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Les patients atteints du syndrome du colon irritable sont soignés chez le spécialiste grâce à un régime pauvre en FODMAP (oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles). Ces composants alimentaires ne sont ni dégradables, ni résorbables. Ils ne peuvent être digérés et attirent de l'eau en milieu intestinal. Ils fermentent aussi sous l'action des bactéries intestinales, provoquant diarrhées et constipations. Chez certaines personnes prédisposées, ces aliments peuvent occasionner ou renforcer des troubles liés au SCI. " La mise en place d'un régime pauvre en FODMAP est très chronophage", explique le Pr Jan Tack (chef de service de gastro-entérologie, UZ Gasthuisberg, Leuven). " Le régime doit être élaboré par un diététicien expérimenté. De nombreux aliments sont exclus de l'alimentation, et ce pendant six semaines. Puis, il faut apporter des corrections, afin d'éviter que le patient ne prenne trop peu de calories. Si les symptômes diminuent après six semaines, on tente de réintroduire un à un les aliments proscrits, afin de voir si les troubles restent sous contrôle ou refont surface. Après trois mois environ, on parvient enfin à un régime personnalisé. Le régime pauvre en FODMAP est lourd pour le patient et demande tellement de temps au diététicien qu'il ne s'applique qu'aux cas les plus graves." " L'application que nous avons développée concerne les patients de la première ligne. Grâce à son ergonomie, elle aide le patient à constituer un régime où les FODMAP ne sont pas totalement éliminés, mais bien diminués." L'instrument a été testé par 110 généralistes dans l'étude Domino. Les patients atteints d'un SCI nouvellement diagnostiqué ou à traiter (n=470) ont été randomisés pour se voir administrer le traitement médicamenteux classique ou être rédirigés vers l'utilisation de l'app. " Les patients du groupe utilisant l'application ont reçu comme seule instruction de la télécharger et de l'utiliser", ajoute le Pr Tack . "La tâche du généraliste est ici très simple. Je veux dire par là qu'il ne doit pas avoir de connaissances poussées en matière de diététique pour accompagner son patient dans l'utilisation de l'application." Une fonction de recherche permet à l'utilisateur de savoir quels aliments il/elle peut consommer ou au contraire éviter. Si l'un d'entre eux est déconseillé, l'app propose des alternatives, ainsi que toute une série de menus pauvres en FODMAP (pour le petit-déjeuner, le dîner, en-cas et le repas du soir, desserts inclus). Lorsque l'on clique sur un menu, en mentionnant le nombre de convives, l'application génère une liste de courses. Certains conseils spécifiques sont également donnés: que faire si je vais au restaurant? Quelles boissons puis-je consommer? " Après huit semaines d'utilisation de la médication classique ou de l'application, les patients ont été revus en consultation", poursuit Jan Tack. " Nous avons directement constaté les bienfaits des deux solutions: 61% des patients sous médication ont déclaré avoir vu leurs symptômes diminuer, voire disparaître, mais c'est encore 11% de moins que les personnes utilisant l'app. Une différence qui atteint même 15% chez les patients répondant aux critères de Rome, utilisés pour recruter les patients en vue d'études sur le SCI." Au terme de ces huit semaines, médecin et patient décidaient ensemble de poursuivre ou non le traitement. Quasiment personne n'a interrompu celui-ci. Six mois après le début de l'étude, 91% des 235 patients utilisant l'application poursuivaient leur régime. Dans l'autre groupe, 83% prenaient toujours leur médication au même moment. " L'observance thérapeutique était toutefois plus grande pour le régime que pour la médication", précise le gastro-entérologue louvaniste. " Avant de connaître les résultats, nous pensions: si l'application fonctionne aussi bien que les médicaments, elle complétera l'arsenal thérapeutique quotidien. Mais maintenant que nous savons qu'elle permet d'obtenir de meilleurs résultats (et que les résultats se maintiennent après six mois), nous estimons que nous devons la proposer comme traitement préférentiel en première ligne, en cas de colon irritable, en tout cas chez les patients en mesure d'appliquer le régime au quotidien. Pour les autres, la médication constitue toujours une bonne alternative." L'application sera disponible dès le mois de juin via le généraliste, en français et en néerlandais, ce qui explique que les cabinets ayant participé à l'étude Domino sont autant néerlandophones que francophones.