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En janvier 2024, nos confrères de l'Echo titraient: "Les gestionnaires de fonds passent la barre du Bel 20 haut la main". La performance de la plupart des fonds investis en actions belges dépassait en effet celle de l'indice de la bourse de Bruxelles pour l'année 2023. Deux d'entre eux affichaient même un return (hausse du cours + dividende) carrément triple de celui de l'indice. Hélas, la hausse de ce dernier était limitée à un très maigre +2,1%, contre +15,8% pour l'indice Stoxx 600, mesure de l'ensemble des bourses européennes! Pas de quoi pavoiser donc pour les investisseurs, bien au contraire. Et cela faisait longtemps que Bruxelles était à la traîne... La bourse belge s'est toutefois brillamment rattrapée en 2024: l'indice Bel 20 a progressé de quelque 14%, soit le double du Stoxx 600! Rattrapage encore modeste, cependant, dans une perspective historique: l'indice belge se contente de 7% sur cinq ans et de 30% sur dix ans, à bonne distance des 22% et 50% respectivement de l'indice européen. Et que dire de la bourse américaine, en progrès de 24% l'an dernier, de 82% en cinq ans et de... 188% sur dix ans! La leçon est claire: l'investisseur en actions doit se diversifier au niveau international, avec une priorité nette pour les États-Unis. Ce n'est pas pour rien que les valeurs américaines représentent grosso modo deux tiers des portefeuilles d'actions proposés par les gestionnaires d'actifs européens. Répondons d'emblée à deux objections possibles. D'abord, un recul du dollar ne risque-t-il pas de ternir la performance pour un investisseur de la zone euro? C'est possible, oui, mais outre que le dollar peut tout aussi bien s'apprécier, avec la conséquence inverse, ce ne serait que du court ou du moyen terme. Au cours des dix dernières années, l'euro a valu entre 0,95 et 1,26 dollar. La différence n'est pas négligeable dans l'absolu, mais presque insignifiante en regard de la performance de la bourse américaine. Surtout, le dollar n'a rien à voir avec une devise exotique comme la lira turque, par exemple, qui s'est effondrée face à l'euro et sans remontée possible. L'illusion d'un rendement très élevé, anéanti par la chute de la devise, est un danger qui guette dans le domaine des obligations en devises exotiques mais qui, au-delà de quelques années éventuellement, ne concerne pas l'investissement en actions américaines. Deuxième objection possible: on sait que, suivant la formule consacrée, "les performances passées ne préjugent pas des performances futures". Dès lors, il est très légitime de se demander si, après un pareil envol, les actions américaines ne sont pas devenues trop chères. Plutôt chères, oui, mais pas nécessairement trop chères: tel est le credo de la plupart des professionnels. La valorisation des actions américaines restera sans doute très élevée, juge ainsi l'important gestionnaire allemand DWS, car c'est justifié par la progression des bénéfices et la longue phase d'expansion de l'économie du pays. Pour 2025, cette progression des bénéfices est estimée à 14% par le consensus des analystes. Le gestionnaire américain Fidelity, un des plus importants du monde, partage cette vue et complète le tableau avec une prévision de 12% environ pour 2026, comme en 2024. Le ciel s'éclaircit en Europe mais, après le repli de quelque 3% des bénéfices en 2024, l'amélioration devrait rester contenue: +5,9% cette année et +8,3% l'an prochain. L'écart avec les États-Unis demeure tristement sensible... Résultat: les actions européennes ne sont globalement guère privilégiées dans les portefeuilles, avec une industrie en panne, particulièrement dans le secteur automobile. Son de cloche semblable du côté de BNP Paribas. La croissance des États-Unis va ralentir, mais rester nettement positive. L'enthousiasme à l'égard de l'intelligence artificielle (IA), qui fut le principal catalyseur de la bourse en 2024, sera toujours d'actualité en 2025, mais à une échelle plus large. Comme nombre de ses consoeurs, la banque française estime donc que la hausse de Wall Street ne sera plus aussi largement dominée par les fameux sept magnifiques, soit Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook, Instagram), Microsoft, Nvidia et Tesla. Il faut savoir que ce club select fut responsable, à lui seul, de 65% de la hausse de l'indice S&P 500 en 2023 et encore 57% en 2024! Les appréciations boursières seront plus largement réparties, tout en demeurant entraînées par le secteur technologique, estime le stratégiste en chef Daniel Morris: tandis que les bénéfices de l'ensemble du marché progresseraient de 15,1%, ceux des entreprises composant l'indice technologique Nasdaq 100 bondiraient encore de 21,9%. Pas d'enthousiasme excessif, ici non plus, pour les actions européennes. Elles s'apprécieront, mais moins qu'ailleurs dans le monde. Le continent reste plombé par les problèmes structurels de l'industrie allemande, tandis que la demande des consommateurs reste trop faible pour dynamiser l'économie. À défaut de pouvoir évoquer toutes les prévisions, voici une vue globale concernant la hausse attendue de la bourse américaine en 2025. La moyenne des scénarios retenus par l'agence financière Bloomberg est de 12,3%. Un niveau inférieur de moitié à la performance de l'an dernier, mais encore supérieur à la moyenne historique. Alors que la maison Oppenheimer avance plus de 20%, les géants Goldman Sachs et JP Morgan se contentent de la moitié. On ne peut oublier que, sur longue période, l'évolution des bourses dépend aussi de celle des taux d'intérêt. Pour deux raisons. D'une part, les entreprises s'endettent à moindre coût, ce qui améliore leur compétitivité et leurs marges. D'autre part, quand le rendement offert par les obligations diminue, les dividendes payés par les entreprises deviennent, par comparaison, plus attrayants, ce qui soutient le cours de leurs actions. Or, la Banque centrale européenne a et va encore baisser son taux de base davantage que sa consoeur américaine. Un des évènements importants de la fin 2024 fut du reste la déclaration du patron de cette dernière, Jerome Powell, prévoyant deux baisses de taux seulement cette année au lieu des quatre prévues précédemment. De ce point de vue, l'Europe semble mieux placée. Oui, mais... Ce qui compte ici, ce sont les taux d'intérêt à long terme, ceux que l'on observe sur les marchés financiers et qui résultent des achats et ventes d'obligations par les investisseurs. Or, force est de constater qu'ils n'ont jusqu'ici guère suivi la baisse des taux à court terme, ceux décidés par les banques centrales. C'est vrai un peu partout, y compris en Belgique: les obligations de l'État à un an offraient encore un rendement de plus de 3,5% au printemps 2024. Au début 2025, ce taux était revenu à 2,3%, une fameuse chute! Rien de tel pour le rendement des obligations à dix ans: tombé à un peu plus de 2,6% en septembre 2024, puis au début décembre, il est ensuite remonté en direction de 3%. C'est plus frappant encore aux États-Unis, suite à la victoire de Donald Trump, dont le programme est jugé inflationniste: alors que le taux à dix ans avait reculé à 3,6% environ en septembre de l'an dernier, il a entamé l'année 2025 à 4,6%! Cette résistance des taux d'intérêt à long terme ne remet pas complètement en cause les conseils de placement des professionnels, mais elle impose quand même à l'investisseur de rester attentif à son évolution. Il ne faudrait pas que cette panne dure trop longtemps...