Parmi les prérogatives de l'ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) figure la lutte contre la désinformation et la mésinformation sur les vaccins, plus précisément contre la rougeole, la rubéole, le papillomavirus humain et, bien sûr, le Covid-19. Un rapport récent identifie cette menace majeure sur la santé publique et propose quelques remèdes. Mais sans toujours convaincre.
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Considérée comme une menace majeure sur la santé publique, la mésinformation, ressort-il d'un rapport récent publié cet été ("Countering online vaccine misinformation in the EU/EEA"), n'est pas facile à contrer. L'exemple le plus tristement célèbre de désinformation sur les vaccins est le lien suggéré dès 1998 entre le vaccin Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR) et l'autisme. "Bien que de nombreuses études ultérieures aient depuis confirmé l'absence d'un tel lien, et que l'étude originale a ensuite été rétractée par la revue qui l'avait publiée, le mythe des vaccins causant l'autisme a survécu et continue de circuler au sein des groupes opposés à la vaccination", note l'étude. "Parmi les nombreux récits de désinformation sur le vaccin Covid-19 qui ont circulé, on trouve des affirmations selon lesquelles la pandémie est une couverture pour un plan d'implantation de micropuces traçables et que la pandémie a été "inventée" pour que les gens prennent un vaccin qui "apportera de l'argent et de la corruption dans les poches déjà bien remplies de certains"."Un autre exemple notable est un "documentaire" vidéo de 26 minutes publié en 2020, intitulé Plandemic. Avant que la vidéo ne soit retirée de YouTube peu de temps après sa diffusion, elle avait atteint huit millions de vues sur la plateforme. Plus près de chez nous, deux documentaires, l'un français ( Hold-up), l'autre belge ( Ceci n'est pas un complot ) ont connu un grand succès d'audience. "De tels exemples sont utilisés par des individus et des groupes organisés pour s'opposer aux mesures de contrôle du Covid-19 et aux efforts de vaccination", pointe l'ECDC. La caractéristique de la mésinformation contre le vaccin anti-Covid est qu'elle est née avant même qu'un quelconque vaccin ait été mis mis sur le marché. Il n'était qu'annoncé et espéré. C'est la raison pour laquelle les chercheurs se sont penchés sur les techniques de lutte contre la désinformation appliquées à d'autres vaccins. Au total, 84 publications universitaires ont été identifiées et extraites pour une évaluation plus approfondie. Après l'évaluation du titre, du résumé et l'évaluation du texte intégral, 24 articles ont été sélectionnés pour être inclus dans l'analyse documentaire. L'analyse de la "littérature grise" comprenait des publications de chercheurs universitaires ainsi que d'organisations politiques et non gouvernementales. Les chercheurs ont identifié plusieurs acteurs clés impliqués dans la lutte contre la désinformation sur les vaccins au niveau européen. Ces acteurs ont également été invités à participer à un entretien semi-structuré. Pour les tweets, YouTube, les blogs et les sites Web, la pertinence et l'impact des messages individuels ont été estimés comme suit: Twitter (nombre de followers de l'auteur du message combiné au nombre de likes, commentaires et retweets) ; YouTube (nombre de "vus" au moment de l'étude) ; actualités, blogs et articles web (estimation du trafic quotidien du site web). Les chercheurs ont découvert sur les médias en ligne pas moins de 496 publications mensongères dans sept pays étudiés sur les 10.030 analysées, soit 5% du total: 2/41 (Estonie), 88/1.518 (France), 156/2.067 (Allemagne), 123/882 (Pays-Bas), 69/641 (Roumanie), 58/4.881 (Espagne). Sur Youtube, les chercheurs, via un exemple où l'influenceur, accompagné de trois médecins, émet des doutes sur l'efficacité et la sécurité des vaccins Covid-19, soulignent à quel point l'utilisation dans ces clips de professionnels de la santé utilisant un jargon médical peut donner de la crédibilité aux affirmations faites, même si leur expertise spécifique n'est pas le contrôle des maladies infectieuses. En outre, leur contribution au débat peut servir à créer une fausse impression d'absence de consensus scientifique sur la question. Sur YouTube, la "moisson" de mésinformation pèse 18% des vidéos analysées: 4/5 (Estonie), 14/25 (France), 83/409 (Allemagne), 13/39 (Pays-Bas), 37/172 (Roumanie), 5/234 (Espagne). Généralement, le narratif se concentre sur des enfants prétendument tombés malades à cause du vaccin et sur les effets indésirables graves des vaccins, ou sur des théories de la conspiration (par exemple, des relations néfastes entre les vaccins et les Etats qualifiés de totalitaires, la technologie 5G ou les "Big Pharma" qui se remplissent les poches). "Certains des documents de désinformation analysés en provenance d'Allemagne mettaient également en garde contre les effets supposés permanents et irréversibles de la vaccination en raison d'une supposée modification permanente et irréversible du génome humain due à la technologie ARNm sur laquelle sont basés certains des nouveaux vaccins Covid-19."L'étude suggère, sans doute un peu naïvement, que les autorités nationales sanitaires s'impliquent davantage dans la lutte contre la désinformation (alors que les réfractaires s'en méfient d'autant plus qu'elles réagissent) et de développer l'esprit critique et scientifique des citoyens (il n'est pourtant pas rare de trouver parmi les conspirateurs des universitaires). Plus pragmatique sans doute est le conseil aux médecins de réinformer leurs patients: le taux de confiance dans le médecin généraliste notamment est en effet très élevé. Mais parfois, le médecin de famille désinforme également (lire ci-contre). Des outils de réinformation peuvent aider à s'y retrouver comme CrowdTangle, Hoaxy, Botometer, Vaxmo, socialbearing.com, Facebook Graph Api et Atlas.ti.