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"Il y a 50 ans, la chimie promettait des merveilles mais elle semble aujourd'hui nous exploser au visage. Devons-nous pour autant revenir à l'âge de pierre ? ", s'est interrogé le Pr Jean Nève, président du CSS, en introduction à l'assemblée générale du Conseil le 15 mai dernier. " La préoccupation du CSS est de savoir ce que nous léguons aux futures générations. Nous devons poursuivre nos travaux en encourageant le monde politique à passer à l'action, à mettre en place une vision sur le long terme. Nous devons changer nos attitudes : mais interdire tous les agents chimiques serait impensable et contre-productif. "Si, au siècle dernier, l'espérance de vie a augmenté, actuellement, l'incidence et la prévalence de nombreuses affections de civilisation (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète, obésité, troubles de la reproduction, neurodéveloppementaux et cognitifs, et maladies liées au système immunitaire) sont à la hausse.Pourquoi ? Quel type d'agents sont impliqués ? Quelle prévention ? Pour le CSS, " il existe désormais assez d'informations mécanistiques et de données épidémiologiques moléculaires indiquant qu'une série d'agents contribuent de manière importante à de nombreuses maladies de civilisation, même si aucune preuve épidémiologique précise n'est disponible. La prévention doit être fondée sur les connaissances et non pas simplement sur des preuves. "Peut-on tout contrôler et évaluer correctement le risque ? Le réponse est évidemment " non ". Au coeur du problème, le nombre particulièrement élevé de substances chimiques auxquelles nous sommes exposés. L'Union européenne en a enregistré plus de 145.000, la plupart mutagènes ou perturbateurs endocriniens. Établir les propriétés toxicologiques pour l'homme d'un produit chimique prend du temps et coûte cher, seul 1% a été ainsi étudié. Le programme Reach, supposé protéger la population européenne, est très lent : entre 2008 et 2013, seules 52 substances ont été éliminées, soit 10/an, et depuis 2013, la décision concernant 42 substances est en attente.Le CSS en appelle donc au concept 'd'hygiène environnementale physico-chimique'. Comme fin 19e-début 20e, l'hygiène a permis de diminuer la mortalité par maladies infectieuses et ce, longtemps avant d'identifier les agents microbiens en cause et de découvrir les antibiotiques, l'hygiène est une condition sine qua non pour éviter les maladies de la civilisation.L'objectif est de diminuer le nombre des substances auxquelles nous sommes exposés et donc l'intensité de cette exposition. Les substances chimiques suspectées d'être des perturbateurs endocriniens ou carcinogènes sur base de données humaines et animales, ou montrant dans des tests simples (in vitro ou in vivo) une activité mutagénique, de liaison à des récepteurs hormonaux ou nucléaires, devraient être considérées comme potentiellement nocives à la santé. En l'absence de données convaincantes montrant leur sécurité, l'exposition humaine devrait être restreinte, si possible, par réglementation des autorités publiques.Cette hygiène environnementale ne doit pas s'entendre que comme une exposition aussi faible que possible, mais aussi le plus tard possible dans la vie, la plus courte possible et le moins souvent possible. À un niveau individuel, il faut être particulièrement attentif à la fenêtre d'exposition prénatale, période clé d'extrême vulnérabilité aux produits chimiques. Le placenta n'est en effet pas une barrière, il laisse passer les substances chimiques. Une grande attention doit donc être portée aux femmes en âge de procréer et aux femmes enceintes et allaitantes.Dans le cadre du principe de précaution, le CSS recommande aux consommateurs d'adopter de bons réflexes et de prendre des mesures pour éviter ou réduire l'exposition à une série d'agents (voir ci-après).Pour le CSS, l'hygiène environnementale qui dépend d'une responsabilité collective et individuelle, est une condition nécessaire pour prévenir les maladies de civilisation. Son implémentation peut mener à l'interdiction de substances qui ne présentent aucun bénéfice significatif ou pour lesquelles une alternative moins risquée existe, elle conduira probablement plus souvent à l'imposition d'une version modifiée d'un produit. Il convient néanmoins d'être attentif au phénomène de migration du risque ou encore au fait que certaines mesures préventives peuvent mener, directement ou indirectement, à l'utilisation de méthodes ou de substances de remplacement présentant des risques substantiels." La solution n'est pas de retourner à l'âge de la pierre, mais d'utiliser la technologie pour trouver une chimie propre, circulaire et verte, c'est-à-dire qui tient compte dès sa conception de la circulation des matériaux et qui produit moins de substances dangereuses ", conclut le Pr Nicolas Van Larebeke (CSS). On pense par exemple aux technologies omiques (génomique, protéomique, métabolomique) qui pourraient contribuer à identifier avant commercialisation les propriétés dangereuses des produits chimiques conduisant à une " chimie verte ".L'hygiène environnementale physico-chimique, soutenue par les innovations technologiques, est pensée comme une stratégie mondiale visant à réduire notre exposition aux agents dangereux, et conditionnée aux contributions des gouvernements, de la population et de l'industrie.