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Toutes les personnes actives dans les soins de santé se souviendront de la journée du 9 novembre dernier, quand le groupe pharmaceutique américain Pfizer annonça que son vaccin contre le Covid-19 s'était montré efficace à 90% (une proportion depuis révisée à 95%). Information spectaculaire, aussi vrai que, de l'avis général, seul l'émergence d'un vaccin est susceptible de faire sortir le monde de l'inquiétude et de l'incertitude dramatiques où il a plongé en cette année 2020. Et par conséquent, de faire redémarrer l'économie. D'où la forte hausse des Bourses, dont les investisseurs aussi se souviendront. Une bonne nouvelle, assurément! Ce n'est toutefois pas toujours aussi clair et le "petit investisseur" peut se trouver franchement désarçonné en observant des évolutions de cours surprenantes, voire en contradiction apparente avec l'information qui en est la cause. Quelques explications, au travers de situations concrètes. Le lundi 9 novembre dernier, la plupart des actions s'orientent résolument à la hausse. Les héros du jour d'abord. Si Pfizer se contente de gagner 7,6% et reflue un peu ensuite, son compère allemand BioNTech s'appréciera de 22,5% en deux jours. Il y a mieux, dans le secteur aérien en particulier: 27,5% de hausse pour Air France-KLM et même 35,5% pour la compagnie low-cost Easy Jet! En parallèle, le constructeur Airbus s'adjuge 18,6% en clôture du 9, après un envol flirtant avec les 30% en cours de séance. Forcément, si le tourisme aérien reprend... À Bruxelles, c'est l'exploitant de salles de cinéma Kinepolis qui joue les vedettes avec une flambée de 22,3%, encore renforcée de 14% le lendemain. Active notamment dans le matériel vidéo, la société Barco fait, dans son sillage, un bond de 24,4%. Forcément, si les cinémas rouvrent... De pareilles écarts sortent de l'ordinaire, faut-il le préciser? À en juger par une Bourse de Bruxelles en progrès de plus de 10% en deux jours, l'annonce de Pfizer est clairement une bonne nouvelle pour tout le monde. Ou presque... Quelques reculs s'observent en effet. À New York, le titre Zoom perd un quart de sa valeur en deux jours! Quasiment inconnue encore l'an dernier, cette entreprise est montée sur le podium cette année grâce à son logiciel de téléconférence ; son cours a été multiplié par sept. C'est dire que ce mini-krach n'a ruiné personne... Il est toutefois significatif, puisque c'est le confinement et le télétravail qui ont fait la bonne fortune de Zoom. Dès lors, avec l'arrivée d'un vaccin... On s'en voudrait de ne pas relever le repli plus léger mais tout aussi significatif du titre Colruyt à Bruxelles: -3,8%, c'est sensible pour une valeur défensive. L'explication est simple: la grande distribution a beaucoup profité de la fermeture des restaurants et cantines. Donc, comme pour Zoom, le retour à la normale qui se profile enfin... Tout ceci est d'une logique implacable. Il n'en va pas toujours de même. L'investisseur particulier qui ne suit pas la Bourse de près reste parfois fort perplexe en observant la hausse de cours de l'action d'une entreprise qui vient d'annoncer des résultats en chute sensible. Ou la baisse d'une action après la proclamation de très bons résultats. Deux exemples fort parlants dans le secteur technologique américain, tous deux datés du 30 octobre dernier. Ce jour-là, Twitter annonce un excellent bénéfice au 3e trimestre: 19 cents par action, soit plus du triple des six cents attendus par le marché. Pourtant, le cours perd pas moins de 22,5%! C'est que l'entreprise chère à Donald Trump signale par ailleurs que le nombre de nouveaux utilisateurs se situe dix millions en-dessous de ce qui était attendu par les analystes. Cette contrariété l'a visiblement emporté sur les brillants résultats, d'où ce véritable mini-krach. Même topo pour Amazon, le grand vainqueur du confinement et de la fermeture de nombreux petits commerces, avec un cours en hausse de près de deux tiers depuis le début de l'année. Le géant de l'e-commerce annonce lui aussi des résultats très supérieurs aux attentes: 12,37 dollars de bénéfice par action, contre une prévision de 7,41. Et le cours de l'action... fléchit de 5,5%, ce qui est considérable pour une valeur de cette envergure. En cause: le groupe ne s'est pas montré très enthousiaste à propos des perspectives pour le 4e trimestre. La leçon est claire: le bénéfice annoncé n'est pas tout, il s'en faut parfois de beaucoup. Il en va de même lorsque ce bénéfice est en chute. Voyez Solvay, qui a annoncé des résultats en repli sensible le 5 novembre: -12% pour le chiffre d'affaires et -27% pour le bénéfice par action. Pas fameux donc, mais finalement pas trop mal vu le contexte, ont jugé les analystes. Ces replis sensibles n'ont dès lors pas empêché l'action de gagner 5% ce jour-là, encore moins d'accompagner et même d'amplifier la hausse du marché dans les jours suivants, au point de grimper de 21% en moins d'une semaine! Le temps d'un examen plus approfondi? Sans doute. Il arrive toutefois que celui-ci fasse changer d'avis. C'est la mésaventure arrivée l'an dernier à Mithra, l'entreprise liégeoise active dans la santé féminine. Une belle réussite, au point que son fondateur François Fornieri fut sacré Manager de l'année 2011 du magazine Trends-Tendances. Le 1er octobre 2019, l'entreprise annonce la signature d'un contrat avec un groupe australien, pour la commercialisation de son produit vedette aux États-Unis. Magnifique, juge le marché dans un premier temps. L'envol fait cependant long feu dès ce jour-là, l'action ne gagnant finalement que 2,2%. Et une semaine plus tard, elle a perdu plus de 22%! Les analystes financiers ont entre-temps jugé le partenaire australien pas vraiment à la hauteur, tandis que ses prévisions de vente étaient sensiblement plus faibles que celles avancées par Mithra. Tout bien réfléchi, donc, méfiance! Bonne ou mauvaise nouvelle? En Bourse, ce n'est pas toujours évident, pas du premier coup en tout cas. Il ne faut toutefois pas nécessairement trop se creuser les méninges pour essayer de comprendre car l'expérience enseigne que l'étiquette "bonne" ou "mauvaise" dépend parfois de l'humeur, bonne ou mauvaise, des investisseurs ce jour-là! Un des plus fameux exemples d'évolution boursière totalement contraire aux prévisions remonte à la guerre du Golfe de 1991. Plus précisément au 17 janvier 1991, lorsque les Américains (ou plus exactement la "coalition" groupant une quarantaine de pays, dont la Belgique) lancèrent l'offensive contre les troupes de Saddam Hussein, le dictateur irakien, qui occupaient le Koweït depuis le 2 août 1990. La plupart des professionnels prévenaient: le jour où la guerre éclatera, ce sera la panique en Bourse et il faudra se précipiter pour acheter à bon compte! Double erreur de jugement. Et, soyons juste, péché d'orgueil de prendre les autres pour des idiots... Ce que les marchés détestent, et ce qui provoque donc une chute des cours, c'est d'abord une nouvelle à la fois mauvaise et inattendue. Et ensuite une grande incertitude. Tel fut le cas de l'invasion du Koweït en août 1990. On n'assista pas vraiment à un krach le jour de l'invasion, car on imaginait (curieusement? ) une solution diplomatique rapide. Quand ils se rendirent compte que c'était illusoire, les investisseurs accrurent toutefois leurs ventes d'actions. Résultat: une chute allant jusqu'à 20% en trois semaines. Le 17 janvier 1991 marqua une situation totalement inverse. D'abord, c'était tout sauf inattendu: la guerre contre l'Irak se préparait depuis des mois. Ensuite, personne ne doutait que la coalition l'emporte assez rapidement et que le Koweït soit libéré. Ce Koweït, important fournisseur de pétrole, faut-il le rappeler? Le début de la guerre constituait donc une excellente nouvelle. Résultat: les Bourses s'envolèrent le 17 janvier 1991, Wall Street affichant une hausse de 4,6%. Un bond spectaculaire à cette époque de volatilité moindre qu'aujourd'hui.