...

Pour l'instant, l'unanimité prévaut au sein des ministres de la santé de l'Union européenne, réunis les 13 et 14 février pour définir quelle riposte apporter à la crise de l'émergence du nouveau coronavirus. Mais les ministres savent que les mesures actuelles ne suffiront pas si la contamination prend une autre tournure. Quelques heures avant leur réunion, l'estimation du nombre de cas en Chine avait brusquement gonflé, l'infection pouvant être détectée sur base de simples radiographies du poumon, et non plus sur une analyse génétique du virus. Et la durée d'infection sans symptômes a été finalement portée de 14 à 24 jours, ce qui signifie que de précédents patients libérés de quarantaine pourraient, en fait, être quand même porteurs du virus. Le conseil des ministres reconnaît donc " que l'efficacité des mesures nationales prises aux frontières de l'UE et aux points d'entrée pour protéger la santé publique, y compris les mesures déjà prises par les États membres dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, peut être encore renforcée par le renforcement de la coordination déjà en cours entre les États membres et la Commission ".Pour autant, plusieurs voix, dont celle de Maggie De Block, insistent pour s'en tenir aux recommandations de l'OMS. Certains, comme le ministre allemand, auraient voulu faire adopter une procédure qui oblige les voyageurs, de retour ou en transit dans les zones affectées, à une sorte d'interrogatoire. Ces voyageurs devraient alors " renseigner s'ils ont été en contact avec des personnes dans ces zones ". La mesure a suscité " beaucoup " de discussion entre les ministres : certains " s'y opposaient ", a expliqué en conférence de presse le Croate Vili Beros, dont le pays assure la présidence du Conseil. " Il n'est pas facile, techniquement, d'indiquer tous les contacts que l'on a pu avoir ", a-t-il reconnu - à quoi s'ajoute l'impératif du respect de la vie privée.Il faudrait indiquer les " contacts proches avec une personne contaminée ". Au bilan, disent les conclusions, la mesure doit s'appliquer " lorsqu'elle est justifiée par les circonstances ". Le virus se transmettant par d'invisibles gouttelettes de salive ou d'éternuement durant plusieurs semaines, lister ces contacts semble peu réaliste et dépasser les capacités d'investigation des services de santé.La commissaire en charge de la Santé, Stella Kyriakides, l'a reconnu : " les virus ne connaissent pas de frontières ".Les ministres sont par contre unanimes pour tenter de gagner la course contre la montre par la science : " il importe de renforcer le rôle de l'OMS dans la gestion de l'épidémie, sur la base, entre autres, d'une contribution coordonnée de l'UE, en particulier pour assurer des échanges en temps réel de données épidémiologiques ". L'Agence européenne du médicament (EMA) a notamment prévenu qu'elle mettait en place une sorte de " route rapide " pour examiner les innovations potentielles afin qu'elles arrivent sans tarder au chevet des patients : " il n'existe actuellement aucun médicament disponible dans le commerce autorisé à détecter, traiter ou prévenir les infections par le nouveau coronavirus. L'EMA est prête à soutenir les développeurs de médicaments avec tous les outils réglementaires disponibles pour faire avancer et accélérer le développement de mesures efficaces pour combattre et prévenir la propagation de ce virus ".Pour autant, l'Agence se veut rassurante sur un autre péril : la Chine, conjointement avec l'Inde, serait fournisseur de 60% des composants de base de la pharmacopée consommée dans l'Union européenne. Or, la production est à l'arrêt en Chine. " Nos stocks sont importants ", rassure l'EMA. Mais combien de temps tiendront-ils si la Chine ne peut réexporter bientôt ? Faut-il (re-) construire des capacités de production dans l'espace de l'Union ? Silence radio.Car l'on sent quand même la nervosité grandir. L'Italie, la Tchéquie et la Grèce ont déjà suspendu les vols vers et de la Chine. L'Italie teste la température des voyageurs qui reviennent d'Asie. Une mesure que Maggie De Block a repoussée, rappelant que l'OMS l'a jugée " inutile ".Cela ferait sourire si l'on ne parlait pas d'une maladie potentiellement mortelle : où fabrique-t-on majoritairement aujourd'hui les gants, masques, combinaisons utilisées dans les hôpitaux ? En Chine, pardi. Qui en a bien besoin. Ou qui ne peut plus en produire autant. La Commission européenne " est prête " à procéder à des achats groupés d'équipements de protection contre le virus. Maggie De Block a jugé l'idée opportune et invité la Commission à " analyser la situation et à présenter rapidement des options ". Prêts, alors ? " Nous sommes sur la bonne voie pour être prêts au pire ", a assuré Vili Beros.