Le journal du Médecin: Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet?

Dr Sarah Cumps: L'idée a commencé à germer fin 2020, en pleine deuxième vague de covid. Nous étions noyés sous une demande de certificats médicaux pour tous les patients positifs. Sans oublier que de nombreux employeurs ont exigé des certificats de levée d'isolement après sept jours. Ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase: on n'arrivait pas à voir tous les malades, si en plus de cela il fallait voir tous les guéris, on n'allait pas s'en sortir. Peut-être était-ce parce que nous avions le nez dans le guidon qu'à un moment nous nous sommes arrêtés pour nous demander si tout cela avait un sens.

Sarah Cumps: "Le motif administratif ne peut jamais être le seul motif d'une visite médicale. Cela n'a pas de sens.

En Flandre, Jong Domus a pris les choses en main et a contacté la SSMJ. Cela a vraiment été un travail collectif. Nous avons réfléchi ensemble et constaté qu'un tas de demandes n'avaient aucun sens. Nous avons par la suite répertorié tous les certificats, attestations, et demandes en tout genre qui aboutissent en médecine générale pour constater à quel point une grande partie de ce que l'on rédigeait était redondant, absurde ou ne reposait sur aucune base scientifique. Cela représentait une perte de temps monstre.

Les jeunes médecins sont à l'initiative.

Ce n'est pas une coïncidence si l'action a démarré chez les jeunes médecins généralistes. Quand on commence, on est plein d'idéalisme, on a envie de soigner des gens. On choisit la médecine générale par amour de la relation humaine avec le patient. Et, certains jours, c'est la désillusion, faute à cette surcharge administrative qui pèse au quotidien.

Qu'est-ce qui explique le décalage entre l'initiative flamande et l'initiative francophone?

Simplement la logistique. Nous avions commencé ensemble, SSMJ et Jong Domus. Nous étions en comité assez restreint au sein de la SSMJ et nous avons été occupés sur un autre projet. Nous les avons rejoints par la suite.

Ce qui a été chouette, c'est que cela a coïncidé avec l'intérêt des autres associations, dont le GBO qui a interpellé le Collège de médecine générale (CMG) à ce sujet. On s'est rendu compte que la SSMJ n'était pas la seule à constater ce problème, que du contraire. Tout le monde partageait la même opinion au sujet de cette problématique: les différentes associations de médecins généralistes, les cercles, les syndicats médicaux et mêmes les universités. Cela a donné l'impulsion nécessaire pour lancer le projet de manière collégiale.

La SSMG par exemple a été très enthousiaste par rapport à ce projet et a déjà commandé 500 cachets à distribuer à tous les membres en soutien total à la campagne.

Cela transcrit quoi comme état d'esprit?

C'est le signe qu'il y a une frustration commune. Cela pèse sur le métier par différents aspects: la perte de temps, le manque de fondement scientifique, la perte de valorisation de l'expertise de médecin généraliste. Ce n'est pas la base de notre métier.

Quelle est la suite de l'action "Crocodile bleu"?

Le but de notre campagne est un appel au bon sens qui s'adresse aussi bien aux écoles, qu'aux associations sportives, aux assurances, aux gouvernements, aux patients...Bref à la société en général. Qu'est-ce qu'on attend d'un médecin généraliste? Est-ce que l'on veut vraiment le distraire de sa mission de soin avec des formalités administratives qui médicalement n'amènent rien?

Est-ce que vous avez quantifié le temps que prennent ces formalités?

Non. Mais si vous allez voir sur le site www.certificats-absurdes.be, on énumère tous les certificats qui font question. Et la liste est longue.

Est-ce que vous avez personnellement eu à rédiger des certificats vraiment absurdes?

Oui. J'ai eu une demande de certificat médical pour une troupe de théâtre amateur. Je ne connais pas les contre-indications à faire du théâtre...

De la part d'une école, j'ai eu une demande pour une jeune fille qui faisait des cystites à répétition. Je lui répétais d'aller uriner souvent. Elle me répondait qu'à l'école, les toilettes étaient fermées. J'ai dû rédiger un certificat médical indiquant que, quand elle avait besoin de faire pipi, elle était autorisée à aller aux toilettes. Un exemple qui est arrivé à plusieurs collègues par ailleurs.

J'ai également eu le cas de parents qui voulaient un certificat pour leur enfant qui allait à la crèche et qui faisait une crise de colère à chaque fois qu'on lui proposait une banane. J'ai bien sûr envie d'aider, mais cela n'est pas médical.

C'est sidérant.

Effectivement. J'ai l'impression que tout le monde essaye de se surprotéger et se sert de l'autorité médicale. Le mot du médecin est une espèce d'autorité suprême que l'on ne peut contredire. On se tourne donc vers le médecin pour des tas de choses qui n'ont donc pas de sens médical.

Il y a malgré tout du progrès avec les certificats médicaux d'un jour qui ne sont plus obligatoires.

Est-ce que vous réfléchissez à des solutions, outre cette initiative?

Le premier but du "Crocodile bleu" est un appel au bon sens à la société. À côté de cela, on sait que le ministre Vandenbroucke est conscient du problème et qu'il planche sur les certificats qui ont une base légale et qui peuvent être modifiés. À côté de ça, personnellement, j'aimerais bien travailler avec l'ONE ou les médecins scolaires pour voir ce que l'on peut mettre en place pour améliorer les choses. Nous avons des pistes d'acteurs à contacter pour ouvrir les discussions. Le message à faire passer: il faut refaire confiance aux gens.

Le journal du Médecin: Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet?Dr Sarah Cumps: L'idée a commencé à germer fin 2020, en pleine deuxième vague de covid. Nous étions noyés sous une demande de certificats médicaux pour tous les patients positifs. Sans oublier que de nombreux employeurs ont exigé des certificats de levée d'isolement après sept jours. Ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase: on n'arrivait pas à voir tous les malades, si en plus de cela il fallait voir tous les guéris, on n'allait pas s'en sortir. Peut-être était-ce parce que nous avions le nez dans le guidon qu'à un moment nous nous sommes arrêtés pour nous demander si tout cela avait un sens. En Flandre, Jong Domus a pris les choses en main et a contacté la SSMJ. Cela a vraiment été un travail collectif. Nous avons réfléchi ensemble et constaté qu'un tas de demandes n'avaient aucun sens. Nous avons par la suite répertorié tous les certificats, attestations, et demandes en tout genre qui aboutissent en médecine générale pour constater à quel point une grande partie de ce que l'on rédigeait était redondant, absurde ou ne reposait sur aucune base scientifique. Cela représentait une perte de temps monstre. Les jeunes médecins sont à l'initiative. Ce n'est pas une coïncidence si l'action a démarré chez les jeunes médecins généralistes. Quand on commence, on est plein d'idéalisme, on a envie de soigner des gens. On choisit la médecine générale par amour de la relation humaine avec le patient. Et, certains jours, c'est la désillusion, faute à cette surcharge administrative qui pèse au quotidien. Qu'est-ce qui explique le décalage entre l'initiative flamande et l'initiative francophone? Simplement la logistique. Nous avions commencé ensemble, SSMJ et Jong Domus. Nous étions en comité assez restreint au sein de la SSMJ et nous avons été occupés sur un autre projet. Nous les avons rejoints par la suite. Ce qui a été chouette, c'est que cela a coïncidé avec l'intérêt des autres associations, dont le GBO qui a interpellé le Collège de médecine générale (CMG) à ce sujet. On s'est rendu compte que la SSMJ n'était pas la seule à constater ce problème, que du contraire. Tout le monde partageait la même opinion au sujet de cette problématique: les différentes associations de médecins généralistes, les cercles, les syndicats médicaux et mêmes les universités. Cela a donné l'impulsion nécessaire pour lancer le projet de manière collégiale. La SSMG par exemple a été très enthousiaste par rapport à ce projet et a déjà commandé 500 cachets à distribuer à tous les membres en soutien total à la campagne. Cela transcrit quoi comme état d'esprit? C'est le signe qu'il y a une frustration commune. Cela pèse sur le métier par différents aspects: la perte de temps, le manque de fondement scientifique, la perte de valorisation de l'expertise de médecin généraliste. Ce n'est pas la base de notre métier. Quelle est la suite de l'action "Crocodile bleu"? Le but de notre campagne est un appel au bon sens qui s'adresse aussi bien aux écoles, qu'aux associations sportives, aux assurances, aux gouvernements, aux patients...Bref à la société en général. Qu'est-ce qu'on attend d'un médecin généraliste? Est-ce que l'on veut vraiment le distraire de sa mission de soin avec des formalités administratives qui médicalement n'amènent rien? Est-ce que vous avez quantifié le temps que prennent ces formalités? Non. Mais si vous allez voir sur le site www.certificats-absurdes.be, on énumère tous les certificats qui font question. Et la liste est longue. Est-ce que vous avez personnellement eu à rédiger des certificats vraiment absurdes? Oui. J'ai eu une demande de certificat médical pour une troupe de théâtre amateur. Je ne connais pas les contre-indications à faire du théâtre... De la part d'une école, j'ai eu une demande pour une jeune fille qui faisait des cystites à répétition. Je lui répétais d'aller uriner souvent. Elle me répondait qu'à l'école, les toilettes étaient fermées. J'ai dû rédiger un certificat médical indiquant que, quand elle avait besoin de faire pipi, elle était autorisée à aller aux toilettes. Un exemple qui est arrivé à plusieurs collègues par ailleurs. J'ai également eu le cas de parents qui voulaient un certificat pour leur enfant qui allait à la crèche et qui faisait une crise de colère à chaque fois qu'on lui proposait une banane. J'ai bien sûr envie d'aider, mais cela n'est pas médical. C'est sidérant. Effectivement. J'ai l'impression que tout le monde essaye de se surprotéger et se sert de l'autorité médicale. Le mot du médecin est une espèce d'autorité suprême que l'on ne peut contredire. On se tourne donc vers le médecin pour des tas de choses qui n'ont donc pas de sens médical. Il y a malgré tout du progrès avec les certificats médicaux d'un jour qui ne sont plus obligatoires. Est-ce que vous réfléchissez à des solutions, outre cette initiative? Le premier but du "Crocodile bleu" est un appel au bon sens à la société. À côté de cela, on sait que le ministre Vandenbroucke est conscient du problème et qu'il planche sur les certificats qui ont une base légale et qui peuvent être modifiés. À côté de ça, personnellement, j'aimerais bien travailler avec l'ONE ou les médecins scolaires pour voir ce que l'on peut mettre en place pour améliorer les choses. Nous avons des pistes d'acteurs à contacter pour ouvrir les discussions. Le message à faire passer: il faut refaire confiance aux gens.