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Votre communication va vers le politique alors que se dessinent tout doucement les nouveaux gouvernements régionaux et fédéral ? Le financement des hôpitaux, malgré la 6e Réforme de l'État reste quand même très fédéral...En effet. Notre message au Fédéral est : " Nous sommes partenaires pour améliorer chacun dans son domaine de compétence la santé de nos concitoyens. " On peut mieux allouer les ressources publiques à notre niveau. Mais il faut que les coupes budgétaires s'arrêtent à un moment donné. On est allés trop vite et trop fort. Il faut une relation de partenaire dans les deux sens entre autorités et hôpitaux. Ensuite on doit voir comment on veut faire évoluer le modèle ensemble. Pour l'instant, on a l'impression que c'est vraiment à sens unique. C'est toujours tard et en dernière minute qu'on nous annonce : " Voilà, l'an prochain, vous allez perdre tel financement. Débrouillez-vous. Faites des économies. " Dans de telles conditions, on n'a pas l'impression d'être partenaires.Il y a 25 réseaux en Belgique, Iris doit demeurer un réseau en tant que tel ?Iris existe en tant que réseau depuis plus de vingt ans. Mais au niveau de la loi réseaux, Iris négocie avec d'autres structures hospitalières pour les inviter à le rejoindre. Le réseau Iris est amené à évoluer, à développer de nouveaux partenariats. Notamment avec Erasme, le Chirec et dans le périmètre de l'ULB.Que pensent les médecins d'Iris de cette crise, eux qui sont majoritairement salariés ? De quelle manière sont-ils impactés ?Dans les hôpitaux d'Iris Sud, ils sont indépendants ; à Bordet et à l'Huderf, ils sont salariés. À Brugmann, ils sont à 75% salariés... Les médecins sont très attentifs à ce que leurs collègues soignants expriment. Ils y sont sensibles parce que ce sont leurs collègues directs... Tout l'hôpital est en difficulté face aux coupes budgétaires subies depuis dix ans. Même le personnel de l'accueil...Vous parvenez à maintenir une médecine de pointe face aux économies ? Les investissements en matériel sophistiqué et coûteux sont-ils impactés ?Clairement, oui. Nous continuons d'investir dans les nouvelles technologies. Car c'est notre ADN. Plusieurs hôpitaux d'Iris comme Saint-Pierre ont une vocation universitaire. Nous y sommes extrêmement attachés. On finance donc des projets de recherche. On achète du matériel innovant. Mais la question, c'est : à quel prix ? Il faut tout le temps faire plus, non pas avec moins mais avec les mêmes moyens. Exemple : on nous a annoncé que les PG (post-gradués, ndlr) spécialistes ne seront plus financés via le BMF ( budget des moyens financiers des hôpitaux, ndlr) mais via un financement venant de l'Inami. Exemple typique de comment les hôpitaux sont traités : annonce tardive, budget retiré, pas encore de budget alternatif, non-connaissances des modalités à venir... Or nous avons une mission de formation des futurs médecins et para-médicaux. On ne se sent pas respecté dans cette mission puisqu'on nous enlève des moyens. Certes, on maintiendra le nombre identique de PG mais on n'a pas le financement donc cela nous met dans un certain stress.Pouvez-vous payer suffisamment les médecins notamment salariés étant donné les barèmes proposés pour maintenir une offre hautement qualitative de médecins ? Ne subissez-vous pas la concurrence des Cliniques de l'Europe, des Cliniques Saint-Luc ou du Chirec ?Nous avons des médecins de très grande qualité car travailler au sein du réseau Iris, c'est adhérer à un projet médical et être en phase avec son projet personnel. L'aspect " hôpital public universitaire " est une proposition, disons, unique... L'approche est diversifiée au niveau de la patientèle. Si vous travaillez au CHU Saint-Pierre, vous épousez cette vision, les missions et les valeurs portées par ce projet. Mais il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. Il faut qu'on puisse garder ces médecins et en attirer d'autres pour poursuivre cette mission. Le problème vient en effet de la différence trop significative entre les barèmes dans le public par rapport aux rémunérations du privé. Les médecins disent : " Nous avons la volonté de travailler au sein d'un hôpital public universitaire mais il y a une ligne rouge qu'on ne peut pas franchir car nous avons l'impression alors que notre travail n'est pas valorisé à sa juste valeur. " À nous de travailler à ne jamais franchir cette ligne...La première ligne, quel rôle peut-elle jouer justement pour des populations venant de pays où elle n'existe pas et où l'on se rend prioritairement au dispensaire ? Quels sont vos rapports avec les médecins généralistes au sein de votre bassin de soins ? Comment changer les mentalités ? Augmenter le taux d'hospitalisations à domicile ?Je pense que l'hôpital et le réseau Iris en particulier doit faire son aggiornamento à ce sujet. L'hôpital doit s'ouvrir beaucoup plus sur tous les partenaires qui sont autant de maillons dans la chaîne de soins. L'hospitalisation à domicile, les médecins généralistes... On doit beaucoup plus travailler ensemble. Lorsque je suis arrivé à ce poste, c'était mon premier message : les MG sont nos collègues internes. On travaille ensemble sur les mêmes patients et les mêmes problématiques de santé. Il faut définir ensemble nos trajets de soins qui sont communs. On ne peut pas leur dire : " voici comment on travaille à Saint-Pierre, insérez-vous dans notre système ". Il faut définir cela avec eux et mettre en place des canaux de communication. Il faut beaucoup plus se parler, entre institution et organisations représentatives des MG du quartier et les maisons médicales. Il faut plus se parler d'homme à homme. On envoie beaucoup de courriers mais pas mal de problèmes se règlent plus facilement avec un coup de téléphone lorsqu'a été bâtie une confiance mutuelle. Ce sont des messages que je fais passer à la direction médicale dans l'hôpital. Une mesure concrète : j'ai rencontré une série de MG du quartier et j'ai appris qu'ils connaissaient mal les médecins de l'hôpital. On en a pris acte. On a contacté tous les médecins hospitaliers de Saint-Pierre pour que, via Facebook, les MG puissent obtenir les GSM de nos médecins sans passer par un secrétariat : présentez-vous, donnez vos disponibilités. On a édité un petit bouquin qu'on a distribué à tous les généralistes. On a des retours fantastiques. Il faut continuer dans cette voie-là.jdM : Les syndicats ont des revendications claires en terme de barèmes qu'ils prétendent très inférieurs à ceux pratiqués en Wallonie et à Bruxelles. Mais ils dénoncent également un certain pourrissement de la situation. Que leur répondez-vous ?Philippe Leroy : On est très solidaires avec eux. Nous partageons l'esprit et la philosophie du mouvement. J'entends : les directions des grands hôpitaux du réseau Iris. Nous souhaitons d'ailleurs nous associer avec les syndicats et le personnel pour les prochaines actions. Nous allons alerter l'opinion publique et les politiques sur la situation financière des hôpitaux (voir page 7). Il y a un moment où nous demander de faire des économies années après années, ce n'est plus possible. D'autant qu'on ne nous dit jamais ce que l'on recevra en retour. On ne voit pas la vision derrière tout cela. Toutefois, je ne veux pas me dédouaner de toute responsabilité en tant que direction hospitalière. En termes d'allocations optimale des ressources, nous avons certains leviers. Il est clair que nous devons poursuivre la chasse au gaspillage. Si des trajets de patients sont non-optimaux, il faut les corriger. La satisfaction du patient est prioritaire, celle de notre personnel également.