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Depuis la crise pandémique, nous assistons à une crise de l'expertise. La population ne sait plus à quel saint se vouer... Ne devrait-on pas un moment avouer qu'on ne sait pas grand-chose sur ce Sras-Cov-2 ? (...) Les " experts " tiennent leur nom du fait qu'ils ont une " expérience " sur laquelle ils peuvent faire leur diagnostic et leurs prédictions. Dans ce cas-ci, il n'y a pas d'experts, même si c'est le nom qu'on donne aux virologues et épidémiologistes convoqués pour aider les décideurs. Personne ne peut avoir l'expertise du Covid-19. On se repose donc sur l'expertise des spécialistes par rapport à d'autres épidémies ou pandémies qu'ils ont connues précédemment. Ceci explique les discordances qui, souvent, opposent diamétralement ces experts. Et c'est absolument déboussolant pour le grand public et même pour un public relativement averti. Mon attitude -- mais je ne suis pas consulté et je ne demande pas à l'être -- est de regarder les choses au jour le jour et ne surtout pas me baser sur une expertise précédente pour m'exprimer. Je ne m'exprime que lorsque j'entends des énormités et que je vois prendre des décisions inadéquates, exclusivement sur base des chiffres auxquels je souhaite qu'on fasse dire ce qu'ils disent, et non ce qu'on voudrait leur faire dire. Je pense qu'on peut conduire une politique sur cette base, sans rétention d'information, et en se donnant les cadrans nécessaires sur le tableau de bord, c'est-à-dire tous les indicateurs de suivi quotidien qui éclairent sur l'évolution de la situation. Encore faut-il choisir les critères réellement significatifs et non pas les manipuler pour les rendre plus effrayants pour la population quand on a décidé de lui imposer des règles difficiles à supporter. Mais les gens ne sont pas stupides, un masque n'a rien de magique et chacun peut comprendre qu'en roulant à bicyclette dans un parc bruxellois, on peut se passer de le porter sans mettre quiconque, ni soi-même, en danger. Ce qui est propre à cette crise, c'est la confusion sur des notions de base : morts en valeurs absolues/morts par million, surmortalité, nombre de nouveaux cas/le taux de positivité... C'est sur ce dernier point que vous avez enfourché votre cheval de bataille... (...) J'ai d'abord réclamé, au nom du principe de l'Open Data soutenu par tous les gouvernements de Belgique (et il y en a beaucoup ! ) et au nom de celui de l'accès public libre aux données publiques (qui, par définition, appartiennent au public), que les données brutes de l'épidémie en Belgique soient librement accessibles, et pas seulement sous forme d'informations formatées, traitées, manipulées (honnêtement, je n'en doute pas, et ce n'est pas là mon propos) et prédigérées. Cette demande visait à ce que, hors du petit cénacle de Sciensano (par ailleurs bien utile car très riche en données), on puisse traiter les données à notre façon et en sortir la mine d'informations qu'elles renferment et qui peuvent ne pas apparaître comme intéressantes au premier abord par Sciensano. C'était ma première demande et elle a été honorée relativement rapidement, fin mars. J'en suis très satisfait, pas tant pour moi, mais pour les épidémiologistes du pays et tous ceux que cela intéresse et qui peuvent tester leurs idées et théories, sans devoir invoquer des mobiles malfaisants ou abusifs de ceux qui détiennent les données. Cela détend l'atmosphère (un peu). Ensuite, j'ai souhaité qu'on n'exprime pas la croissance par sa dérivée première mais qu'on le fasse par rapport à l'ensemble des données. Je m'explique : chaque jour, on nous assène le pourcentage d'augmentation des contaminations par rapport à la veille (en moyennant ces données sur 7 jours). On obtient ainsi, tous les jours, un pourcentage d'augmentation de 50, 60, 70%. Cela devient hallucinant et ça ne veut plus rien dire pour le public. Au contraire, ça crée une angoisse terrorisée chez certains, une banalisation pour d'autres. A la limite, il commence à ne plus y faire attention. Prenons un exemple enfantin : avec une grue, je dépose tous les jours, sur un tas de dix mètres de haut, une épaisseur d'un mètre. Demain, le tas atteindra onze mètres. Après-demain, douze mètres. Dirai-je, après-demain, que mon augmentation du jour est de 100% (1 m demain, 1 m après-demain) ou de 9% (1 m sur un tas de 11 m) ? Pour moi c'est clair, on doit exprimer la croissance ou décroissance en pourcentage de l'ensemble, au moins depuis le plus récent début de montée, sinon on lui donne une ampleur qui n'a rien à voir avec la réalité. Je suis convaincu qu'on peut obtenir du public une obéissance à des règles, même contraignantes, à condition que ce public comprenne les règles Vous avez semblé faire plier les experts officiels. Sciensano en particulier a rétropédalé en annonçant lundi 10 août qu'au niveau national, "la croissance exponentielle du virus semble avoir été interrompue"... Etes-vous satisfait ? La croissance n'était pas encore devenue exponentielle, il s'agissait, comparé à l'échelle de la première vague, d'un frémissement, mais oui, je suis, comme tout le monde, satisfait d'apprendre que ce frémissement se calme. On me dit évidemment que c'est grâce aux mesures imposées et je m'en réjouis. Mais ce n'est pas un rétropédalage de Sciensano, c'est la réalité des chiffres. Quand on a dit que j'avais fait plier les experts, c'était évidemment une manière très exagérée de mettre l'événement en première page, et ça portait précisément sur la décision de Sciensano d'afficher sur son site le résultat graphique du taux de positivité que j'avais si souvent demandé. Mais il reste encore plusieurs améliorations à apporter. Le rapport quotidien est exprimé en 'nouveaux cas'. On comprend, en regardant bien, qu'il s'agit de nombre de 'tests positifs' et pas de 'personnes positives'. Même s'il existe une logique à procéder de la sorte, cela induit une erreur chez le lecteur peu attentif et chez la majorité des gens pour qui, logiquement, 'nouveau cas' semble indiquer 'nouvelle personne infectée'. Or il n'est pas rare de tester une même personne plusieurs fois. Le personnel soignant, par exemple, lorsqu'il est testé positif, est mis à l'écart et ne peut reprendre que quand le test devient négatif. Il faut donc modifier cela ou faire clairement la différence entre un nombre de tests positifs et un nombre de personnes contaminées. Par la même occasion, on éviterait d'utiliser le terme " cas " qui, en médecine, est plutôt attribué à un patient symptomatique. La publication de la ventilation entre les nombres de différents statuts cliniques parmi les personnes contaminées au moment du test (asymptomatique, symptomatique léger, symptomatique grave, hospitalisé, en soins intensifs). La ventilation entre les nombres de personnes des différentes tranches d'âge parmi les hospitalisés. La publication du nombre de tests " Anticorps " ou " sérologiques ", nouveaux et cumulés, qui donnerait un reflet de l'état potentiel de protection immunitaire de la population, même s'il plane encore un sérieux doute aujourd'hui sur l'immunité protectrice des anticorps dans le sang. Récemment, il est apparu que les dossiers en retard étaient ajoutés au statistiques, non pas à la date du prélèvement mais à la dernière date du jour. C'est ainsi que le 15 août, on annonçait 922 'nouveaux cas' alors que 227 d'entre eux dataient de plus de cinq jours et certains même de plusieurs mois... Ceci donne évidemment une vision extrêmement fausse de la situation et contribue indûment à la notion à la mode : celle de deuxième vague (...).