et pour les professions sociales, ce qui n'est pas le cas actuellement. Familiariser la nouvelle génération avec les soins axés sur les objectifs prend du temps."Pour que la mise en oeuvre réussisse, les aspects à la fois normatifs et fonctionnels doivent être corrects. L'aspect normatif signifie que les premiers utilisateurs sont satisfaits aux niveaux micro, méso et macro. Au niveau fonctionnel, l'image doit être correcte. Si le dossier médical informatisé ne fournit pas d'outils, il n'a aucune chance que cela fonctionne. "Le gouvernement a franchi des étapes importantes dans le processus avec la mise en oeuvre d'Alivia. Deux projets pilotes ont été menés à bien et les résultats de l'étude sont en cours d'analyse. À partir d'un certain nombre de patients, l'ensemble du système de soins a été cartographié et la manière dont Alivia facilite les soins axés sur les objectifs a été examinée. Les prestataires de soins participants ont été formés, entre autres, à formuler des objectifs de vie et à les transformer en objectifs de soins. Parfois, c'est l'inverse qui se produit: les objectifs de soins sont très clairs, mais les objectifs de vie n'ont jamais été formulés. En effet, il ne s'agit pas d'un processus linéaire."Le groupe de recherche a considéré les projets pilotes comme une étude ethnographique. "Nous avons regardé les patients et les prestataires de soins par-dessus leur épaule, comme une ombre. De cette manière, on remarque immédiatement les blocages, les mécanismes qui font que les choses se passent bien dans un cas (patient et équipe) et pas dans l'autre. Les observations nous ont déjà appris qu'une équipe de soins se forme automatiquement autour du patient, une équipe de soins qui est différente pour chaque patient. Il est important de travailler avec cette équipe de soins de manière interdisciplinaire, car l'un des prestataires de soins connaît peut-être les objectifs de vie du patient. Ceux-ci peuvent alors être immédiatement transmis aux autres soignants. Les objectifs de vie, les objectifs de soins, les tâches et les ressources peuvent être saisis sur Alivia afin que tous les prestataires de soins en aient une vision immédiate. Alivia facilite la communication entre les différents intervenants de soins et du bien-être."Idéalement, la coordination des soins se fait avec le patient. Bien entendu, cela n'est pas toujours possible et dépend des capacités cognitives du patient. Une deuxième option consiste à confier la coordination à l'aidant proche. L'autonomie du patient dans le choix du coordinateur est très importante. Le patient a également accès à Alivia 2.0. Après tout, c'est lui qui est au centre du projet et qui en est le 'propriétaire'. "Cela signifie que le patient doit également être guidé. Il doit apprendre à dire ce qui est important pour lui dans la vie et ne pas se limiter aux problèmes purement médicaux auxquels il est confronté. Dites-nous ce qui a du sens dans votre vie. De son côté, le soignant doit être ouvert à ce que le patient a à dire. Alivia peut certainement être un catalyseur pour la mise en oeuvre de soins axés sur les objectifs."Pour clarifier la différence entre les objectifs de vie et les objectifs de soins, Dominique Van de Velde propose deux acronymes: 'clever' pour les objectifs de vie et 'smart' pour les objectifs de soins. Ces acronymes signifient respectivement en néerlandais: "contexte, histoire de vie, engagement (du patient), valeurs fermes, émotions et pertinence" (clever) et "spécifique, mesurable, attrayant, réaliste et limité dans le temps" (smart). Les services sociaux des mutualités constituent un exemple d'ancrage des soins axés sur les objectifs. "Ils fournissent une assistance aux patients et aux aidants proches à domicile et les soutiennent dans des situations complexes de soins à domicile. Cette attention particulière à la capacité des aidants proches est importante pour que ces derniers puissent maintenir les soins sur la durée", explique Roos Andries. "Les travailleurs sociaux coordonnent des soins sur mesure, holistiques et intégrés. Parfois, sur la base de données, la mutualité prend l'initiative d'approcher de manière proactive une personne en situation précaire. Parfois, l'initiative vient d'une personne qui a une question très spécifique, par exemple sur la demande d'une carte de stationnement. Le travailleur social tente alors d'ouvrir la situation afin de permettre une approche globale. Les informations et les conseils sont donnés sur mesure et au rythme du patient.""Les situations de soins complexes et précaires font souvent l'objet d'un accompagnement à long terme. Lorsque la situation s'aggrave, un changement rapide est nécessaire", poursuit Roos Andries. "Les assistants sociaux coordonnent et organisent également des consultations multidisciplinaires afin d'obtenir des soins optimaux. Les soins axés sur les objectifs sont étroitement liés à l'ADN des services sociaux. Notre objectif est que cela devienne un automatisme pour chaque travailleur social.""Grâce aux expériences positives de la formation interprofessionnelle 2020 de Vivel, nos représentants ont vu les possibilités qu'offrent les soins axés sur les objectifs, tant pour nos clients que pour nos soignants. Nous partons encore trop souvent des objectifs de soins du patient, alors que dans les soins axés sur les objectifs, nous partons des objectifs de vie. Que veut le patient? Quels sont ses besoins? Qu'est-ce qu'il considère comme important? Les objectifs de vie du patient sont la boussole de la prestation de soins. C'est pourquoi nous commençons par un processus qualitatif de clarification de la question et de cartographie des objectifs de vie. Nous essayons ensuite de définir ensemble des objectifs de soins sur mesure en fonction de l'objectif de vie et pour soutenir la situation de soins. Les développements politiques tels qu'Alivia et Belrai garantissent que les soins axés sur les objectifs ne restent pas un discours théorique, mais nous permettent de nous concentrer sur les objectifs de vie des gens par le biais d'expériences pratiques. Les soins axés sur les objectifs impliquent de passer de soins axés sur l'offre à des soins axés sur la demande, de la maladie à une approche positive de la santé. C'est ainsi que l'on maximise la qualité de vie des gens et que l'on oeuvre ensemble à des soins intégrés", conclut Roos Andries.