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Anne Op de Beeck, virologue, enseignante chercheuse en Faculté de Médecine ULB a rappelé que les coronavirus ne sont pas des inconnus Il en existe actuellement sept dont quatre, responsables de rhumes bénins, circulent parmi nous. Trois sont plus connus du grand public et pathogènes, tous les trois issus d'une chauve-souris : le Sras-Cov-1, apparu en 2002-2003, a passé la barrière des espèces via la civette ; le Mers-cov, apparu en 2012, a infecté l'homme via un dromadaire et le fameux Sras-Cov-2 qui nous occupe actuellement semble être passé par le pangolin. Le Covid-19 est un virus à ARN et donc est un mutant, contrairement aux virus à ADN comme la variole, ce qui explique qu'il s'agit dans ce dernier cas du seul virus dans l'histoire à avoir pu être réellement éradiqué par la vaccination. Le Sras-Cov-2 a, en sus, la particularité de posséder le plus gros génome viral connu avec pas moins de 30.000 nucléotides. Contrairement au virus de la grippe auquel il a pu un temps être, à tort, comparé, le Sras-Cov-2 s'attaque malheureusement à un nombre important d'organes humains : le rein, le foie, les vaisseaux sanguins, le coeur, etc. et provoque de petites thromboses ainsi qu'on a pu le constater lors d'autopsie de patients décédés du Covid-19. On sait également aujourd'hui qu'il peut provoquer une " tempête de cytokines " au cours de laquelle les macrophages du sujet s'attaquent aux anticorps et tuent le sujet au lieu de protéger. Les voies de contamination sont connues. " Le virus reste infectieux plusieurs heures dans les aérosols et jusqu'à plusieurs jours sur certaines surfaces comme les poignées de porte. " A cet égard, le Pr Reniers travaille sur une voie prometteuse que sont les plasmas froids ionisants qu'on projette sur les objets infectés. " Une source énergétique ionise les gaz environnants et génère des radicaux libres très réactifs qui vont s'attaquer aux molécules composant les virus. "Eric Muraille, biologiste et immunologiste, chercheur FNRS à l'ULB, est revenu sur la " plasticité " du Sras-Cov-2, qui mute un million de fois plus que les cellules de notre corps. Tout système biologique agressé par un virus le voit comme un stress imprévisible auquel il répond en générant de la diversité, dans le cas qui nous occupe, génotypique. Chaque réplication du virus entraîne une modification du génome. Chaque individu est infecté par une variante. Or chaque mutation peut être neutre, favorable ou défavorable. Un individu peut être contaminé par plusieurs variantes (jusque 233 documentées chez un patient français). Fin juillet, 38.000 séquences disponibles ont été répertoriées (à comparer avec le virus H1N1 qui en présentait 11 en 2009). On peut faire remonter le début de la pandémie à fin 2019. Auparavant, le virus a pu circuler mais de manière anecdotique, selon Eric Muraille. Son origine est manifestement zoonotique. Mais le virus était mal adapté aux humains au moment du franchissement de la barrière des espèces et a dû évoluer ensuite pour s'adapter à ses hôtes humains et se répandre. Ce faisant, il est devenu plus infectieux. La stratégie anti-virale (Favipiravir, Galidesivir, Remdesivir, Ribavirin), se concentre essentiellement sur la protéine nsp12/RdRp (RNA-dependent RNA polymérase) qui possède une capacité correctrice forte dans la vitesse d'évolution du virus. Le Sras-Cov-2 mute beaucoup moins qu'Influenza en raison de sa fonction correctrice. Ceci étant dit, " la mutation en 14408, l'une des plus fréquentes localisée dans nsp12/RdRp, augmenterait le taux de mutation du virus. Cette mutation est progressivement devenue dominante dans le monde, ce qui suggère un 'gain de fitness' pour le virus. " C'est pourquoi les antiviraux seraient peu opérants pour le moment, hypothétise Eric Muraille. La stratégie vaccinale se concentre, elle, sur les anticorps neutralisants qui ciblent la protéine " Spike " du virus qui permet l'infection cellulaire. Mais, en raison du taux de mutation important, " trouver un vaccin n'est jamais gagné. Le temps nécessaire à la mise au point d'un vaccin efficace varie généralement entre cinq et 20 ans (sept ans en moyenne). Dans le cas du Covid-19, il est regrettable qu'on ait arrêté les recherches concernant le Sras-Cov-1 car des pandémies à Corona venant de Chine étaient parfaitement prévisibles étant donné que les coronavirus sont bien documentés. Or chez les coronavirus Sras-Cov-1 et Mers-Cov, des mutations ponctuelles peuvent conférer une résistance aux anticorps neutralisants. "En outre, les effets secondaires d'un vaccin se font parfois sentir plusieurs années après. Ainsi un suivi de la phase III pendant trois ans est nécessaire. " Dans le cas du vaccin contre la dengue de Sanofi, les cas sévères ne sont apparus précisément qu'après trois ans. "La réinfection de sujets ayant déjà été malades - sujet important pour savoir si on peut attraper la maladie plus d'une fois -, est toujours possible mais le 2e infection semble généralement asymptomatique. Nicolas Dauby, spécialiste des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre, spécialiste post-doctorant FNRS à l'Institut d'Immunologie médicale, ULB, a fait le tour des traitements actuels et futurs dont la plupart se révèlent peu efficaces, dans l'état actuel des connaissances. Nicolas Dauby a tout d'abord défendu le concept d'équipoise clinique : éthiquement il était selon lui acceptable d'intégrer des patients dans les études cliniques randomisées concernant le covid étant donné la situation exceptionnelle, comme ce fut le cas face au sida suite au militantisme de certaines associations. Rappelons que le Pr Didier Raoult postulait l'inverse concernant l'HCQ : une étude randomisée aurait été non-éthique pour les patients recevant le placebo. A cet égard, malgré l'étude rétrospective récente sur 8.000 patients belges concluant à la baisse de la mortalité d'un tiers après traitement par HCQ en raison, vraisemblablement, de ses qualités anti-inflammatoires et anti-thrombotiques (lire sur www.lejournaldumedecin.com), le Pr Dauby ne recommande pas l'HCQ en l'absence d'étude en double aveugle attestant de son efficacité antivirale. Il parle à ce sujet " d'illusion perdue ". Il avait d'ailleurs exclu de recommander ce traitement depuis les résultats de l'étude Recovery (ndlr : qui toutefois ne respectait pas le protocole du Pr Raoult d'association avec l'AZ). Malgré le canular publié dans le Lancet sur la supposée mortalité associée à l'HCQ et aussitôt retiré et diverses études se contredisant l'une l'autre, pour Nicolas Dauby, la polémique sur l'HCQ est close : on ne peut pas la recommander comme traitement. Même " méfiance " contre l'association ritonavir-lopinavir qui n'est pas efficace contre le covid-19, selon la même étude randomisée Recovery. Concernant l'anti-viral Remdesivir, ce n'est pas concluant non plus ( " un mirage anti-viral ? ") malgré la promesse que constituait cet anti-viral contre l'influenza, le Mers, etc. Dauby se pose d'ailleurs la question de savoir " s'il faut vraiment utiliser des antiviraux comme le Remdesivir contre le covid-19 ". " Certainement pas à des patients sans virus détectable ", pointe-t-il. Le Pr Dauby a évoqué le transfert du " plasma convalescent " (qui vient d'être autorisé en urgence par le FDA à la demande pressante de Donald Trump) comme traitement prometteur " cent ans après " en quelque sorte puisque la formule a été utilisée avec un certain succès contre la grippe espagnole. Pour le moment, l'on dispose seulement d'un essai qui démontre une certaine efficacité antivirale de l'administration des anticorps neutralisants pour les cas lourds (avant toutefois l'admission aux soins intensifs). Les États-Unis l'ont essayé massivement sur 30.000 patients mais sans groupe contrôle. La variation du volume d'anticorps neutralisants des patients traités est toutefois un indice que ce type de traitement pourrait fonctionner. Enfin, on en parle peu - au grand regret des ULBistes - mais une molécule sort du lot : la dexaméthasone, une hormone glucocorticoïde de synthèse à l'effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur. Comme l'HCQ, elle est bon marché et assez ancienne. " L'OMS et certains experts ne recommandaient pas d'utiliser les cortico-stéroïdes contre le covid-19. Mais l'essai britannique randomisé Recovery démontre l'efficacité de cette molécule. Deux sous-groupes de patients hospitalisés, l'un sous oxygène, l'autre sous ventilation mécanique, ont vu leur mortalité diminuer de 18% et 36% respectivement. Si la dexaméthasone est administrée dans les six mois, 12.000 vies pourraient être sauvées en Grande-Bretagne et 650.000 vies globalement (coût : seulement 1.000 £ par vie sauvée). " Que sait-on sur les enfants ? Sont-ils, comme pour la grippe par exemple, des " superpropagateurs " ? Ou au contraire sont-ils peu malades et peu contagieux ? Quels sont les risques que constitue la rentrée des classes ? Il est extrêmement difficile de tirer un fil rouge tant les situations varient d'un enfant à l'autre et d'un potentiel infecté à l'autre également. Mais Pierre Smeeters, chef du service pédiatrie à l'Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (Huderf), chercheur en Faculté de médecine ULB, estime que " d'après les données épidémiologiques et microbiologiques, les enfants de moins de 15 ans semblent moins susceptibles d'acquérir et de transmettre le virus Sras-CoV-2 que les adultes. Plusieurs questions clés restent à résoudre mais les preuves actuelles suggèrent que les enfants de moins de 15 ans ne sont pas le moteur de la pandémie. Le rôle de l'adolescent dans une telle transmission ne semble pas non plus central mais nécessite davantage d'investigations pour plus de précisions. La balance bénéfice-risque est nettement en faveur d'un retour en collectivité. Les enfants doivent être prioritaires pour retrouver une vie normale. "