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Le 24 décembre 2020, la campagne de vaccins contre le Covid-19 débutait au Chili, avec le personnel de santé et se poursuivait avec les groupes de population à risque. Jusqu'à présent, deux vaccins sont utilisés au Chili: le germano-américain Pfizer-BioNTech et le chinois Coronavac du laboratoire Sinovac. L'objectif était de vacciner 25% de la population avec une première dose avant fin mars et d'avoir vacciné de 15 à 19 millions de personnes avant juillet. Une campagne gratuite et volontaire. À la différence d'autres pays d'Amérique latine, le Chili a été le premier pays latino-américain à négocier l'achat de vaccins avec plusieurs firmes pharmaceutiques, et ce, dès le début de la pandémie, ce qui lui a donné un accès prioritaire sur différentes marques. Le Chili a acheté au total 35 millions de doses de vaccins: dix millions de doses de Pfizer, dix millions de doses de Sinovac et le reste d'AstraZeneca, Johnson & Johnson et de la plateforme Covax de l'OMS. Le Chili a eu les moyens d'acheter assez de vaccins pour ses habitants, il a anticipé les achats et possède une bonne structure gouvernementale pour implémenter la campagne. Tous ces facteurs réunis ont permis à ce pays sud-américain d'avoir un système de vaccination efficace, malgré un taux d'inégalité plus élevé que la moyenne, selon l'OCDE. Et ces progrès dans le processus de vaccination ont suscité un grand espoir. Cependant, un nouveau pic d'infections a contraint le gouvernement à reconfiner près d'un tiers de la population la semaine dernière. "Nous sommes en train d'atteindre le record de cas par jour, par rapport aux mois les plus difficiles de 2020", a déclaré le Dr Juan Carlos Said, expert en santé publique au Collège impérial de Londres à la BBC Mundo, la semaine passée. " Au niveau des hospitalisations aussi, nous atteignons un chiffre similaire aux mois les plus compliqués, avec des niveaux d'occupation de chambres très critiques, ce qui se traduit par une saturation du système et une situation qui est extrêmement complexe au niveau sanitaire", ajoute-t-il. Depuis le début de la pandémie, le pays a enregistré quelques 932.000 cas et plus de 22.000 morts selon les chiffres officiels. " Le Chili n'a jamais réussi à avoir un contrôle efficace de la pandémie. A la différence d'autres pays, comme en Europe qui ont pu diminuer leur chiffre, au Chili nous nous sommes stabilisés à ce que nous avons appelé une endémie haute, à savoir, un nombre persistant de cas qui n'a jamais vraiment baissé ", poursuit le Dr Said. "Même s'il y a eu une stratégie de dépistage, elle n'a jamais été complètement efficace pour localiser correctement les contacts des personnes contagieuses et le virus a donc continué à circuler", ajoute -t 'il. " Par ailleurs, il y a eu une certaine lassitude dans le suivi des mesures. Au début, la population adhérait fort aux mesures et restrictions. Mais la situation économique et sociale très fragile du pays, ainsi que le taux d'emplois informels, spécialement dans les communes les plus pauvres, ont fait que les personnes devaient sortir pour aller travailler malgré les restrictions de mobilité. " Une autre cause de l'augmentation est certainement l'arrivée de nouveaux variants qui circulent au niveau mondial, constate l'expert. Les autorités chiliennes ont reconnu que le variant brésilien était dans le pays depuis plusieurs semaines déjà et elles ont identifié également le variant britannique. " Ce que nous vivons aujourd'hui au Chili est une situation similaire à celle du Royaume-Uni au retour des vacances d'été, où une deuxième vague plus forte a eu lieu", renchérit la docteure Claudia Cortés, de l'Universidad de Chile et vice présidente de la Société chilienne d'infectiologie, interviewée également par la BBC Mundo. Les vacances d'été au Chili avaient lieu en effet au mois de janvier et février. " Le gouvernement a autorisé des permis spéciaux pour partir en vacances. Entre quatre et cinq millions de personnes ( sur une population de 19 millions, NDLR) se sont déplacées dans des zones où le taux de contamination est très élevé actuellement, justement au moment où l'on développait la campagne de vaccination des groupes prioritaires."Le Dr Cortés considère que la réussite de la campagne de vaccination peut être une des causes de la nouvelle épidémie, du fait que beaucoup de personnes ont eu trop confiance en l'immunisation. "Malheureusement, au début de la vaccination il y a eu une mauvaise information. Beaucoup de gens ont pensé qu'une fois vaccinés, le problème serait résolu et ils ont relâché les mesures de prévention de manière significative." Les vaccins sont efficaces mais pas magiques au point de réduire la contagion du jour au lendemain, soulignent les deux experts. " Les vaccins n'agissent pas immédiatement", explique le Dr Said. "De nombreux vaccins, comme le Sinovac, qui est majoritaire au Chili, demandent deux doses consécutives, avec un intervalle de trois semaines. Et l'immunité totale commence à être atteinte à partir de la deuxième semaine après la deuxième dose", explique-t-il. " Donc, si le Chili a bien vacciné 20% de la population avec la première dose, par contre moins de 5% des habitants seulement ont reçu la deuxième dose et sont effectivement immunisés." Par ailleurs, "Le vaccin Sinovac prévient les hospitalisations et les décès, mais il est moins efficace pour prévenir les contagions, en comparaison avec d'autres vaccins comme le Pfizer", explique l'expert . Selon le Dr Cortès, il faudra au moins 80% de la population vaccinée, pour que les effets des doses soient visibles. Le Dr Said de son côté estime que le pays commencera à voir les premiers signes de la baisse des hospitalisations et des décès à la fin du mois de mars, mais que l'épidémie ne diminuera pas dans la même proportion.