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Exceptionnelle dans son ampleur sanitaire comme dans ses conséquences économiques et financières, la crise du Covid-19 laissera des traces. C'est clair pour tout le monde, au point que tant notre Première ministre que le président français ont déclaré qu'il y aurait un avant et un après... On se souvient des premiers commentaires exprimés en février, quand l'épidémie régnait à Wuhan : les économies américaine et européenne en subiront le contrecoup et il faut s'attendre à que notre croissance soit rabotée de 0,1 ou 0,2 %. Moins de deux mois plus tard, on évoque la plus grave récession depuis 1929 ! Retenant entre autres pour hypothèse un confinement de sept semaines, qui ne prendrait donc fin qu'au début mai, la Banque nationale de Belgique (BNB) et le Bureau du Plan ont, mercredi dernier, lâché des chiffres qui font froid dans le dos : la croissance 2020 ne sera ni un peu, ni même beaucoup rabotée : elle sera largement négative. Le PIB est en effet attendu en chute de 8 %. En 2009, année de la fameuse crise financière, le recul s'était limité à -2,8 % (mais il avait atteint -5,1% en Allemagne). Du coup, le déficit budgétaire exploserait à 7,5 % du PIB et la dette à 115 %, contre respectivement 1,85 % et 102 % l'an dernier. Pour rappel, le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite en un an dans un pays. Au niveau des entreprises, on évoque une chute de 40 % de leur excédent brut d'exploitation, ce que l'on peut grosso modo assimiler à leur valeur ajoutée. En un mot comme en cent, c'est un désastre. Une note positive toutefois : sauf dommages sérieux dus à la crise du Covid-19, la reprise pourrait être très vigoureuse en 2021, avec un PIB en hausse de 8,6 %, estime la BNB. Ceci nous ramènerait dès lors à 99,9 % du PIB 2019... En attendant, il n'est pas étonnant donc que l'on ait, un peu partout dans le monde, lancé de gigantesques plans de soutien à l'économie et aux entreprises. Washington a d'emblée mis 2.000 milliards de dollars sur la table. Il est vrai qu'aux États-Unis, les demandes hebdomadaires d'allocation de chômage ont, à deux semaines d'écart, explosé de 300.000 à 6,6 millions ! La Banque centrale européenne va de son côté acheter pour 750 milliards d'euros d'obligations, pour " injecter des liquidités ", comme on dit, dans le marché et éviter ainsi les " risques de solvabilité " (lisez : d'insolvabilité)... Sa consoeur américaine, la Fed, a ensuite annoncé 2.300 milliards supplémentaires, tandis que l'Europe s'est enfin mise d'accord jeudi dernier sur un plan de 540 milliards. Des remèdes de cheval pour se sortir d'un cataclysme inédit. La Belgique aussi a pris diverses mesures, telles que l'accès facilité au chômage temporaire, le droit passerelle pour les indépendants dont l'activité souffre du confinement, le moratoire sur les prêts hypothécaires des ménages touchés par la crise, des prêts bancaires garantis par l'État fédéral à hauteur de 50 milliards, sans oublier les soutiens régionaux aux entreprises et indépendants affectés. En Wallonie, les indépendants ont droit à une aide exceptionnelle de 5.000 euros. Les secteurs retenus en excluent toutefois un tiers, soit quelque 100.000 personnes, observe l'Union des classes moyennes (UCM). À Bruxelles, une prime de 4.000 euros peut être octroyée aux entreprises qui ont dû fermer leurs portes. Notons encore, sans être exhaustif pour autant, la prime de 1.450 euros décidée en faveur du personnel médical, dont il est question par ailleurs. On ne peut enfin passer sous silence les divers assouplissements décidés sur le marché du travail, pour mettre un peu d'huile dans les rouages d'une économie tournant au ralenti. La crise du Covid-19 a toutefois engendré des mesures touchant un plus large public, voire tout le monde. Éviter les paiements cash, avec ces pièces et billets peu hygiéniques, c'est bien, mais éviter l'introduction de sa carte dans un boîtier et, surtout, de mettre ses doigts sur le clavier, c'est à l'évidence encore mieux. Depuis ce mardi 14 avril, les paiements par carte sans contact et sans code PIN voient donc leurs limites augmentées. D'une part, un tel paiement est à présent possible jusqu'à 50 euros au lieu de 25. D'autre part, le montant cumulé passe de 50 à 100 euros. Concrètement, le fait de dépasser la barre des 100 euros de transactions " sans code " impose donc d'introduire son code PIN, ce qui remet le compteur à zéro. Une fois les précédentes transactions " sans code " ainsi sécurisées, on peut à nouveau en réaliser, suivant les mêmes conditions. C'est une exigence légale en matière de sécurité, précise Febelfin, la fédération belge du secteur financier. Notons toutefois que le communiqué de la semaine dernière annonçant ces mesures est exprimé comme suit : " À partir du 14 avril, les terminaux de paiement aujourd'hui en service seront progressivement adaptés aux nouvelles limites. " Il ne faut donc pas s'attendre à ce que les nouvelles dispositions soient d'emblée d'application dans tous les commerces. C'est probablement l'affaire de quelques jours. Par ailleurs, il n'est pas précisé si ces mesures pourraient être maintenues à l'avenir et probablement n'est-ce pas encore décidé. Ce n'est pas impossible, aussi vrai que ceci serait dans la ligne de la campagne - jusqu'ici feutrée- que les banques mènent contre les paiements en espèces. On connaît à présent les modalités pratiques concernant le report de paiement d'un crédit hypothécaire, mesure annoncée le 22 mars. En résumé, les conditions sont les suivantes : - la mesure ne concerne que les particuliers - la diminution ou disparition du revenu doit être liée à la crise du coronavirus - le demandeur n'avait aucun retard de paiement sur ce crédit au 1er février - le crédit hypothécaire porte sur l'habitation unique et résidence principale du demandeur - son épargne doit être inférieure à 25.000 euros. Elle est calculée sur le total des actifs mobiliers, hors épargne-pension. Ce dernier point est assez restrictif et témoigne de la volonté d'aider uniquement les personnes et ménages qu'une perte de revenus met vraiment en difficulté. Il en va de même de la suppression des intérêts courus durant le report pour un revenu mensuel net inférieur à 1.700 euros. Dans les autres cas, ces intérêts courus seront réglés plus tard. Attention : parmi les données pratiques annoncées, il ne faut se braquer ni sur le report de six mois, ni sur la date du 30 avril pour la rentrée de son dossier. Pourquoi ? Parce qu'il sera toujours possible de rentrer son dossier plus tard, mais que le report sera alors inférieur à six mois. L'élément de base à retenir est que le report de paiement s'entend jusqu'au 31 octobre. Il est donc bien de six mois pour celui qui rentre son dossier en avril, mais de cinq mois en cas de rentrée en mai, etc. De toute manière, il va de soi que les formalités ne sauraient être remplies sans prendre contact avec son banquier. Après avoir rebondi de quelque 20 % depuis son plancher de la mi-mars, la Bourse pourrait-elle rechuter plus bas ? Ou bien un achat réalisé à l'époque, voire aujourd'hui encore, se révélera-t-il l'affaire de la décennie ? Impossible à savoir, bien entendu. Par contre, on peut dès à présent estimer que la crise du Covid-19 assombrit un peu plus encore l'avenir de l'épargne de base, celle qui se cantonne aux produits réputés sûrs, comme les obligations de l'État ou le carnet de dépôt : les taux d'intérêt ne sont pas prêts de remonter, même si l'inflation repart quelque peu. Le raisonnement est en effet implacable : déjà très endettés aujourd'hui, les États vont l'être davantage encore suite aux plans de soutien et de relance décidés. Pour que ces initiatives ne plombent pas trop leurs finances, il est impératif que les taux d'intérêt demeurent au plancher. Il n'y a guère de doute que les banques centrales sont prêtes à peser de tout leur poids sur le couvercle de la marmite des taux. Les marchés financiers l'ont d'ailleurs bien compris, comme en témoigne l'Euribor à trois mois (soit le taux auquel les banques se prêtent entre elles), référence habituelle en la matière : il est actuellement de l'ordre de -0,35 % (oui, le taux est négatif ! ) et il ne reviendrait pas au-dessus de zéro avant 2026. Un épargnant averti...