" Il y a tellement de problèmes actuellement avec les antivaccins que dès que l'on commencera à vacciner une population, même relativement limitée, il y aura toute une série de reportings d'effets indésirables dont il sera très difficile d'évaluer la causalité avec le vaccin. Il faudra communiquer, expliquer que ce n'est pas parce qu'une maladie est diagnostiquée chez une personne après une vaccination qu'il faut incriminer le vaccin, que certains tomberont quand même malade même s'ils sont vaccinés, comme c'est le cas pour la grippe, par exemple... Il faudra anticiper cela en communiquant sur la sécurité des vaccins, sur les données disponibles, sur les limitations et sur les systèmes mis en place pour détecter les effets indésirables. Tout ceci dans un contexte où l'on soupçonne toujours les experts d'être vendus à l'industrie pharmaceutique... ", précise le Pr Jean-Michel Dogné, directeur du département de Pharmacie de l'Université de Namur et expert à l'AFMPS, l'EMA (Agence européenne du médicament) et l'OMS. Rapporteur sur la sécurité des vaccins comme celui contre l'ebola (Ervebo) ou le Cervarix, le Gardasil, le Rotarix, le Mosquirix... pour l'AFMPS et l'EMA, il fait partie du GACVS (Comité consultatif mondial sur la sécurité vaccinale) de l'OMS depuis février dernier: sacré baptême du feu en pleine pandémie du coronavirus!

Lente érosion

" Au mois de mars, tout le monde se serait fait vacciner. Aujourd'hui, pour différentes raisons, tout le monde en a assez du Covid-19: il y a moins de malades, certains voient des complots partout... De jour en jour, la confiance de la population dans la vaccination baisse: elle est passée de 70-80% en mars à 50-60% aujourd'hui, selon les études. Le genre d'annonce de Vladimir Poutine affirmant que le vaccin russe est sûr et efficace renforce l'idée que, pour des raisons économiques, on essaye de nous vendre un vaccin dont on n'a aucune garantie d'efficacité ", décrypte-t-il.

D'où la nécessité d'asseoir le choix d'un vaccin sur la balance bénéfice-risque. En Belgique, un Comité d'experts rassemblant des représentants de l'AFMPS, du SPF Santé et des Communautés vient ainsi d'être créé pour conseiller le gouvernement sur les vaccins à acheter. Réuni pour la première fois le 18 août, il planche notamment sur le dossier du vaccin d'AstraZeneca/Université d'Oxford. Pour le Pr Dogné, les États devront choisir plusieurs vaccins: " Cela n'aurait pas de sens de n'en choisir qu'un seul et ceci pour plusieurs raisons: limiter les risques d'approvisionnement, balance bénéfice-risque, choix politique (collaboration avec la Belgique, par exemple)... Actuellement, 29 vaccins sont en étude clinique et environ 180 en développement, le choix risque donc d'être diversifié. Un des critères qui me paraît essentiel c'est la mise à disponibilité rapide d'un vaccin efficace et sûr."

Qui vacciner?

Le Conseil supérieur de la santé recommande de vacciner contre le SARS-CoV-2 en priorité les travailleurs du secteur des soins de santé, les plus de 65 ans et les patients âgés de 45 à 65 ans présentant des comorbidités (obésité, diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, pulmonaires, rénales et hépatiques chroniques, cancers...). Soit environ 4 millions de personnes en Belgique. Cependant, le CSS estime que 20 à 30% refuseront cette vaccination. " Un travail de fond et de prévention des autorités et de la première ligne sera donc fondamental pour assurer une couverture maximale des groupes à risques ", souligne le CSS dans son avis1.

À l'OMS, le Comité consultatif mondial pour la sécurité des vaccins (GACVS) s'est réuni fin mai pour préparer la pharmacovigilance à mettre en place pour le lancement des futurs vaccins contre le Covid-19 et pour planifier l'acceptation et l'adoption de ces vaccins². La stratégie vise à accroître les connaissances, la sensibilisation et la confiance du public, à anticiper et communiquer sur les risques rapidement et efficacement et à éclairer l'élaboration des politiques, leur planification et leur mise en oeuvre. En d'autres mots: expliquer et communiquer.

C'est la raison d'être du groupe de travail mis en place par l'OMS sur la communication relative à la sécurité des vaccins dont l'objectif est d'élaborer un plan de communication sur les conditions préalables à l'introduction d'un vaccin.

La sécurité de ces vaccins est bien l'une des pierres d'achoppement de cette stratégie. Il faudra notamment rassurer en expliquant comment fonctionne la recherche vaccinale: " La plupart des plates-formes qui permettent de développer des vaccins sont déjà utilisées pour d'autres maladies. Elles permettent de ne pas repartir de zéro: la façon de travailler est la même, on change juste l'antigène en question. La séquence génétique du SARS-CoV-2 a été publiée très tôt (en février), ce qui a permis de modifier les plates-formes et de développer rapidement de nouveaux vaccins. Ce n'est pas parce qu'on accélère le processus de développement qu'on va faire l'impasse sur les études cliniques. Au contraire, on aura plus d'individus, plus de données cliniques que pour beaucoup de vaccins actuellement sur le marché", commente Jean-Michel Dogné.

Vigilance au long cours

La communication est donc une arme essentielle qui doit viser de façon spécifique les différents publics. L'OMS prévoit par exemple une page web conçue pour différents niveaux de connaissances en matière de santé. Pour le GAVCS, il faut un plan ambitieux et proactif pour communiquer sur la sécurité vaccinale, ce qui passe aussi par la surveillance de réseaux sociaux comme WhatsApp ou Tiktok très influents dans certains groupes.

En toute logique, cette stratégie porte une attention particulière à la pharmacovigilance, avec la mise en place et le renforcement des infrastructures et des capacités de surveillance de l'innocuité des vaccins contre le COVID-19 ou encore la création d'une liste de base des manifestations indésirables d'intérêt particulier, révisée en permanence à la lumière de l'évolution des connaissances.

" Je suis confiant parce que je pense que les démarches sont faites par des développeurs de vaccins de qualité, avec des résultats de qualité. L'efficacité c'est une chose mais la sécurité est un point majeur parce que personne n'acceptera des effets indésirables graves. Il est donc primordial de mettre en place le système de suivi de ces vaccins dans la population ", conclut Jean-Michel Dogné.

1.CSS 9597

2.OMS, Relevé épidémiologique hebdomadaire n°28,2020,95:325-36

" Il y a tellement de problèmes actuellement avec les antivaccins que dès que l'on commencera à vacciner une population, même relativement limitée, il y aura toute une série de reportings d'effets indésirables dont il sera très difficile d'évaluer la causalité avec le vaccin. Il faudra communiquer, expliquer que ce n'est pas parce qu'une maladie est diagnostiquée chez une personne après une vaccination qu'il faut incriminer le vaccin, que certains tomberont quand même malade même s'ils sont vaccinés, comme c'est le cas pour la grippe, par exemple... Il faudra anticiper cela en communiquant sur la sécurité des vaccins, sur les données disponibles, sur les limitations et sur les systèmes mis en place pour détecter les effets indésirables. Tout ceci dans un contexte où l'on soupçonne toujours les experts d'être vendus à l'industrie pharmaceutique... ", précise le Pr Jean-Michel Dogné, directeur du département de Pharmacie de l'Université de Namur et expert à l'AFMPS, l'EMA (Agence européenne du médicament) et l'OMS. Rapporteur sur la sécurité des vaccins comme celui contre l'ebola (Ervebo) ou le Cervarix, le Gardasil, le Rotarix, le Mosquirix... pour l'AFMPS et l'EMA, il fait partie du GACVS (Comité consultatif mondial sur la sécurité vaccinale) de l'OMS depuis février dernier: sacré baptême du feu en pleine pandémie du coronavirus!" Au mois de mars, tout le monde se serait fait vacciner. Aujourd'hui, pour différentes raisons, tout le monde en a assez du Covid-19: il y a moins de malades, certains voient des complots partout... De jour en jour, la confiance de la population dans la vaccination baisse: elle est passée de 70-80% en mars à 50-60% aujourd'hui, selon les études. Le genre d'annonce de Vladimir Poutine affirmant que le vaccin russe est sûr et efficace renforce l'idée que, pour des raisons économiques, on essaye de nous vendre un vaccin dont on n'a aucune garantie d'efficacité ", décrypte-t-il.D'où la nécessité d'asseoir le choix d'un vaccin sur la balance bénéfice-risque. En Belgique, un Comité d'experts rassemblant des représentants de l'AFMPS, du SPF Santé et des Communautés vient ainsi d'être créé pour conseiller le gouvernement sur les vaccins à acheter. Réuni pour la première fois le 18 août, il planche notamment sur le dossier du vaccin d'AstraZeneca/Université d'Oxford. Pour le Pr Dogné, les États devront choisir plusieurs vaccins: " Cela n'aurait pas de sens de n'en choisir qu'un seul et ceci pour plusieurs raisons: limiter les risques d'approvisionnement, balance bénéfice-risque, choix politique (collaboration avec la Belgique, par exemple)... Actuellement, 29 vaccins sont en étude clinique et environ 180 en développement, le choix risque donc d'être diversifié. Un des critères qui me paraît essentiel c'est la mise à disponibilité rapide d'un vaccin efficace et sûr."Le Conseil supérieur de la santé recommande de vacciner contre le SARS-CoV-2 en priorité les travailleurs du secteur des soins de santé, les plus de 65 ans et les patients âgés de 45 à 65 ans présentant des comorbidités (obésité, diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, pulmonaires, rénales et hépatiques chroniques, cancers...). Soit environ 4 millions de personnes en Belgique. Cependant, le CSS estime que 20 à 30% refuseront cette vaccination. " Un travail de fond et de prévention des autorités et de la première ligne sera donc fondamental pour assurer une couverture maximale des groupes à risques ", souligne le CSS dans son avis1.À l'OMS, le Comité consultatif mondial pour la sécurité des vaccins (GACVS) s'est réuni fin mai pour préparer la pharmacovigilance à mettre en place pour le lancement des futurs vaccins contre le Covid-19 et pour planifier l'acceptation et l'adoption de ces vaccins². La stratégie vise à accroître les connaissances, la sensibilisation et la confiance du public, à anticiper et communiquer sur les risques rapidement et efficacement et à éclairer l'élaboration des politiques, leur planification et leur mise en oeuvre. En d'autres mots: expliquer et communiquer.C'est la raison d'être du groupe de travail mis en place par l'OMS sur la communication relative à la sécurité des vaccins dont l'objectif est d'élaborer un plan de communication sur les conditions préalables à l'introduction d'un vaccin.La sécurité de ces vaccins est bien l'une des pierres d'achoppement de cette stratégie. Il faudra notamment rassurer en expliquant comment fonctionne la recherche vaccinale: " La plupart des plates-formes qui permettent de développer des vaccins sont déjà utilisées pour d'autres maladies. Elles permettent de ne pas repartir de zéro: la façon de travailler est la même, on change juste l'antigène en question. La séquence génétique du SARS-CoV-2 a été publiée très tôt (en février), ce qui a permis de modifier les plates-formes et de développer rapidement de nouveaux vaccins. Ce n'est pas parce qu'on accélère le processus de développement qu'on va faire l'impasse sur les études cliniques. Au contraire, on aura plus d'individus, plus de données cliniques que pour beaucoup de vaccins actuellement sur le marché", commente Jean-Michel Dogné.La communication est donc une arme essentielle qui doit viser de façon spécifique les différents publics. L'OMS prévoit par exemple une page web conçue pour différents niveaux de connaissances en matière de santé. Pour le GAVCS, il faut un plan ambitieux et proactif pour communiquer sur la sécurité vaccinale, ce qui passe aussi par la surveillance de réseaux sociaux comme WhatsApp ou Tiktok très influents dans certains groupes.En toute logique, cette stratégie porte une attention particulière à la pharmacovigilance, avec la mise en place et le renforcement des infrastructures et des capacités de surveillance de l'innocuité des vaccins contre le COVID-19 ou encore la création d'une liste de base des manifestations indésirables d'intérêt particulier, révisée en permanence à la lumière de l'évolution des connaissances." Je suis confiant parce que je pense que les démarches sont faites par des développeurs de vaccins de qualité, avec des résultats de qualité. L'efficacité c'est une chose mais la sécurité est un point majeur parce que personne n'acceptera des effets indésirables graves. Il est donc primordial de mettre en place le système de suivi de ces vaccins dans la population ", conclut Jean-Michel Dogné.1.CSS 95972.OMS, Relevé épidémiologique hebdomadaire n°28,2020,95:325-36