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Chaque année, quelque 200.000 personnes dans le monde sont amputées d'un membre inférieur à la suite de complications liées au diabète, d'un accident, d'une malformation congénitale ou d'un cancer des os ou des tissus musculaires. En Belgique, selon Partenamut, on dénombre environ 7.700 personnes à avoir subi une telle amputation, avec 1.800 nouveaux cas par an. Pour ces personnes, au-delà du traumatisme subi, il est essentiel de pouvoir continuer à se mouvoir, surtout en cas de maladie cardio-vasculaire, et ainsi de préserver leur autonomie. D'où l'importance des prothèses et de l'amélioration de leurs performances. C'est à cela que s'attelle depuis une dizaine d'années le Louvain Bionics, un centre de recherche de l'UCLouvain, reconnu pour son expertise dans le domaine. "La bonne nouvelle, c'est que, au-delà de leur fonction esthétique, ces prothèses deviennent de plus en plus perfectionnées, notamment avec la montée en puissance des prothèses bioniques qui essaient de restaurer au maximum la fonction qu'assurait naturellement le membre manquant", constate Renaud Ronsse, coordinateur de Louvain Bionics et spécialiste de la robotique. "Mobiles et motorisées, certaines sont désormais de véritables bijoux de technologie et d'innovation. On commence à en voir apparaître dans les catalogues de fabricants.""Aujourd'hui, lorsqu'une personne est amputée, elle bénéficie généralement d'une prothèse mécanique dite passive, avec des éléments de type lame ou ressort", poursuit Renaud Ronsse, qui est également professeur à l'École polytechnique de l'UCLouvain. "Concrètement, ça veut dire que c'est la personne qui doit fournir l'énergie nécessaire pour lever la jambe, alors qu'avec un membre intact, ce sont nos muscles qui donnent cette impulsion naturelle. Mais les prothèses de jambe sont trop lourdes, trop encombrantes et bruyantes, bref guère pratiques à utiliser."Autant d'inconvénients auxquels a remédié le doctorant François Heremans, inventeur d'une prothèse bionique jambe-cheville, unique au niveau mondial, qu'il a mis un peu plus de quatre ans à concevoir et dont le principe de fonctionnement repose sur des capteurs qui mesurent l'activité des muscles du moignon et la transforment en signal électrique pour commander un moteur permettant à la jambe artificielle d'effectuer des mouvements. "Notre dispositif se caractérise par sa légèreté grâce aux nombreuses pièces sur mesure fabriquées par impression 3D, et par sa compacité grâce au stockage de l'entièreté des composants technologiques dans le volume du pied", commente le Pr Ronsse qui a supervisé le travail de François Heremans. "Il se distingue aussi par son efficacité énergétique grâce à l'assemblage d'éléments mécaniques à la fois technologiquement avancés et très simples. On espère ainsi pouvoir minimiser le poids de la batterie que nous allons devoir intégrer à la prothèse, afin d'améliorer encore son autonomie et sa légèreté. Les performances des batteries sont pour le moment clairement insuffisantes, ce qui a un impact immédiat sur le confort de l'utilisateur." "Enfin, notre prothèse a la particularité d'avoir un point de fixation bas, qui se situe au même endroit que l'articulation naturelle de la cheville: les mouvements sont dès lors beaucoup plus aisés, et un plus grand nombre d'amputés devraient pouvoir l'utiliser."Grâce à l'appui du Louvain Technology Transfer Office de l'UCLouvain, un brevet a été déposé - il est financé par la Région wallonne - et le prototype de laboratoire développé par l'équipe de Renaud Ronsse a suscité l'intérêt d'un acteur industriel, un des leaders mondiaux de la production de prothèses, qui préfère pour l'instant garder l'anonymat. "Nous avons signé un partenariat de quatre ans en vue d'une recherche collaborative avec une option de licence sur la technologie à l'issue de cette recherche. Le fait de réussir à attirer un leader du marché, c'est pour nous une grande première. Il a visiblement été séduit par notre technologie qui représente un point de rupture par rapport à ce qui existe déjà. Ce point de rupture, c'est la façon dont nous avons réussi à combiner l'effet d'éléments passifs comme celui d'un ressort avec l'effet d'éléments actifs comme celui du moteur.""Un cahier des charges a été élaboré", spécifie le Pr Ronsse. "Nous allons engager deux personnes à temps plein et nous comptons sur notre partenaire pour nous aider à améliorer la version actuelle de la prothèse. Nous allons aussi devoir tester la durabilité du dispositif et la firme aura besoin d'encore un an ou deux pour achever la phase d'industrialisation, c'est-à-dire réfléchir à l'aspect esthétique de la prothèse, et à la méthode de fabrication pour la produire en série. La mise sur le marché est prévue d'ici cinq ans."Restera enfin à déterminer un prix pour acquérir cet équipement de pointe, sachant qu'actuellement il faut pouvoir débourser plusieurs dizaines de milliers d'euros. "Autant dire qu'avec un tel montant, les prothèses bioniques ne sont clairement pas encore accessibles pour tous. À terme, nous avons cependant l'espoir que le coût sera pris en charge par l'Inami."