Au cours de cette dernière décennie, l'augmentation de l'incidence des cancers de tout type s'est accompagnée, fort heureusement, d'une importante amélioration de leur pronostic vital mais au prix d'une cardiotoxicité au long cours fréquente liée à la chimiothérapie et/ou à la radiothérapie. Cette nouvelle population grandissante de patients n'est actuellement pas prise en charge correctement.
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Les complications cardiovasculaires observées chez le patient cancéreux nécessitent la mise en place d'une approche spécifique et pluridisciplinaire, la cardio-oncologie, destinée à prévenir et traiter les affections cardiovasculaires des patients atteints de cancer avant, pendant et surtout après leur traitement.Mais, constatent les experts réunis au Heysel à l'occasion de l'édition 2020 du congrès de la Belgian Society of Cardiology (BSC), la Belgique est moins bonne élevé que ses voisins européens et traîne des pieds pour étendre ce nouveau champ d'expertise médical.Dans le monde, le nombre total de personnes en vie, cinq ans après un diagnostic de cancer, est estimé à 43,8 millions dont 200.000 en Belgique. Au total, 350.000 Belges ont récemment vaincu un cancer mais quelques 25% d'entre eux souffrent de maladies cardiovasculaires après le traitement de leur cancer. Par rapport à la population générale de même âge, les survivants d'un cancer sont dix fois plus susceptibles de développer une maladie coronarienne, une insuffisance cardiaque rapidement évolutive ou un AVC souvent en relation avec une fibrillation auriculaire. De plus, des données récentes estiment que les survivants atteints de tout type de cancer présentent un risque dix fois plus élevé de décès de causes cardiovasculaires que la population générale. Ce risque de décès par maladies cardiovasculaires est de deux à six fois supérieur au cours de la première année de diagnostic du cancer et il ne cesse d'augmenter au fil des années de survie.Si les progrès thérapeutiques ont permis un allongement considérable de l'espérance de vie d'un patient atteint de cancer, ils ont aussi entraîné un plus grand chevauchement des deux affections. En effet, les chiffres cités plus haut montrent que les survivants du cancer sont désormais à risque de développer des affections cardiovasculaires. Cela est dû à la radiothérapie et aux complications de la chimiothérapie mais pas seulement car la présence de facteurs de risque communs entrent aussi en ligne de compte comme le diabète, l'obésité, le tabagisme, l'inactivité physique, les troubles lipidiques, l'hypertension artérielle, la pollution de l'air, l'alcool et la mauvaise alimentation, autant de facteurs qui augmentent tant le risque de développer un cancer que celui de souffrir d'une maladie cardiovasculaire. Le cancer constitue lui-même un facteur de risque cardiovasculaire et en souffrir augmente de facto le risque cardiaque. En cause, un socle pathophysiologique commun, l'induction d'un état inflammatoire chronique. Pour supporter cette notion de facteurs de risque commun, une méta-analyse récente a montré que l'aspirine réduit non seulement le risque cardiovasculaire mais aussi celui du cancer du côlon. Il en va de même pour certains nouveaux anti-inflammatoires comme le canakinumab qui cible l'interleukine 1-bêta et a démontré une diminution significative tant des événements cardiovasculaires que de l'incidence du cancer du poumon. Prévenir ces facteurs de risque est donc important tant sur le plan oncologique que cardiaque.Parce que les traitements oncologiques mais aussi certains facteurs de risque mettent à mal le coeur des survivants d'un cancer, la cardio-oncologie s'attelle à protéger cet organe en alliant les expertises tant du cardiologue que de l'oncologue. Tout commence avant même le début du traitement avec l'avis circonstancié du cardiologue sur l'état de santé global du coeur du patient afin de guider l'oncologue vers la stratégie thérapeutique la plus adaptée au statut cardiaque du patient. Le suivi se poursuit durant et surtout après le traitement pour alors surveiller régulièrement les différents paramètres cardiaques et, en cas de problèmes, de proposer des traitements ad hoc pour limiter leur détérioration.Il ressort d'un récente enquête de la BSC dont les résultats ont été publiés en ligne sur le site de la revue Acta Cardiologica que seul un hôpital sur trois, en Belgique, dispose d'un service de cardio-oncologie et que 10% d'entre eux seulement prévoient une structure permanente pour les soins requis par ces patients. Par ailleurs, seul 1,2 cardiologue sur dix estime être un expert dans ce domaine mais l'intérêt pour une formation dans cette nouvelle discipline est très forte puisque 97% des répondants à cette enquête sont favorables à l'organisation de cours ou de réunions éducatives concernant la cardio-oncologie. De gros efforts en terme d'organisation et de formation sont donc à fournir d'autant que l'intérêt et la volonté d'étoffer cette nouvelle approche est manifeste. Du pain sur la planche pour le nouveau conseil de cardio-oncologie lancé par la BSC pour tenter de rattraper nos confrères européens.