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La pandémie de Covid-19 a sans doute quelque peu chahuté ces chiffres depuis, puisque la crise sanitaire et son cortège de confinements ont freiné nos contacts en face-à-face. Les dernières statistiques de l'AIM n'en demeurent cependant pas moins intéressantes car elles montrent que la relation entre patients et médecins généralistes reste un pilier de notre système de soins de santé: en moyenne, le Belge a un peu plus de cinq contacts par an (5,5) avec son médecin traitant. Un chiffre légèrement inférieur (4,7) à Bruxelles. "Il y a un gros effort à faire à Bruxelles, qui reste le parent pauvre", commente Paul De Munck, sans surprise. "La population y est très différente, Bruxelles concentre un maximum de personnes qui ne sont pas sensibilisées ou qui sont moins bien informées. Comment favoriser le contact chez le médecin généraliste plutôt que de recourir au spécialiste ou d'aller aux urgences?", interroge le président du GBO. "Tout citoyen sur le territoire belge devrait avoir son dossier médical global dès la naissance. L'objectif est d'atteindre 100% de DMG." Si plus de huit Belges sur dix ont eu au moins un contact avec un médecin généraliste en 2019, cette moyenne cache de fortes disparités. Les femmes consultent plus que les hommes, de même que les personnes âgées voient davantage leur médecin de famille que les jeunes générations. Les patientes de plus de 75 ans ont ainsi près d'un contact par mois avec leur généraliste, contre trois par an dans la tranche des 5-14 ans. L'autre facteur qui influence le nombre de consultations est d'ordre financier: tous groupes d'âge confondus, les bénéficiaires du statut d'intervention majorée (BIM) ont plus de contacts (jusqu'à 13 par an). Chez les 45-74 ans, les BIM comptent en moyenne trois contacts de plus avec leur généraliste que les non-BIM. Autre statistique plutôt réjouissante pour les généralistes, le taux d'observance des patients à la pratique, autrement dit le niveau de fidélisation. Il frôlait les 80% en Wallonie, et les 75% dans la Capitale en 2019. Un chiffre alors stable. Le Covid pourrait-il avoir changé la donne entre-temps? Patients et médecins traitants se voient-ils désormais moins? "Personnellement, je ne le crois pas", confie Paul De Munck. "Le nombre de contacts avant-Covid, de 5,5 par an, n'était pas énorme, il était de 7 par an auparavant. On sait qu'il y a une hésitation, pour raisons financières, à franchir les portes du cabinet, il faut donc continuer à faciliter l'accès au généraliste. Le ticket modérateur n'a plus beaucoup de sens." Les contacts via téléconsultation - entrée dans les moeurs et partie intégrante de l'arsenal mis à disposition des médecins - devront être pris en compte dans les prochaines statistiques. "Elle n'est pas fort remboursée, mais elle peut faciliter le contact. Le golden standard reste toutefois le vis-à-vis car en médecine générale, on ne fait pas d'examen clinique en visio." Autre raison de penser que le nombre de contacts ne diminuera pas, bien au contraire, les durées d'hospitalisation dorénavant plus courtes et "la volonté de prendre en première ligne ce qui relevait de l'hôpital", note encore le président du syndicat majoritaire en médecine générale. "Nous aurons plus de boulot et donc davantage de contacts, ne fut-ce que pour coordonner. Nous irons peut-être même plus à domicile pour ces prises en charge multidisciplinaires. Et le New deal pour la médecine générale, si l'on redéfinit le paquet de soins que le médecin généraliste doit offrir avec d'autres professionnels des soins, peut aussi augmenter le nombre de contacts." Sans parler du vieillissement de la population, des problèmes de santé mentale ou encore des soucis médicaux liés à l'évolution socio-économique "qui entraînent des multimorbidités qui, bien souvent, arrivent aussi chez le généraliste." "L'activité va augmenter, à une condition: qu'il y ait assez d'effectifs. Elle stagnera faute de médecins généralistes. Or les mesures d'aujourd'hui ne sont pas suffisantes pour demain. On peut mieux faire, il faut y mettre toute l'énergie", conclut Paul De Munck.